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Cette présentation
de Bastiat a le mérite d'expliciter les liens qui attachent
l'école autrichienne d'économie (dont Ron Paul est un disciple)
à la pensée du grand économiste français.
Par Thomas J. DiLorenzo
Claude Frédéric
Bastiat est un économiste, juriste, et écrivain
français, défenseur de la propriété
privée, du libre marché et d’un gouvernement
limité. Le thème principal des écrits de Bastiat est
sans doute que le marché libre est en soi une source d '«
harmonie économique » entre les individus, à la condition
que le gouvernement se limite à sa fonction de protection de la vie,
des libertés et des biens des citoyens contre le vol ou d'agression.
Pour Bastiat, la contrainte gouvernementale n’est légitime que
si elle sert à « garantir la sécurité de la
personne, la liberté et les droits de propriété, afin
que la justice règne pour tous. »[1]
Bastiat souligne le rôle
de coordination générale qu’a le marché libre -
thème majeur de l'école autrichienne - parce que sa
pensée est influencée par quelques-uns des écrits d'Adam
Smith et par les grands économistes libéraux
français : Say, Quesnay, Destutt de
Tracy, Charles Comte, Richard Cantillon (né en Irlande et
émigré en France) et Turgot. Ces économistes
français ont été parmi les précurseurs de
l'école autrichienne moderne pour avoir développé des
concepts tels que : le marché comme un processus concurrentiel
dynamique, le comportement de la monnaie en économie libre, la
théorie subjective de la valeur, les lois de l'utilité
marginale décroissante et des rendements marginaux, la théorie
de la productivité marginale du prix des ressources, et la
futilité du contrôle des prix en particulier et de l'interventionnisme
économique du gouvernement en général.
Formation intellectuelle de
Bastiat
Orphelin à dix ans,
Bastiat a été élevé et éduqué par
ses grands-parents paternels. Il quitte l'école à l'âge
de dix-sept pour travailler dans l'entreprise familiale d'import-export à
Bayonne, où il constate de ses propres yeux les maux du
protectionnisme en observant les hangars à l'arrêt, le
déclin de la population, et l'augmentation de la pauvreté et le
chômage causé par les restrictions commerciales.
Lorsque son grand-père
meurt, Bastiat, à l'âge de vingt-cinq, hérite du domaine
familial à Mugron, ce qui lui permet de vivre la vie d'un
gentleman-farmer érudit pendant vingt ans. Bastiat engage des ouvriers
pour exploiter la ferme familiale afin de se concentrer sur ses
activités intellectuelles. C’est un lecteur vorace, et il
discute et débat de presque toutes les formes de littérature.
Son ami le plus proche est son voisin, Félix Coudroy.
« Coudroy et Bastiat parcoururent un nombre
considérable de livres sur la philosophie, l’histoire, la
politique, la religion, les voyages, la poésie,
l’économie politique, des biographies, etc... C'est dans ces
conversations que les idées de Bastiat se développèrent
et que ses pensées mûrirent. »[2]
Coudroy fut d'abord un disciple de Rousseau
et, comme la plupart des admirateurs de Rousseau d’hier et
d’aujourd'hui, il était socialiste. Mais Bastiat, qui disait
toujours préférer une conversation en
tête-à-tête à un discours devant des milliers de
personnes, convertit Coudroy au libéralisme
classique.
Le premier article de Bastiat
fut publié en avril 1834. C'était une réponse à
une pétition des marchands de Bordeaux, Le Havre, et Lyon afin
d'éliminer les droits de douane sur les produits agricoles, mais de
les maintenir sur les produits manufacturés. Bastiat y félicite
les commerçants pour leur position sur les produits agricoles, mais
révèle leur hypocrisie en ne voulant le protectionnisme que
pour eux-mêmes. « Vous demandez un privilège pour
quelques-uns, écrit-il, alors que je demande la liberté pour
tous. »[3] Il explique ensuite pourquoi tous les droits de douane
devraient être complètement supprimés.
Bastiat continue à
perfectionner ses arguments en faveur de la liberté économique
en écrivant un deuxième essai en opposition aux impôts
sur le vin, intitulé « La taxe et la vigne », et un
troisième essai s'opposant aux taxes sur les terres et à toute
forme de restriction commerciale. Puis, à l'été 1844,
Bastiat envoya un manuscrit sur les effets des droits de douane
français et anglais à la revue d’économie la plus
prestigieuse de France, « Le Journal des Economistes ».
