Avec un budget fixé à 31,4 milliards d’euros pour 2015,
la Défense est le deuxième poste le mieux doté du budget de l’État, juste
derrière l’Éducation nationale et ses 47,4 milliards d’euros. Mais le chef
d’état-major de l’armée de l’air, le général André Lanata, vient de révéler
que la France n’a en fait pas les moyens d’envoyer plus de vingt
avions de chasse en mission.
Le 8 mars dernier, lassé de ne pas voir les Lybiens accéder rapidement au
processus démocratique généreusement offert par l’Occident, François Hollande
a décidé de faire les gros yeux en menaçant d’envoyer l’aviation française
pour les aider à se décider sur la formation d’un gouvernement d’union
nationale. Problème, le général d’armée André Lanata évoque juste quelques
vols de reconnaissance au mieux, car, de toute façon, la France n’aurait pas les moyens de faire beaucoup plus.
Une politique extérieure peu crédible dans les faits
Voilà un bien méchant coup porté à la crédibilité de notre pays, sur le
plan militaire mais aussi diplomatique. Autant dire qu’on s’étonne moins des
sourires amusés de Vladimir Poutine devant les
gesticulations d’un président français qui se voudrait devenu chef de guerre.
Car personne n’est dupe et nos partenaires commerciaux ou économiques savent
très bien que notre capacité offensive (évitons de parler de notre capacité
défensive, les récents évènements parlent d’eux-mêmes) se limite à quelques
opérations clandestines et une ou deux actions “coup de poing” ici ou là.
Politiquement, on voit également que la stratégie adoptée depuis quelques
années a atteint ses limites. En effet, il devient très compliqué de vouloir
continuer à faire illusion tout en dépensant un peu moins chaque année. Et même si
les journaux télévisés montrent parfois des Mirages ou des Rafales s’envoler
fièrement bombarder du terroriste, la réalité c’est qu’il s’agit une fois sur
deux d’images d’archives ou d’entraînement.
Des interventions limitées par le nombre d’avions disponibles
Mais pourtant, diront certains, il y a bien eu au début du mois des raids
aériens effectués en Syrie par des avions français, lesquels ont ainsi détruit
pas moins de trente-cinq cibles appartenant à l’État islamique
(stocks de munitions, centres d’entraînement, poste de commandement). En
effet, il s’agissait d’une dizaine d’avions de l’opération Chammal, auxquels
on peut ajouter ceux de l’opération Barkhane au Sahel pour arriver au total
de vingt appareils engagés sur des opérations extérieures… sans qu’il soit
matériellement, humainement ou financièrement possible d’en déployer
davantage.
Pourtant, la France dispose de bien plus d’avions de combat en réalité,
180 pour être exact, répartis en 9 escadrons (on est quand même loin des 225
avions de combats fixés par le Livre blanc sur la défense de 2013). Mais
notre flotte est pour le moins hétérogène, constituée d’appareils de
modèles et de générations différents, nécessitant un grand nombre
d’équipes techniques spécialisées pour chaque type d’avion. À ces coûts de
maintenance inévitables, il faut également ajouter les problèmes de
mobilisation du personnel, lequel épuise en quelques semaines son
quota annuel d’heures de vol autorisé, ainsi que l’obligation de
garder opérationnels un certain nombre d’escadrons pour d’autres missions.
Ainsi deux escadrons se tiennent prêts en permanence en cas d’alerte
nucléaire, aussi improbable fût-elle devenue aujourd’hui ; deux autres se
chargent de la sécurité aérienne du territoire (la récente interception de
deux bombardiers russes au large des côtes françaises a rappelé que leur rôle
n’était pas si inutile) ; et deux autres enfin sont destinés à “soutenir les
exportations d’armement militaire à l’étranger”. On le voit, il ne reste plus
beaucoup d’appareils disponibles et, sachant que l’armée de l’Air a
perdu 25% de ses effectifs depuis 2008 (et près le moitié de ses
bases), on comprend qu’il soit désormais très compliqué de faire voler plus
d’une vingtaine d’avions en même temps.
Faut-il alors envisager d’augmenter la dotation budgétaire de la Défense ?
Mais alors dans quel but ? Peut-être faudrait-il simplement accepter une
réalité pourtant évidente : la France n’est plus une puissance
militaire de niveau international et elle devrait au contraire
tenter de renforcer, d’une part son influence diplomatique à
l’étranger, d’autre part la sécurité économique et physique
de ses citoyens à l’intérieur de ses frontières. Même si celles-ci
n’existent plus vraiment.