Comme on ne dispose pas d'instrument de mesure permettant de déterminer quelles opinions sont les plus généralement partagées, on peut débattre sans fin, ici. Tout de même, il me semble que ce n'est pas la position la plus courante que de défendre le niveau des dépenses militaires US, et donc que, sur ce point également, je suis minoritaire. La "bien-pensance", comme vous dite, ne semble être du côté de ceux qui affirment que le terrorisme n'est pas si grave, ni si menaçant, et que ce sont vraiment les US qui sont les vilains de l'affaire.
Pour ce qui est des statistiques, je répète que ce qui me gêne avec la comparaison des risques liés au terrorisme à ceux liés à la foudre est que les deux types de données ne peuvent obéir à la même méthodologie. À nouveau, il y a un sens dans le cas des morts par la foudre, mais aucun dans le cas des morts par terrorisme, à se fonder sur les seules données passées pour se décider à agir. J'en ai expliqué les différentes raisons dans une réponse à Boutros, et donc ne vais pas me répéter ici, mais seulement donner une nouvelle illustration. Imaginons qu'une vague d'attentats, comme 9/11, fasse un peu plus de 3000 morts. Une manière de procéder consisterait à remarquer que cela ne représente jamais que 1/2 des morts dus aux SMS au volant, et donc rien de bien statistiquement grave, ni qui justifie quelque mesure particulière que ce soit. Une autre manière consiste à remarquer que cet événement laisse craindre que d'autres attaques aient lieu à l'avenir, menaçant à peu près n'importe qui n'importe quand, et dont la gravité est presque impossible à anticiper. C'est que, contrairement aux morts par SMS au volant, les attaques terroristes ne sont ni régulières dans leurs manifestations, ni constantes dans leurs effets. En outre, elles sont susceptibles de générer diverses sortes de panique, et ont cette particularité qu'elles peuvent être catastrophiques sans même avoir véritablement lieu, du seul fait que chacun s'en sente à la fois potentiellement menacé et totalement incapable de s'en prémunir. En outre, contrairement aux morts par SMS au volant (ou aux coups de foudre, for that matter), il existe un moyen relativement straightforward et bon marché de diminuer les risques encourus (relativement à ce que coûterait et produirait comme bénéfice le fait de contrôler chaque personne au volant, ou bien de chercher à maîtriser l'environnement.) Pour ces raison, une "guerre contre le terrorisme" est justifiée, bien que la statistique de base impressionne peu le froid regard mathématique.
Je pourrai multiplier les exemples. Imaginons que, à un moment de l'histoire, une troupe étrangère passe la frontière et décime un village de 3000 habitants. Va-t-on rester de marbre parce que autant de personnes meurent régulièrement piétinées par les boeufs? Ou bien va-t-on pousser la réflexion jusqu'à se dire que, peut-être, d'autres offensives sont en marche, contre lesquelles il serait bon de se protéger? Et si, se protégeant, on trouve que, depuis 10 ans, personne n'est mort depuis les 3000 personnes initiales, va-t-on baisser la garde sous prétexte que cette résistance coûte cher, pour une cause de mortalité 10 fois inférieure aux morts par piétinement de boeuf? Vous qui vous voulez éclairé en matière de géopolitique semblez bien aveugles aux menaces réelles, et avérées, adressées par divers groupes islamistes aux nations occidentales, ainsi qu'à l'efficacité de la résistance qui leur est adressée.
PS. Pour ce qui est d'Orwell, le double-speak de 1984 vaut pour des propositions telles que "la guerre est la paix", "la liberté est l'esclavage", etc. Sauf argument, rien ne permet de dire directement que l'expression "guerre contre le terrorisme" relève de l'un de ces non-sens.Commented 4392 days ago |