Le rédacteur en chef publia l'article « L'influence des tarifs
douaniers français et anglais » dans l’édition
d’octobre 1844, sans aucun doute le plaidoyer le plus convaincant en
faveur du libre-échange en particulier et de la liberté
économique en général jamais paru en France, sinon dans
toute l'Europe.
Dans cet article, Bastiat fait
montre pour la première fois de sa maîtrise de la sagesse
accumulée par les économistes de la tradition
pré-autrichienne, et il s'établit comme un brillant collecteur
et organisateur des idées économiques. Il acquiert
immédiatement une renommée nationale et internationale et, en
tant que défenseur membre de libre-échange, commence une
amitié avec Richard Cobden, le leader de la British Anti-Corn Law League, qui réussit à abolir toutes les
restrictions commerciales en Angleterre en 1850. Bastiat monta une
organisation similaire en France, l'Association française de
libre-échange, qui contribua à l'élimination de la
plupart des barrières commerciales en France en 1860, dix ans
après la mort de Bastiat. Bastiat étendit de façon
particulièrement efficace son influence comme rédacteur du
journal de l'Association de libre-échange, « Le
Libre-Échange ».
Après vingt ans de
préparation intellectuelle intense, Bastiat commença à
écrire de nombreux articles, qui prirent rapidement la forme de son
premier livre, « Sophismes économiques »,
à ce jour encore sans doute la meilleure littérature de
défense du libre-échange [4] Il fut suivi rapidement d’un
deuxième livre, « Harmonies économiques
», [5] et ses articles furent réimprimés dans les
journaux et magazines de toute la France. En 1846, il est été
élu membre correspondant de l'Académie des Sciences, et
son travail est immédiatement traduit en anglais, espagnol, italien et
allemand. Des associations de libre-échange ne tardèrent pas
à germer en Belgique, en Italie, en Suède, en Prusse et en
Allemagne, toutes basées sur l’Association française de libre-échange
de Bastiat.
Les Idées de
l’École autrichienne chez Bastiat
Pendant que Bastiat
façonnait l'opinion économique en France, Karl Marx
écrivait « Le capital », et la notion
socialiste de « lutte de classe », selon laquelle les gains
économiques des capitalistes se sont nécessairement faits au
détriment des travailleurs, gagna en popularité. Les
« Harmonies économiques » de Bastiat
expliquent pourquoi c’est l'inverse qui est vrai, et pourquoi les
intérêts de l'humanité sont essentiellement harmonieux
s’ils peuvent être entretenus dans une société libre
où le gouvernement limite ses responsabilités à la
répression des voleurs, des meurtriers, et des groupes
d'intérêts particuliers qui cherchent à utiliser l'Etat
pour spolier leurs concitoyens.
Théorie du capital
Bastiat a contribué
à la théorie autrichienne du capital en expliquant comment
l'accumulation de capital se traduit par l'enrichissement des travailleurs en
augmentant la productivité marginale du travail et, par
conséquent, sa rémunération. L'accumulation de capital,
écrit Bastiat, entraîne également des biens de
consommation moins chers et de meilleure qualité, ce qui
augmente aussi les salaires réels. Il a également
expliqué comment le taux d’intérêt du capital
décline quand il devient plus abondant.
Ainsi, les
intérêts des capitalistes et des travailleurs sont en harmonie,
et les interventions gouvernementales sur le marché des capitaux
appauvrissent les travailleurs comme les propriétaires du capital.
Bastiat explique également pourquoi dans un marché libre personne
ne peut accumuler du capital à moins de l’utiliser au service
des autres, c’est-à-dire les consommateurs. En
réalité, écrit Bastiat, le capital est toujours
utilisé pour satisfaire les désirs des gens qui ne le possèdent
pas. À l'opposé de la plupart de ses
prédécesseurs, Bastiat croit « qu'il est
nécessaire de considérer l'économie du point de vue du
consommateur.... Tous les phénomènes économiques...
doivent être jugés par les avantages et les inconvénients
qu'ils apportent au consommateur. » [6] Mises a
répété ce point dans « L’Action
Humaine » quand il note que, bien que les banquiers
puissent sembler « contrôler » la répartition du
capital par leurs décisions quotidiennes, ce sont les consommateurs
qui sont les « capitaines » du navire économique, parce
que c'est à leurs préférences auxquelles les entreprises
prospères répondent.
