Oui, l’entretien permanent de l’assistanat à tous les niveaux de la République ne réduit pas la pauvreté, il la conforte. Pétri de bonnes intentions, l’État-Providence crée le chômage, entretient l’assistanat et éradique méticuleusement toute envie de charité spontanée.
En effet, le chômage, corrélé à l’excitation législative et fiscale autour du travail, du capital et des contrats tant individuels que commerciaux, est notamment la résultante de cette idée que l’État pourrait protéger l’emploi, inciter à sa création voire le créer directement, même si les faits, têtus, refusent de coller à cette utopie lénifiante. Depuis 40 années, l’augmentation de l’intervention de l’État dans tous ces domaines s’est faite en parallèle à une augmentation du nombre de chômeurs, de la durée moyenne de chômage, de la précarisation de tous les salariés, d’un tassement des salaires, et d’un accroissement des inégalités. Quand bien même, les citoyens redemandent de cet assistanat et de ces protections étatiques toujours plus nombreuses.
Et outre cet effet direct, un effet indirect se dégage nettement : les Français, conscients d’abandonner une part de plus en plus importante de leur pouvoir d’achat pour ce filet de sauvegarde étatique, se détournent des moyens traditionnels de la charité directe : l’État prend déjà tant pour aider tout le monde que chacun ne se sent plus ce devoir moral d’aider son prochain, l’État-Providence s’en chargera bien !
Oui, l’assistanat étatique est une gangrène. Mais il y a un domaine que l’assistanat a pourri au-delà de tout ce qu’on peut imaginer : celui de la politique.
Il faut en effet se rendre à l’évidence : ce qui est vrai au niveau social l’est aussi au niveau intellectuel. L’assistanat a perverti le corps social en le baignant dans une fausse impression de sécurité, en lui retirant tout goût du risque et toute lucidité face à la vie réelle. Il en est allé de même au niveau politique et si l’assistanat social entraîne l’appauvrissement des Français, l’assistanat politique entraîne l’appauvrissement, dramatique, des pensées des politiciens, de leurs discours et, par voie de conséquence, de leur valeur en général.
Et quelques minutes de réflexion permettent de bien se rendre compte de cette réalité impossible à cacher. Prenez la cohorte d’assistants, de cabinétards et autres aides de camp froufroutant autour des politiciens : aidant chaque minute le sénateur, le député, le maire ou le ministre, ce staff virevoltant aura réussi à retirer toute nécessité d’apprentissage et d’appropriation d’un sujet par l’homme public qui, dès lors, ne maîtrise plus son sujet et se satisfait de slogans, de contes, de fables et d’éléments de langage préparés longtemps à l’avance, répétés et enregistrés quasi mécaniquement. Rares sont alors les politiciens qui ont une connaissance intime du sujet qu’on aborde : il n’y a plus que concepts creux et phrases toutes faites.
L’assistanat va plus loin puisqu’il retient ces politiciens loin de la vie réelle : cocoonés délicatement par leur équipe de communication ou de campagne, par leurs spin-doctors, ou par leurs cabinets qui s’empressent d’aplanir toute difficulté, les politiciens ne connaissent plus rien de la vie concrète et pratique. Combien, ainsi, sauraient remplir seuls une feuille d’impôt, un contrat de travail pour une nounou, ou faire les courses et donc dépenser le juste prix pour des biens de consommation courante ? Depuis combien de temps un député ou un sénateur s’est-il éloigné du salaire médian français (1700 €) ? Comment expliquer que le ticket de métro est un objet mal identifié et dont le prix leur est inconnu ? Comment comprendre réellement le problème des transports en ville lorsqu’on se déplace toujours en voiture avec chauffeur et escorte ?
Cet assistanat ne s’arrête pas à leur équipe et aux courtisans qui les entourent : le même mécanisme est à l’œuvre lorsque les médias, qui dépendent ultimement de ces politiciens pour survivre grâce aux subventions, leur ouvrent leurs porte-voix. Devenus comme des enfants centre d’une attention permanente, les politiciens s’estiment être réellement l’alpha et l’oméga du monde qui les entoure alors qu’ils n’en sont que mouche du coche ; mais personne n’ose les défier : questions préparées, discours rodés, médias complaisants, journalistes aux ordres, l’assistanat continue aussi sur ce terrain.
Le bilan est catastrophique : les discours roulent sur des éléments balisés, répétés, connus. La personnalité propre de chaque politicien s’efface pour laisser place à un boniment parfaitement rodé, neutre et dont la teneur en vitamines et en oligo-éléments est toujours plus pauvre. Les politiques menées et préconisées sont de moins en moins novatrices, risquées ou couillues : comme on a cocooné les politiciens sans retenue, la prise de risque leur est impensable ; d’une part, ils ne veulent pas abandonner ce qui est connu et douillet, et d’autre part, ils ne savent même plus ce que risque veut dire, puisque celui-ci a été gommé de leur paysage. Tout juste s’en rappellent-ils le sens vaguement à chaque échéance électorale, et encore : le cumul des mandats amortit bien des appréhensions !
La conclusion est sans appel : l’assistanat a aussi gangréné la politique française. Le député, le sénateur, le maire de grande ville, le ministre, le secrétaire d’état, … tous n’ont plus ce lien charnel avec la réalité et la prise de risque qui assure un discours en phase avec cette partie du peuple qui, elle, paye pour cette assistance permanente. Il faut en revenir à des politiciens bio, sans édulcorants, sans injection massive d’antibiotiques, des politiciens pas élevés en batterie, mais en plein air, pas des édiles hors-sol.
Et pour cela, leur cour (communicants, assistance, cabinets) doit se réduire au maximum. Une idée serait de la payer sur les deniers des politiciens. Gageons qu’une telle mesure ramènerait nos élus à la fois à la rude réalité du terrain et à une saine conception de ce que sont des dépenses raisonnables et maîtrisées.
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Ce billet a servi de chronique pour Les Enquêtes du Contribuable
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