« Cela pourrait
arriver à n’importe qui, » nous a dit Obama à l’occasion de son discours
hebdomadaire. « Aux Etats-Unis, personne ne devrait avoir à craindre ne
pas avoir d’assurance maladie – par pour un an, pas pour un mois, pas pour un
jour. Et lorsque j’aurais fait voter ma réforme de santé – personne n’aura
plus à s’en inquiéter » —
CNNMoney.com
A en croire le président
Obama, une crise des assurances santé est proche. Selon
le New York Times, il aurait expliqué que 46 millions d’Américains
n’ont aujourd’hui aucune assurance santé, même pas pour une seule journée.
Voilà qui illustre
parfaitement le débat actuel sur les services de santé, qui s’est vite
transformé en un débat quant à la provenance des financements des soins de
santé plutôt qu’à l’obtention même de ces soins par les citoyens. Même sur Mises.org, le Dr. Robert Murphy dévoue une
importante partie de son analyse aux problèmes des assurances. Mais ce n’est
qu’un seul aspect du problème. Nous avons tendance à prendre pour acquis le
fait qu’un quatrième parti (soit l’employeur soit le gouvernement) se charge
de payer les primes d’assurance.
Le moyen le plus commun que
nous avons de payer pour nos biens et services est d’utiliser l’argent que
nous obtenons de nos revenus, que nous tirons d’un crédit ou que nous avons
épargné. Deux partis sont impliqués par ce genre de transaction : le
vendeur et l’acheteur. Il est parfaitement sensé pour un grand nombre d’entre
nous d’avoir recours à une assurance pour un petit nombre d’acquisitions. Les
individus et les familles ont généralement tendance à s’assurer contre la
destruction de leur domicile, les accidents ou le vol de voiture, une mort
accidentelle ou une invalidité permanente.
Mais pour ce qui est de la
santé, pourquoi le plus gros de la discussion concerne-t-il les différentes
manières de réformer le système actuel plutôt que la réduction du nombre de
partis impliqués ? Pourquoi un système de versements directs ne peut-il
pas être établi entre les patients et les prestataires de services ?
Je suppose que le terme assurance
signifie aujourd’hui la même chose que couverture médicale dans les
esprits de nombreux Américains. Dans le climat actuel, il va sans dire qu’un
troisième parti (les compagnies d’assurance, qui ne sont pas des assureurs
dans le sens le plus strict du terme) doit payer pour une majorité des
dépenses de santé. L’idée de versements d’argent – de la même manière que
pour l’achat d’un tout autre service – est inconcevable. Bien que les
pathologies du système médical actuel et les possibilités de réformes soient
un sujet très vaste, je tenterai ici de me pencher sur un pan du
problème : les systèmes de paiement impliquant trois ou quatre partis.
Je commencerai par expliquer
ce qu’est une assurance, ce qu’elle n’est pas, pourquoi une assurance ne
fonctionne seulement que pour certaines acquisitions et pas pour d’autres, et
pourquoi une majorité des assurances n’en sont pas.
Voyons d’abord une définition
de ce qu’est une assurance :
Une assurance, selon le droit
et l’économie, est une forme de gestion du risque utilisée principalement
pour se protéger contre une perte éventuelle. L’assurance se définit comme le
transfert d’un risque de perte depuis une entité vers une autre en échange
d’une prime, et peut être perçue comme une garantie, ou une perte minime
connue, en vue de couvrir une perte plus importante et possiblement
dévastatrice.
Seuls quelques évènements
futurs peuvent être assurés. Les risques qui peuvent être couverts ont
quelques caractéristiques communes : le risque de perte est très faible,
l’assuré ne peut pas empêcher l’évènement couvert de se produire, la perte
potentielle est trop élevée pour qu’il puisse y faire face, et lorsque ce risque
peut être réparti entre plusieurs cas similaires, la prime à payer est
abordable pour tous les assurés.
Pour que les conditions de
marché puissent faire de l’assurance un modèle sensible et viable, un risque
doit remplir toutes ces caractéristiques. Il serait insensé de chercher à
s’assurer contre certaines dépenses isolées, parce que la prime à verser à
l’assureur serait égale ou supérieure à la perte elle-même. Vous pouvez
assurer votre maison contre un incendie, mais il ne sert à rien d’assurer votre
voiture contre une panne d’essence ou votre placard contre un manque de
nourriture.
Divisons maintenant les
dépenses du secteur de la santé entre catégories assurables et
non-assurables :
Soins prévisibles
|
examen physique annuel,
détartrage des dents, condition chronique mais traitable, évènements prévus
tels qu’une naissance
|
Non-assurable
|
Soins imprévisibles
bénins
|
accident mineur, carie,
coupure
|
Ne vaut pas le coût d’une
assurance
|
Urgences imprévisibles
mais sérieuses
|
accident de voiture, maladie
mortelle
|
Assurable
|
Les deux premières de ces
catégories ne sont clairement pas assurables parce que le risque représenté
par ces évènements est proche de 100%. La seconde catégorie ne nécessite pas
de contracter une politique d’assurance. La troisième catégorie est la plus
adaptée au modèle d’assurance, parce que le coût d’obtention de soins en cas
d’accident ou de maladie est trop important pour un individu.
L’un des effets secondaires du
système actuel est que la signification du terme assurance est devenue
corrompue dans les discussions publiques. Il est désormais utilisé afin de
signifier un payeur qui fournit aux individus des soins illimités à des coûts
minimes, ou même gratuitement. J’entends souvent les gens demander comment
ceux qui savent qu’ils sont malades peuvent être assurés. Ce dont les malades
ont besoin, c’est de soins, pas nécessairement d’une assurance. Il n’est donc
pas logique pour une assurance de fournir une politique à quelqu’un qui est
déjà malade.