La valeur subjective
La plus grande contribution de
Bastiat à la théorie de la valeur subjective est son
application rigoureuse de cette théorie dans son essai « Ce
qu'on voit et ce qu'on ne voit pas ». [7] Dans cet essai, Bastiat,
en se concentrant sans relâche sur les coûts d'opportunité
cachés de l'affectation des ressources gouvernementales,
détruit la notion pré-keynésienne selon laquelle les
dépenses gouvernementales peuvent créer des emplois et de la
richesse. Dans la première édition de « Economics in One Lesson
», Henry Hazlitt a écrit que
« ma plus grande
dette, en ce qui concerne la façon dont le présent argumentaire
est construit, va à l'essai de Frédéric Bastiat, «
Ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas ». Le présent
ouvrage peut en fait être considéré comme une
modernisation, une extension et une généralisation de
l'approche contenue dans la brochure de Bastiat. » [8]
La science de l'action de
l'homme
La manière dont Bastiat
décrit l'économie comme un exercice intellectuel est
pratiquement identique à ce que les Autrichiens modernes mettent sous
l'étiquette de la science de l'action de l'homme, ou
praxéologie. Bastiat a écrit dans ses « Harmonies
» que « le sujet de l'économie politique est
l'HOMME [en tant que] doté de la capacité de comparer, juger,
choisir, et d'agir. Cette faculté à travailler pour l'autre,
à lui transmettre ses efforts et à échanger ses services
à travers le temps et l'espace, c'est précisément ce qui
constitue la science économique ».[9]
Comme les Autrichiens
contemporains, Bastiat considère l'économie comme
« la théorie de l'échange » où les
désirs des participants au marché « ne peuvent
être pesés ou mesurés. L’échange est
nécessaire afin de déterminer la valeur. » [10]
Ainsi, pour Bastiat comme pour les Autrichiens contemporains, la valeur est
subjective, et la seule façon de savoir comment les gens valorisent
les choses est d’observer les préférences qu’ils
révèlent dans les échanges du marché.
L'échange volontaire est donc nécessairement un avantage
mutuel. Ce fut une innovation importante dans l'histoire théorique de
la théorie économique, car la plupart des économistes
britanniques avaient succombé au « sophisme
physique », l'idée erronée que la valeur est
déterminée par la production d'objets physiques seuls.
Comme le souligne Murray Rothbard, la compréhension que la valeur est
créée par l'échange volontaire « a conduit
Bastiat et l'école française à souligner la
manière dont le marché libre conduit à une organisation
souple et harmonieuse de l'économie. » [11] Rothbard lui-même développa plus
complètement la théorie subjectiviste de la valeur de Bastiat
un siècle plus tard dans sa critique dévastatrice de
l'économie de l’Etat-providence moderne.
Un autre thème rothbardien dans les travaux de Bastiat (ou un
thème de Bastiat dans le travail de Rothbard)
concerne la rente foncière. Du temps de Bastiat les socialistes
avançaient l'argument que personne n'était en droit de louer
des terres parce que c'est Dieu qui avait créé la terre, et non
les propriétaires actuels. La réponse de Bastiat fut que le
loyer des terres était en réalité légitime parce
que les propriétaires avaient rendu un précieux service en
défrichant la terre, en la nettoyant et en la
rendant propice à l'agriculture. Si tous ces coûts
d'investissement sont capitalisés, explique Bastiat, il est clair que
grâce à la rente foncière les propriétaires
n’ont pas un revenu exceptionnel, mais qu’ils fournissent un
service public précieux. Murray Rothbard
développa plus tard cette idée plus en détail dans sa
défense du « premier occupant » comme un moyen
approprié d'établir des droits de propriété.
