Quel a été le rôle de la
Banque de France pendant la première guerre mondiale ? Comment les Français
ont-ils été sollicités pour verser leur or ? Quelle a été la politique de
crédit et celle de l’après-guerre ?
Dans un livre richement illustré, Didier Bruneel livre quelques éléments de
réponse et se penche à nouveau, après son ouvrage “La Banque de France et la
Seconde Guerre mondiale”, sur le cas de l’or de la guerre.
La Banque de France dans la Grande Guerre
La Banque de France s’est “associée à l’Etat dans sa recherche
d’emprunts extérieurs, en vendant ou en mettant en gage son encaisse or
qu’elle avait soigneusement mise à l’abri dès les premiers jours du conflit“,
rappelle Didier Bruneel en avant-propos. Mais elle a aussi menée une campagne
de collecte de l’or des particuliers. Une campagne qui a permis de recueillir
“plus de 2,4 milliards de francs“.
“L’or de la victoire” : un appel aux Français
Le conflit s’est donc aussi joué sur des questions monétaires, rappelle
Didier Bruneel. Et donc bien évidemment sur les campagnes de versements d’or
“spontanés” de la part des particuliers. Poussés par un élan patriotique, il
faut en effet qu’ils échangent leur or contre des billets de banque ou des
certificats, au risque que ceux-ci soient dévalués.
A partir de 1915, les particuliers sont encouragés à verser leur or à la
Banque de France, en échange de billets ou d’un reçu. Donner son or
“improductif” selon des articles de journaux de l’époque devient un “acte
patriotique”. Cette campagne est relancée de plus belle en 1916, “avec la
création d’un nouveau modèle de certificat à délivrer au public“. La
même année, Le Figaro publie un poème intitulé “Pro Patria, l’or de la
Victoire”. “Versons notre or”, “aligne tes lingots ainsi que des soldats”…
l’appel patriotique concerne toutes les populations !
Des témoignages de la propagande de l’époque
Nouvelle année de conflit, et nouvelle propagande : à partir de 1917, elle
est également menée dans les écoles. “Les enfants des écoles ont été l’un
des vecteurs essentiels dans la propagande pour la collecte de l’or“,
évoque Didier Bruneel. Qui raconte aussi que certains élèves pouvaient être
récompensés selon l’or versé par leurs parents : “cette utilisation des
enfants franchit parfois de curieuses limites“. “Versons donc notre
or puisqu’il combat pour la victoire“, écrit ainsi Marcel Leblanc, 12
ans.
Autres témoignages intéressants, ceux soulevés par les anecdotes du
journal Le Matin de Paris. Les actions des comités de l’or, ou celles de
particuliers sont ainsi félicitées… ou montrées du doigt. “Le bruit
courait que la doyenne d’une cité des environs de la porte de Saint-Ouen, une
vieille avare et sordide, avait chez elle des quantités de louis d’or qu’elle
aimait compter et recompter le soir“, cite ainsi l’ouvrage. Bien
évidemment la vieille, accusée de “défaut en patriotisme”, se vit
délaissée de ses louis au profit de l’effort de guerre, contre “des bons
de la Défense nationale“.
L’or et la guerre, un peu d’histoire…
Didier Bruneel se
base dans ce nouvel ouvrage sur une iconographie très riche. Comme témoins
des craintes et des propagandes de l’époque, il multiplie les références aux
affiches, aux journaux et aux courriers de l’époque. Il faut également rendre
hommage au travail de recherche de l’auteur, qui évoque par exemple dans un
tableau très précis les milliers de tonnes d’or envoyées à l’étranger. Des
milliers de lingots, de pièces d’or (20 Francs, pièces impériales russes ou
encore souverains), envoyées à la Banque d’Angleterre ou encore à New York et
Madrid entre 1914 et 1920.
De quoi se poser la question du rôle de l’or en temps de guerre. Certes –
et les recherches de Didier Bruneel abondent d’exemples en ce sens -, il est
essentiel pour que le pays puisse continuer à mener le combat. Une partie de
la propagande du gouvernement français était d’ailleurs basée sur le soutien
des familles à leurs Poilus au front, en donnant un or qui leur permettait de
se battre.
Mais l’autre revers de la médaille, c’est la question de la survie des
particuliers, privés d’un refuge dans le cas où les choses tournent
mal. Si l’exemple de cette famille grecque, qui a pu survivre à la
Seconde guerre mondiale grâce à des
souverains or cachés dans la porte est parlant, on peut aussi se poser la
question de leur survie… si cet or avait été saisi par l’Etat.
Patriotique en temps de guerre, sauveur d’une nation, l’or est
aussi essentiel pour les particuliers. Le livre de Didier Bruneel amène
donc à se poser quelques questions : le
risque de confiscation de l’or est-il réel ? Dans quelles conditions l’or
pourrait-il être réquisitionné, et dans quelle mesure cela pourrait toucher
les particuliers ? Un point est également à retenir : dans quelles conditions
vaut-il mieux conserver son or, afin d’éviter tout risque de confiscation et
de pouvoir en disposer si les conditions le nécessitent ? En dehors des
circuits bancaires, c’est évident !
Quelques mots sur Didier Bruneel
Conseiller auprès du gouverneur de la Banque de France, Didier Bruneel est
fasciné par l’histoire de l’or. Il est d’ailleurs l’un des fondateurs de la
Mission historique de la Banque de France, après avoir occupé les fonctions
de directeur général adjoint des études, de secrétaire général et de
directeur général des opérations.
Autant dire que l’institution a peu de secrets pour l’écrivain, qui a
publié plusieurs ouvrages sur ses arcanes. On avait déjà évoqué sur
Loretlargent.info son
ouvrage Médailles et jetons de la Banque de France. Il a également
publié La Banque de France et la Seconde Guerre Mondiale (2014) et Les
Secrets de l’or en 2011.