Source KWN (10 avril 2016) : Egon von Greyerz nous livre un
état des lieux de la situation économique mondiale ainsi que des risques qui
menacent le système financier :
« Les bancaires indiquent aux investisseurs qu’il est temps de sortir
leur argent du système bancaire. Comme vous le savez, nous avons exhorté les
investisseurs à sortir leur argent du système bancaire longtemps avant la
crise de 2006-2009. À cette occasion, les banques ont été sauvées par un plan
de sauvetage global de 25 trillions de dollars, mais cela n’arrivera plus.
Depuis 2006, le crédit a augmenté de 70 % à l’échelle mondiale. Le
système bancaire et l’économie mondiale sont en posture bien plus difficile
par rapport à 2006.
Durant la dernière crise, les gouvernements ont sauvé le système financier
grâce au plan de sauvetage le plus massif de l’histoire. Les banquiers comme
les épargnants ont été sauvés par la création monétaire et le crédit.
Cela s’est fait bien entendu aux dépens du citoyen ordinaire, qui doit
désormais assumer l’augmentation énorme de la dette gouvernementale. Vu que
chaque gouvernement de la planète augmente exponentiellement sa dette,
personne ne se soucie de son remboursement. Bien entendu, cette dette ne sera
jamais remboursée. D’ici quelques années, elle implosera dans une vague de
défauts souverains. Simultanément, tous les actifs qui ont été dopés par
cette dette imploseront aussi : les actions, l’immobilier et les
obligations.
La prochaine fois, les banques ne seront pas sauvées par les
gouvernements. Il s’agira cette fois d’un renflouement interne. Cela signifie
que les actifs et l’argent des épargnants seront utilisés pour sauver les
banques. Mais vu que la plupart des banques utilisent des effets de levier de
20 à 50, voire plus si on prend en compte les produits dérivés, ces actifs
seront insuffisants. J’anticipe donc un programme de création monétaire
jamais vu. Mais il sera aussi insuffisant pour sauver le monde. Par contre,
cette tentative débouchera sur une onde de choc hyperinflationniste qui
laissera ensuite la place à une implosion déflationniste.
Les actions bancaires malmenées
Pour en revenir aux bancaires, elles sont en chute libre aussi bien aux
États-Unis qu’en Europe. Aux États-Unis, elles ont atteint un plus bas de
plusieurs années par rapport aux autres titres tandis qu’en Europe, elles ont
chuté de 20 % en 4 semaines. Les titres Deutsche Bank et Crédit Suisse ont
atteint leur plus bas de 2009. L’augmentation récente du QE de la BCE a eu un
petit effet à court terme, mais désormais il y a du sang dans les rues. Il ne
fait aucun doute que la plupart des banques seraient insolvables si elles
comptabilisaient leurs actifs toxiques à leur valeur de marché. Aucun QE ne
changera cet état de fait, par contre il pourrait offrir aux banques un répit
de quelques mois.
Il me semble très clair que les actions bancaires indiquent ce que nous
savons depuis un moment, à savoir que nous sommes en train d’entrer dans une
période dans laquelle le marché commence à reconnaître les risques sérieux
que présente le système financier. Ironie du sort, la politique de taux
planchers des banques centrales contribue à la mort des banques.
Premièrement, les banques ne peuvent dégager une marge véritable sur les
dépôts. Deuxièmement, les taux planchers n’encouragent pas les dépôts. Sans
une épargne solide, les investissements déclineront également. Et dans une
économie déflationniste à taux bas, il est impossible d’obtenir un retour sur
investissement décent sans prendre d’énormes risques.
Les avertissements répétés du FMI
Le FMI a lancé des avertissements à propos du risque systémique sur le
marché de l’assurance-vie. Avec de tels taux, ces sociétés sont incapables de
générer un rendement suffisant pour leurs clients. Ce secteur, qui pèse 24
trillions de dollars, prend donc de très gros risques pour générer du
rendement. Le constat est le même pour le marché des pensions. La plupart des
caisses de retraite, privées et publiques, sont sévèrement sous-financées.
Lorsque cette crise sera terminée, les pauvres retraités devront se contenter
de miettes.
De nombreux indicateurs montrent que l’économie mondiale est en train de
plonger. Le commerce mondial décline rapidement, comme les profits, dans de
nombreux pays. La production industrielle baisse, par exemple au Japon, où
elle n’a plus chuté autant depuis 2011. Les problèmes de la Grèce n’ont pas
été résolus. La situation des banques y est mauvaise, le taux de chômage est
de 25 % et le PIB est en baisse de 27 % depuis le début de la
crise.
Rappelez-vous que durant la Dépression des années 30 aux États-Unis, le
PIB avait chuté de 32 %. La Grèce n’est donc pas loin de ce niveau. (…)
La situation n’est pas meilleure en Italie, en Espagne, au Portugal ou même
en France. Les marchés émergents étaient le moteur de la croissance
mondiale : durant les 15 dernières années, la Chine, l’Inde, le Brésil
et la Russie ont généré 50 % de la croissance mondiale. Mais avec les
cours des matières premières qui s’effondrent, ces pays sont désormais en
déclin sévère.
Alors que les perspectives se détériorent partout, la Banque Mondiale ne
cesse de réviser à la baisse ses perspectives de croissance. (…)
Depuis le début de l’année, l’or se comporte bien, ayant progressé de 7 à
18 % en fonction de la devise. C’est en dollars que l’or a le plus
grimpé, de 18 % depuis le début de l’année, alors que le billet vert se
déprécie par rapport aux autres monnaies. Par rapport au Franc suisse, par
exemple, le dollar a baissé de 5 % depuis janvier. Je pense que la baisse du
billet vert va s’accélérer dans les mois à venir alors que ce dollar
surévalué démarre sa descente vers sa valeur intrinsèque, qui est de zéro. La
plupart des autres devises suivront dans son sillage. Vu la dévaluation
continue des devises, mesurer un rendement ou un patrimoine en euros ou en
dollar n’a aucun sens. L’or est bien sûr le meilleur étalon, car il s’agit de
la seule monnaie qui a survécu à l’épreuve du temps.
Comme vous le savez, je pense qu’il est essentiel de posséder de l’or
physique et de le conserver en dehors du système bancaire et en dehors de
votre pays de résidence. Il ne faut surtout pas le mettre à la banque, car si
le système bancaire s’effondre, au mieux vous n’aurez pas accès à votre or
avant un bon bout de temps, au pire il se sera volatilisé. (…)
Nous avons acheté beaucoup d’or pour nos clients en 2002, lorsqu’il était
à 300 $ l’once. Il s’est ensuite envolé jusqu’à 1900 $ pour valoir
aujourd’hui 1240 $. À ce niveau, son prix ajusté à l’inflation réelle
est quasi le même qu’en 2002. Non seulement l’or n’est pas aujourd’hui en
odeur de sainteté, mais il est aussi sous-évalué. (…) »