La spoliation
étatique
Tout en décrivant
l'harmonie inhérente aux échanges volontaires, Bastiat explique
aussi comment l'affectation des ressources gouvernementales entre
nécessairement en conflit avec le marché libre et
détruit son harmonie naturelle. Puisque le gouvernement ne produit pas
la richesse de lui-même, il doit nécessairement prendre aux uns
pour donner aux autres. Déshabiller Pierre pour habiller Paul est
l'essence même du gouvernement, comme l'a écrit Bastiat. En
outre, comme des groupes d'intérêts particuliers cherchent de
plus en plus à capter l'argent des autres sous l'égide de
l'Etat, ils sapent la capacité de production du marché libre en
s'engageant dans la politique plutôt que dans les comportements
productifs. « L'Etat », écrit Bastiat, « est la
grande fiction par laquelle tout le monde cherche à vivre aux
dépens de tout le monde. » [12]
Bastiat est probablement mieux
connu pour son travail dans le domaine de l'économie politique
(l'étude de l'interaction entre l'économie et l'État,
par opposition à la théorie économique pure). Il a
cherché à comprendre comment l'État fonctionne, quelles
incitations le conduisent, et il l'a fait mieux que quiconque. Il n'y a pas
de place ici pour une discussion en profondeur des idées de Bastiat
sur l'économie politique, mais quelques exemples suffiront. Selon
Bastiat le gouvernement est nécessaire seulement s’il est limité
à ses fonctions essentielles. Il a estimé qu'« aucune
société ne peut exister si ses lois ne sont pas
respectées dans une certaine mesure », à condition
que ces lois soient elles-mêmes respectables [13].
La justification morale d'une
loi, d'ailleurs, ne se fonde jamais sur un vote à la majorité,
parce que « de même qu'aucun individu n’a le droit
d'asservir un autre individu, aucun groupe d'individus ne peut
prétendre avoir un tel droit. » [14] Toute redistribution des
revenus par la démocratie majoritaire est donc « spoliation
légale » et, par définition, immorale.
Le slogan « si les
marchandises ne traversent pas les frontières, les armées le
feront » est souvent attribué à Bastiat parce qu'il a
tant insisté pour faire comprendre que le libre-échange était
peut-être la meilleure voie vers la paix et la
prospérité. Il a compris qu'à travers l'histoire, les
tarifs douaniers avaient été une cause majeure de guerre. Le
protectionnisme, après tout, est une tentative des gouvernements pour
infliger à leurs propres citoyens en temps de paix les mêmes
dommages que leurs ennemis leur infligent (avec blocus naval) pendant les
guerres.
La découverte de la
concurrence
Bastiat a compris que la libre
concurrence sur le marché est une « procédure dynamique
de découverte », pour reprendre une expression de Hayek, dans
laquelle les individus s'efforcent de coordonner leurs plans pour atteindre
leurs objectifs économiques. Toutes les tentatives d'intervention du
gouvernement interrompent et faussent ce processus, car une fois qu'une loi
ou un règlement est promulgué, « les hommes n'ont
plus besoin de discuter, de comparer, de planifier à l'avance ;
la loi fait tout cela pour eux ; leur intelligence devient une outil
inutile ; les hommes cessent d'être des hommes, ils perdent leur
personnalité, leur liberté, leurs biens »[15].
Drôle d'altruisme
Bastiat a également
dévoilé la fausse « philanthropie » des socialistes
qui ne cessent de proposer d'aider telle ou telle personne ou un groupe par
le pillage des richesses des autres membres innocents de la
société, sous l'égide de l'État. Tous ces
systèmes sont basés sur « la spoliation
légale, l'injustice organisée. » [16]
Comme les
néo-conservateurs d'aujourd'hui, les socialistes du XIXe siècle
stigmatisaient les libéraux du nom d’«individualistes»,
ce qui impliquait que les libéraux étaient opposés
à la fraternité, à la communauté et aux
associations. Mais, comme Bastiat l’a astucieusement remarqué,
lui comme les libéraux sont seulement opposés à des
associations forcées. C’était un défenseur des
véritables communautés et des associations de volontaires.
« Comme souvent nous nous opposons à ce qu’une chose
soit faite par le gouvernement, les socialistes concluent à tort que
nous nous opposons à ce que ça soit fait absolument." [17]
Les droits naturels et la
liberté des échanges
Bastiat peut également
être considéré comme un maillon entre les
théoriciens du droit naturel des XVIIème et XVIIIème
siècles et certains membres de l'École autrichienne moderne,
notamment Murray Rothbard, qui ont
basé leur défense du libre marché sur le droit naturel
plutôt que sur l’utilitarisme. [18] Pour Bastiat, le
collectivisme sous toutes ses formes est à la fois moralement
répréhensible (car fondé sur un vol
légalisé) et un obstacle à l'harmonisation naturelle des
intérêts de l'homme, telle que produite par les marchés
libres et la propriété privée.
