La personne qui est réellement
en charge ces jours-ci de l’administration royale semi-momifiée d’Arabie
Saoudite se donne certainement froid dans le dos à penser à Abu Bakr al-Baghdadi et son armée d’assassins
psychopathes qui mènent l’assaut ici et là au travers de ce qui est à la
manière d’autrefois de nouveau appelé le Levant. L’Etat islamique d’Irak et
du Levant s’est lancé dans une orgie de crucifixions en Syrie le weekend
dernier, leurs victimes étant pour la plupart d’autres militants islamiques
pas suffisamment radicalisés, ou qui avaient folâtré avec le soutien des
Etats-Unis.
Ces crucifixions envoient un
message intéressant et complexe aux différents partis qui peuplent notre
globe fracturé de toutes parts. Elles représentent un pas en arrière par
rapport aux vidéos de décapitations, mais ont toutefois du mordant. Pour l’Occident
chrétien, disons qu’elles réveillent le souvenir de récits culturels resté
somnolent pendant plus d’un siècle. Voici le message que nous envoie le
Levant : si vous pensez que
les Romains étaient un peuple terrible… Dans l’esprit de la race humaine,
voyez-vous, les souvenirs persistent.
L’Etat islamique d’Irak et du
Levant a choqué le monde entier au cours de ces deux dernières semaines en ignorant
complètement huit années d’efforts américains, plusieurs trillions de dollars
et 4.500 soldats morts au combat pour faire de l’Irak un dispensaire docile
de pétrole. Voilà qu’il nous annonce aujourd’hui que ses conquêtes forment
désormais un califat, ou si vous préférez, une théocratie islamique. En ce
sens, le mouvement du Levant surpasse en quelque sorte le parti républicain
des Etats-Unis, qui a essayé d’établir quelque chose de similaire dans sa
propre région du monde mais s’est retrouvé contrecarré par des Etats
démocrates sur les deux côtes.
Pour en revenir à notre sujet
de discussion, la presse (un autre terme singulier, je suppose) ne prête
aucune attention à ce qu’il se passe avec l’Etat islamique d’Irak et du
Levant dans les pays de la région qui ne se trouvent être ni l’Irak ni la
Syrie. Je fais particulièrement référence ici à l’Arabie Saoudite, parce que
les Américains semblent la percevoir comme un bastion impénétrable face à la
folie sanglante qui s’empare du reste du monde musulman. L’Arabie Saoudite
est, soulignons-le, le cœur de l’OPEP. L’Arabie Saoudite a su demeurer stable
tout au long du tumulte qui n’a fait qu’escalader ces dernières décennies, et
continue de pomper ses 10 millions de barils par jour telle la vache à lait
de la ferme pétrolière d’importation des Etats-Unis.
Ou devrais-je dire semble
rester stable, parce que l’administration royale saoudienne, ses souverains
momifiés et ses princes séniles ressemblent de plus en plus à une monarchie Potemkine.
Le roi Adbullah, qui a aujourd’hui 90 ans, est dit
avoir été placé sous assistance respiratoire il y a déjà deux ans, ses frères
et successeurs sont déjà morts, et les souverains d’autres clans arabes n’en
peuvent plus d’attendre de voir lequel viendra chasser la famille de zombies
de son trône. Pour rendre la situation encore plus difficile, les Saouds sont parvenus à sponsoriser une grande partie des
attaques terroristes sunnites de la région (et du monde) en tant que grands
ennemis des chiites – tel qu’ils sont représentés par le clergé politisé d’Iran.
Les évènements se succèdent à
la vitesse de l’éclair dans la région et je serai intéressé de voir comment
le tumulte se déplacera d’un point à un autre. Voilà qui représente une
opportunité en or pour l’Etat islamique d’Irak et du Levant de mettre la
famille Saoudienne devant le fait accompli concernant le nouveau califat –
qui est vraiment responsable de ce nouveau royaume théocratique ?
(Réponse : peut-être pas toi, Arabie Saoudite momifiée, partisane des
Etats-Unis). Plus encore, que se passe-t-il dans les autres royaumes de la
région ? Au Liban, par exemple, qui est depuis trois décennies devenu
une sorte de destruction derby politique ? Le fondateur du groupe d’Al
Qaeda en Irak, mouvement précurseur de l’Etat islamique d’Irak et du Levant,
est le libanais Abu Mus‘ab al-Zarqawi
– qui a explosé lors d’une attaque aérienne menée par les Etats-Unis il y a
déjà des années. Le Liban est sous l’emprise du Hezbollah depuis dix ans
déjà, et le Hezbollah est sponsorisé par l’Iran chiite, ce qui en fait un
ennemi de l’Etat islamique d’Irak et du Levant. L’Etat islamique d’Irak et du
Levant pourrait-il se tourner vers l’ouest pour tenter de s’emparer de Beyrouth,
la perle de la Méditerranée (ou ce qu’il en reste) ? Je ne serais pas
surpris de l’apprendre.
Et puis il y a la Jordanie, et
son roi assez jeune, Abdullah. Un autre pion des Etats-Unis. Les images de
crucifixion qui émanent de Syrie doivent le faire se sentir tout drôle. Et n’oublions
pas la Syrie, où tout a commencé, et qui est aujourd’hui un état en
décomposition. Et puis aussi cette mouche dans l’œil du vieux Levant :
Israël.
Je trouve miraculeux qu’Israël
soit jusqu’à présent parvenu à rester en dehors de ce marasme. Bien
évidemment, le Hezbollah et l’Iran font partie de ses grands ennemis, Iran
qui est aussi l’ennemi de l’Etat islamique d’Irak et du Levant. Dans cette
région du monde, l’ennemi d’un ennemi est un ami – bien que j’éprouve des difficultés
à imaginer Israël s’amouracher des psychopathes du mouvement du Levant. Mais
qu’une chose soit claire : l’Etat d’Israël a la capacité de transformer
n’importe quel autre territoire de la région en cendrier. Abracadabra :
Guerre mondiale. Numéro Trois.