Après que j’ai récemment
abordé le sujet dans un
billet, j’ai reçu un certain nombre de réponses du type « Je dois
verser des frais médicaux dont je ne peux assumer le coût, j’ai donc besoin
d’une assurance ». Mais une assurance en tant que telle ne peut que
couvrir de gros risques imprévisibles en en redistribuant le coût entre un
grand nombre d’assurés. Elle ne peut pas résoudre le problème de soins de
routine ou réguliers, parce que distribuer des sommes fixes et égales ne peut
pas en réduire les coûts – et les fait parfois grimper. Une politique
d’assurance qui couvre des soins répétés et prévisibles doit faire payer à
ses clients le coût de ces soins ou plus, ainsi que des frais pour le traitement
de ces demandes. Une société d’assurance doit empêcher les fraudes et
s’assurer à ce que les financements qu’elle verse soient une nécessité, ce
qui implique aussi des frais de contrôle. Pour répondre à ceux qui m’ont
écrit : une politique d’assurance ne peut réduire les coûts impartis que
si quelqu’un verse une prime.
Les coûts des soins de santé
ne seraient pas nécessairement ce qu’ils sont actuellement sous un système de
versements directs. Il y a de fortes chances qu’ils s’en trouvent réduits, et
ce pour plusieurs raisons : les gens seraient plus sensibles aux prix
qui influenceraient davantage leurs décisions de consommation, les coûts de
contrôle impliqués par le tiers-parti se trouveraient majoritairement
éliminés, et les fournisseurs de soins devraient entrer en compétition sur la
base des prix. Voyez cette
discussion sur les soins de santé en Inde pour plus d’informations sur le
fonctionnement potentiel d’un tel système.
Bien que le système actuel à
trois ou quatre partis ne soit pas la seule raison pour laquelle les prix
sont aujourd’hui si élevés, il en est une des raisons. Nous sommes coincés
dans un circuit fermé. Les prix sont élevés parce que nous avons des assurances,
mais nous avons besoin des assurances parce que les prix sont élevés. Pour
plus d’informations sur l’histoire du système à quatre partis, voyez cet
article (en Anglais) : The
Modern Health Care Maze: Development and Effects of the Four-Party System,
par Kroncke et White.
Une majorité des gens ne
perçoivent pas correctement les coûts représentés par le système actuel. Je
suis d’avis que les politiques fournies par les employeurs en soient
partiellement responsables. Parce que ces politiques sont partiellement
couvertes par les employeurs, elles créent une illusion de gratuité. Une
majorité des travailleurs ne comprennent pas qu’ils paient pour leurs soins
de santé et que leurs salaires s’en trouvent diminués. Le système fiscal est
aussi partiellement responsable de ce système, parce que les dépenses des
employeurs sont exemptées d’impôts, mais que l’achat d’une politique
similaire par un salarié à partir de son propre salaire ne l’est pas.
Les gens n’ont, pour la
plupart, aucune idée de la réduction de salaire dont ils souffrent pour
obtenir leur couverture médicale. Si votre employeur vous fournit une
assurance santé qui coûte plusieurs centaines de dollars par mois, vous versez
annuellement des milliers de dollars. Et parce que votre employeur achète
cette politique pour vous, vous ne pouvez pas la transférer lorsque vous
changez d’emploi. Je me demande combien de gens n’optent pas pour un emploi
mieux rémunéré parce qu’ils ne peuvent simplement pas transférer leur
politique d’assurance.
Sans avantages médicaux, les
coûts couverts par les employeurs seraient ajoutés aux salaires. A chaque
fois que j’ai essayé d’expliquer ce point, je me suis heurté à une audience
sceptique. C’est à quel point personne n’est familier avec ce concept. La
réponse qu’on me donne le plus souvent est que les employeurs auraient la
capacité de réduire leurs coûts en réduisant les couvertures médicales sans
pour autant rehausser les salaires en retour, comme si cela ne dépendait que
d’eux. Une certaine logique économique est nécessaire pour comprendre qu’un
salaire consiste en un versement direct depuis un employeur vers un salarié
ainsi qu’en des dépenses versées en le nom de son salarié par un employeur.
Le coût d’opportunité d’une couverture médicale est une réduction du salaire
versé au salarié. Si vous n’êtes pas familier avec cette idée, voyez un texte
sur la théorie marginale des salaires, tel que Man Economy and State,
Chapitre 7.
Le besoin d’intermédiaires
entre le consommateur et le fournisseur représente un autre coût
significatif. L’apport de soins ne doit pas seulement satisfaire le
consommateur, mais aussi l’assureur, l’employeur, et parfois même certains
avocats et régulateurs. Un autre avantage d’un système de versements directs
est l’élimination de ces intermédiaires.
Les débats actuels sur
la réforme de la santé ne doivent pas demeurer des débats sur les réformes
d’assurance. Nous devrions aussi parler du meilleur système à adopter pour
que tout le monde puisse accéder aux soins médicaux à des coûts minimes. Les
politiques d’assurances qui imposent des primes déductibles pourraient faire
partie de la solution. Mais le terme assurance ne devrait plus être
utilisé pour signifier une couverture médicale.
Toute l’énergie qui est
aujourd’hui dépensée pour discuter des assurances pourrait être redirigée
vers des débats sur des systèmes de paiements alternatifs, dont un système de
versements directs depuis le client vers le fournisseur. Contrairement à ce
que nous dit Obama, les gens s’inquièteraient bien moins de leurs factures
médicales si les soins de santé devenaient des services que leurs salaires
peuvent leur permettre de se procurer.
|