Bastiat croit non seulement
que le collectivisme entraine la spoliation légale, mais il estime
également que la propriété privée est
indispensable pour que l’homme accomplisse sa nature d’être
libre qui, par nature, cherche son propre intérêt en
satisfaisant ses désirs subjectifs. Plaider contre le droit à
la propriété privée serait soutenir que le vol et
l'esclavage sont moralement acceptables. Ainsi, la protection de la
propriété privée est la principale (sinon la seule
légitime) fonction gouvernementale. Le politicien n’a
« aucune autorité sur nos personnes et sur nos biens, car
ils lui préexistent, et sa tâche est de les entourer de
garanties. » [19]
Bastiat est l'auteur de ce qui
est à ce jour la meilleure défense jamais produite du
libre-échange. Son argumentaire a été construit sur une
myriade de concepts économiques, mais le véritable enjeu du
combat pour le libre-échange, « n'a jamais
été une question de droits de douane, mais une question de
droit, de la justice, d'ordre public, de propriété. Car tout
privilège créé par le gouvernement, de quelque forme que
ce soit, implique la négation ou le mépris des droits de
propriété ». Et « le droit de
propriété, une fois affaibli sous une forme, sera bientôt
attaqué sous mille formes différentes. » [20]
Dans les « Sophismes
économiques », Bastiat fait la défense du
libre-échange la plus complète jamais construite à ce
moment-là. Il met en relation des notions économiques telles
que l'avantage mutuel du commerce volontaire, la loi de l'avantage
comparatif, les avantages de la concurrence pour le producteur et pour le
consommateur, et le lien historique entre les obstacles au commerce et la
guerre. Le libre-échange, explique Bastiat, apporte
« une abondance de
biens et de services à moindre prix; plus d'emplois pour plus de gens
à des salaires réels; plus de profits pour les fabricants; un
niveau de vie des agriculteurs plus élevé; plus de ressources
fiscales sous la forme d’impôts directs qu’avant ;
l'utilisation la plus productive du capital, du travail, et des ressources
naturelles ;... la fin de la lutte des classes qui était
principalement fondée sur ces injustices économiques que sont
les droits de douane, les monopoles, et autres distorsions juridiques du
marché, la fin de la politique suicidaire du colonialisme, l'abolition
de la guerre comme politique extérieure, la meilleure éducation
possible, le logement et les soins médicaux pour tous les peuples
»[21]
Le génie de Bastiat est
d’expliquer tous ces principes économiques et leurs
résultats par l'emploi de la satire et des paraboles, la plus
célèbre étant la « Pétition des
marchands de chandelles », qui demande une loi pour «la
couverture de toutes les fenêtres et puits de lumière et
d'autres ouvertures, trous, et fissures par lesquelles la lumière du
soleil est capable de pénétrer dans les maisons. Cette
lumière nuit à l'activité de nous, méritants fabricants
de bougies ».
Un autre satire mémorable de
Bastiat est sa destruction de l'argument protectionniste selon lequel «
l'équilibre des échanges » est nécessairement
souhaitable. Un négociant français aurait exporté pour
50.000$ de marchandises vers les États-Unis, les aurait vendus pour un
profit de 17.000$, et aurait acheté pour 67.000$ de dollars de coton
aux États-Unis, qu'il a ensuite importés en France. Puisque la
France a importé plus qu'elle n'en a exporté, elle a
« subi » une balance commerciale
« négative ». Une situation plus
« positive », écrit Bastiat sarcastiquement,
aurait été celle où le commerçant aurait
tenté une seconde opération aux États-Unis, mais son
navire aurait été coulé par une tempête en
quittant le port. La maison des douanes au port aurait donc enregistré
davantage d'exportations que d’importations, et une balance commerciale
plus « positive ». Mais puisque les tempêtes sont
peu fiables, avance Bastiat, la « meilleure » politique serait
que le gouvernement jette tous les produits des marchands dans la mer
dès leur départ des ports français, garantissant ainsi
une « balance commerciale positive » ! C'est ce genre de
manifestation de génie littéraire qui a dû motiver Henry
Hazlitt à reprendre le manteau de Bastiat un siècle après
sa mort.
