Dans un billet de janvier dernier, je notais que la France en particulier et le monde occidental en général offraient une vision déprimante avec des États omniprésents, des ponctions tous azimuts, une société totalement crispée, des intellectuels perdus et une génération future complètement fichue qui permettent, lentement mais sûrement, un glissement lent mais décidé vers une société typiquement orwellienne.
J’insistais notamment sur la pression sociale qui, orientée par des médias et des intellectuels autoproclamés totalement biaisés et acquis aux causes gauchistes les plus consternantes, a fini par s’exprimer au travers des réseaux sociaux en favorisant outrageusement une société où l’on piste et traque tout le monde, où l’on érige la dénonciation en vertu, où l’on s’offusque de l’utilisation de la liberté d’expression surtout lorsqu’elle n’est pas employée pour discuter de la météo, et où celui qui sort du rang sera ostracisé et vilipendé avec la plus grande fermeté.
À l’époque, on pouvait penser à une exagération (au moins stylistique) dans mon billet : tout le monde sait que les démocraties occidentales ne peuvent pas se laisser aller aux pires dérives dictatoriales et que leurs principes fondateurs assurent aux citoyens une société ouverte et paisible.
Dès lors, depuis ce billet de janvier, les choses ont heureusement beaucoup évolué et la liberté d’expression a reconquis le terrain qui… Ah mais non, en fait, pas du tout ! La catastrophe continue, sous les applaudissements de la foule.
Et pour illustrer mon propos, il me suffira d’exhiber une affaire récente qui donne une bonne idée de la société qui nous attend tous dans un avenir proche.
Cette semaine, dans une manœuvre qu’on ne pourra pas qualifier autrement que purement politique et coordonnée, ont été fermés les comptes Facebook, Youtube, Spotify, LinkedIn, iTunes ou Mailchimp de Infowars, le site tenu par le sulfureux Alex Jones.
Alex Jones est le responsable du site Infowars dans lequel il expose régulièrement ses opinions ainsi que ses différentes théories que beaucoup qualifient sans mal de conspirationnistes. Il fut un temps écouté par Trump qui voit probablement en lui un moyen de toucher une partie de son électorat. Cette proximité avec le candidat républicain devenu l’actuel président des États-Unis lui aura apporté une notoriété lui permettant de faire connaître ses émissions au-delà du cercle initialement restreint de ses auditeurs.
Conspirations diverses, soutien de Trump, affichage clair de thèses conservatrices, de droite et d’extrême-droite : il était presque certain qu’un jour ou l’autre, le bonhomme s’attirerait les foudres des grandes plateformes médiatiques actuelles, qui culminent maintenant avec son bannissement clair et net.
Se posent alors plusieurs questions.
Tout d’abord et évidemment, est-il réellement sain et souhaitable que ce type ne dispose plus de plateformes pour s’exprimer ? Certes, il débite un nombre assez impressionnant de bêtises, mais on pourra trouver aisément d’autres hurluberlus du même acabit qui ont encore leurs comptes, tout en produisant eux aussi des âneries à cadence industrielle. La différence essentielle réside dans leur classement politique.
Certes, Facebook, Apple et les autres sont des sociétés privées qui font effectivement ce qu’elles veulent des ressources qu’elles mettent à disposition et il n’y a pas lieu de réclamer l’intervention de l’État ici pour garantir par exemple un hypothétique droit à déposer des vidéos conspirationnistes sur Youtube.
Mais les moyens employés par ces firmes pour garantir un espace de débat sain sont-ils bons ? Agissant comme elles le font, le risque est grand que ce genre d’individus se retrouve sur des sites moins neutres et moins visibles, qui l’accueilleront à bras ouverts et desquels aucune voix dissidente ne pourra se faire entendre. Car bien moins accessible à ses détracteurs.
Agissant ainsi, Facebook et les autres prennent clairement le parti de concentrer en leur sein une certaine catégorie de la population, classée à gauche et seulement là. D’ailleurs, après Alex Jones, on assiste maintenant à la disparition de comptes nettement moins sulfureux, mais politiquement pas dans le « bon camp »…
Cela veut dire qu’un autre site, une autre partie de l’Internet concentrera a contrario d’autres parties de la population, plutôt classées à droite, ou conservatrice, ou libertarienne, chassée des plateformes occidentales. L’effet de bulle médiatique filtrante, que Facebook prétendait combattre, en ressortira encore renforcé. Pire : les discours idiots, présents de part et d’autre, ne trouveront plus aucun endroit où se confronter…
D’autre part, le consommateur lambda et client de ces plateformes se retrouve à devoir prendre parti d’une façon insidieuse : continuer à utiliser Apple, Facebook ou d’autres revient à cautionner des actes que ces consommateurs pourraient trouver contraire à leurs propres standards. Au-delà de l’effet temporaire que cela pourrait avoir sur les profits de ces sociétés, le risque existe aussi de fragmenter encore un peu plus la société en politisant des plateformes. Le marché tranchera peut-être, mais à quel prix ?
Enfin, comment interpréter la synchronicité de ce bannissement si ce n’est en observant que la pression sociale force ces entreprises à choisir un camp et à se coordonner pour obtenir l’effet recherché ? Si cette pression sociale parvient à cela, n’est-il pas temps de s’inquiéter sur ce que cette même pression pousse tout un chacun à faire, voire à réclamer aussi vocalement que possible à ses représentants élus ? Si cette pression impose à des entreprises multi-milliardaires un comportement moralement ouvert à débat, n’est-il pas temps de s’inquiéter de ce qu’elle poussera à faire des politiciens, bien plus malléables et finalement bien plus hypocrites que ces entreprises, lorsqu’il s’agira de « museler » des opposants ?
Devant ces constats et au-delà de l’inquiétude, saluons l’existence de plateformes alternatives, en mentionnant notamment celles qui garantissent par construction toute absence de censure et une liberté d’expression totale, comme memo.cash ou blockpress.com qui tirent parti de la technologie « blockchain » pour garantir à la fois l’inaltérabilité des messages émis et leur diffusion partout dans le monde sans possibilité d’interdiction.
Ces technologies et ces plateformes existent. Souhaitons qu’elles remportent rapidement du succès, avant que certaines pensées ne deviennent carrément des crimes.