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Le pacte dit
de « responsabilité » présenté par
le président François Hollande lors de sa conférence de
presse du 14 janvier laisserait entendre un changement de stratégie
dans l’économie politique du gouvernement. Elle se traduirait
par l’abandon des politiques keynésiennes de relance de
l’économie par la consommation. Plus précisément,
les commentateurs
de ce discours mettent en avant ce qui serait une politique de l’offre du
président plutôt qu’une politique de la demande. La phrase clé en
serait: « l’offre
crée même sa propre demande. » Dans cette
formule, plusieurs économistes
ont pensé reconnaître la « loi des
débouchées » de l’économiste
français Jean-Baptiste Say et se sont empressés d’alerter
le public de la possibilité d’un tournant libéral des
politiques économiques du gouvernement socialiste.
Il est donc
important d’apporter quelques précisions pour rassurer les
économistes en question. Il ne peut pas y avoir de tournant
libéral derrière une formule que les libéraux ne semblent
pas comprendre eux-mêmes. Il s’agit en réalité d’une
fausse interprétation de la loi des débouchés de Say,
souvent répétée par les enseignants du lycée et
du supérieur et reprise comme telle – semble-t-il – par les
auteurs du discours prononcé par François Hollande. Il est
intéressant de noter que cette formulation erronée a
été propagée par John Maynard Keynes, qui
l’emploie dans l’introduction et le deuxième chapitre de
son influent ouvrage
publié en 1936 (The general theory of employment, interest, and
money) dans l’objectif de travestir la pensée de Say.
Il suffit pourtant
de lire attentivement le chapitre XV du Traité d’Economie Politique
de Jean-Baptiste Say pour comprendre à la fois la pertinence de la loi
et la mauvaise interprétation keynésienne qui en est faite. Say
élabore sur plusieurs pages l’argument selon lequel « un produit terminé
offre, dès cet instant, un débouché à
d’autres produits pour tout le montant de sa valeur ». Il
faut donc bien comprendre que d’après Say,
« l’offre ne crée pas sa propre demande »
mais que la vente d’un produit permet de faire une offre pour un autre produit, d’un prix
équivalent, ce qui est évidement incontestable, même par
Keynes.
Ainsi, en
lisant l’ouvrage de Say, il est de bon sens d’admettre
qu’il faut produire pour consommer car l’on ne peut logiquement s’enrichir
qu’en produisant des biens ou des services qui sont
désirés par d’autres personnes. Si l’on consomme en
revanche sans produire, on ne fait que s’appauvrir puisque l’on réduit
ses revenus en proportion de sa propre consommation. Lorsque une intervention
publique stimule la consommation (comme le propose Keynes), elle ne fait qu’écouler (plus
rapidement et à des prix plus élevés qu’autrement)
les bien qui ont déjà été produits. Certes, ces achats
lancent en même temps des signaux aux producteurs pour produire
davantage, mais ils s’avéreront faux dès lors que
l’intervention publique ne pourra plus les soutenir. Or de toute
évidence les subventions ne peuvent pas durer indéfiniment. Au
lieu d’encourager une demande artificielle qui augmente les prix et
reste insoutenable à long terme sans l’aide publique, Say
montrait donc dans son fameux chapitre que la productivité est la
meilleure manière d’assurer une croissance durable à long
terme.
Ainsi on
comprend mieux pourquoi l’interprétation keynésienne de
la loi de Say est erronée. En parlant de la
« demande » et de la
« consommation » en général,
l’interprétation de Keynes ne tient pas compte de la
productivité effective, ni de l’utilité et de la valeur
des biens produits, qui ne seront établies que si les biens en
question trouvent réellement des acheteurs. Les biens produits qui ne
trouvent pas d’acheteur sont des biens gâchés, comme tous
les biens qui sont produits dans les programmes de relance keynésiens.
On peut donc
conclure que dans la mesure où le gouvernement n’a pas su se
débarrasser de ses préjugés keynésiens sur le
plan rhétorique, il est peu probable que la mise en œuvre de ce
discours y réussisse davantage. Ainsi, la proposition du pacte de
responsabilité restera sans doute vaine. Car lorsque la diminution des
charges sociales promise dans le cadre du pacte provoquera une augmentation
du déficit de la sécurité sociale, il s’agira
alors de lever d’autres impôts, sous d’autres noms. En effet,
le discours prononcé le 14 janvier est loin d’être
libéral et il reste cohérent avec l’obsession
d’Arnaud Montebourg qui consiste à mettre l’industrie française
davantage sous perfusion (à travers des subventions) en pensant
naïvement que produire coûte que coûte des produits
français augmentera miraculeusement la consommation et donc la
richesse.
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