Héritage
intellectuel de Bastiat
Les écrits de Bastiat
constituent un pont intellectuel entre les idées des
économistes pré-autrichiens, tels que Say, Cantillon, Destutt de Tracy, Charles Comte, Turgot et Quesnay
d’une part, et la tradition autrichienne de Carl Menger et ses
étudiants d’autre part. Il a également été
un modèle de sagesse pour les Autrichiens, qui croyaient que
l'enseignement général économique, notamment le genre
d'éducation économique qui brise les mythes et les myriades de
superstitions créées par l'État et ses apologistes
intellectuels est une fonction essentielle, sinon le devoir de
l'économiste. Mises est un magnifique modèle à cet
égard, tout comme Henry Hazlitt et Murray Rothbard,
parmi les économistes autrichiens. Comme le dit Mises, les premiers
économistes « se consacrèrent à l'étude
des problèmes économiques », et « par
l’enseignement et l'écriture ils étaient désireux
de communiquer à leurs concitoyens les résultats de leur
réflexion. Ils ont essayé d'influencer l'opinion publique en
vue de faire prévaloir de bonnes politiques ». [22]
À ce jour, les travaux
de Bastiat ne sont pas autant appréciés qu’ils le
devraient parce que, comme Murray Rothbard
l’a expliqué, les critiques les plus vifs de la liberté
économique aujourd’hui « ont du mal à croire
que quelqu'un qui est ardemment et constamment en faveur du laissez-faire
puisse être un chercheur et un théoricien important en
économie. »[23] Il est étrange que même certains
économistes contemporains autrichiens semblent croire que le fait de
communiquer des idées économiques, en particulier des
idées de politique économique pour le grand public, est en
quelque sorte indigne d’un praticien de la« science
économique ». Car c'est exactement le modèle de sagesse
que Mises lui-même a adopté, qui a été repris de
façon plus agressive et avec brio par Murray Rothbard,
le tout dans la tradition du grand économiste autrichien
français, Frédéric Bastiat.
NOTES
[1] Bastiat, Frédéric.
1995, Selected Essays on Political Economy. George B. de Huszar,
ed. Irvington-on-Hudson, N.Y.: Foundation for Economic Education, p. 52.
[2] Russell, Dean. 1969, Frederic Bastiat: Ideas
and Influence. Irvington-on-Hudson, N.Y.: Foundation for Economic Education,
p. 22-23.
[3] Ibid., P. 24.
[4] Bastiat Frédéric,
Economic Sophisms. Irvington-on-Hudson, N.Y.: Foundation for Economic Education
[5] Bastiat Frédéric,
Economic Harmonies. Irvington-on-Hudson, N.Y.: Foundation for Economic Education
[6] Russell, Dean. 1969, Frederic Bastiat: Ideas
and Influence. Irvington-on-Hudson, N.Y.: Foundation for Economic Education,
p. 32.
[7] Bastiat, «Ce
qu'on voit et ce qu'on ne voit pas," dans Selected
Essays, p. 1-50.
[8] Hazlitt, Henry. 1946, Economics in One Lesson. New York: Harper
and Brothers, p. 1.
Bastiat [9], Harmonies économiques,
p. 35.
[10] Ibid., P. 36.
[11] Rothbard, Murray. 1995. Classical Economics.
Vol. 2. An Austrian Perspective on the History of Economic Thought.
Cheltenham, U.K.: Edward Elgar, p. 446.
[12] Bastiat, Selected Essays, p. 144.
[13] Russell, Frederic Bastiat: Ideas and
Influence, p. 5.
[14] Ibid.
[15] Ibid., P. 11.
[16] Ibid.
[17] Ibid., P. 12. De plus, lire l'essai de Bastiat, «Justice et
Fraternité», dans Selected Essays, p. 116-39.
[18] Parce que la défense de Hayek de la liberté était
largement fondée sur l'opportunisme (faut-il promouvoir l'utilisation
efficace des connaissances dans la société?) et de
l'utilitarisme (est-ce que les avantages « sociaux » l'emportent
sur les coûts «sociaux», tels que déterminé
par un «juge impartial» ?) , il en est
venu à approuver la quasi-totalité des interventions des
pouvoirs publics qui définissent l’État-providence en
Amérique ou en Suède. C'est quelque chose que les
théoriciens du droit naturel, tels que Rothbard
et Bastiat, n'auraient jamais fait.
[19] Bastiat, «La propriété et le droit», dans Selected Essays, p. 97-115.
[20] Ibid., P. 111.
[21] Russell, Frederic Bastiat: Ideas and
Influence, p. 42.
[22] Ludwig von Mises, Human Action: A Treatise on
Economics, 3e ed. rev. (Chicago: Regnery Henry,
1963), p. 869.
[23] Rothbard, Classical Economics, p. 449.
Source : http://mises.org/about/3227
Auteur : Thomas J. DiLorenzo.
Thomas DiLorenzo est professeur d'économie
à l'Université Loyola Maryland et un membre du corps
professoral du Mises Institute.
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