L’affaire, triste, occupe discrètement les réseaux sociaux en cette fin d’année. Elle a débuté, comme bien souvent, par l’une de ces consternantes décisions de justice que personne ne comprend mais qui sont tout de même appliquées scrupuleusement. Et elle se termine, tragiquement, par un décès, parce qu’aucune autre issue ne pouvait être vraiment envisagée. Dura lex, sed lex, surtout pour les petits, les faibles, les sans-dents.
Et que la justice de l’État français sait y faire pour écrabouiller les petites gens ! Il est clair que six mois de sursis et plus de cent mille euros d’amende pour une dangereuse organisatrice de loto, c’était le minimum qu’on puisse attendre de la part des douanes, du fisc et de l’État français.
Yvette Bert, surnommée « Mamie Loto », avait organisé pendant des années des douzaines de bingos pour des associations caritatives et s’était bien sûr fait embarquer par la douane et le fisc pour organisation illégale de loteries. On ne rigole pas avec les jeux de hasard, en France, qui sont attribués à des cartels bien précis, dont, au passage, fait partie la douane (jamais inquiétée par les autres autorités pour l’organisation sauvage de ses propres bingos). L’État et ses sbires n’aiment pas la concurrence.
En août 2013, j’écrivais un petit billet sur ce problème récurrent en France. Il n’a pas pris une ride, au contraire des condamnés divers et variés (salauds de retraités qui tentent avec leurs petits bingos de survivre avec un peu plus de 400€ par mois au lieu de claboter sagement, à la prochaine canicule, pour sauver le système français !)
Il est vrai que pourchasser les organisateurs de ces collectes de fonds ludiques pour des associations caritatives est non seulement l’une des impressionnantes missions de l’État, mais constitue même l’horizon indépassable de certains de ses affidés qui ne pourront jamais supporter que des individus puissent, par leur entregent, leur affabilité, leur relationnel, rassembler dans un même lieu des douzaines de personnes pour passer un bon moment à poser des pions sur des cartons, activité ô combien louche et séditieuse, évidemment contraire au vivre-ensemble.
Et puis, s’il y a bien des délinquants et des criminels à pourchasser, autant commencer par les automobilistes, puis continuer par les retraités et les associations de troisième âge dont tout le monde sait qu’ils ne sont tous que des repaires de brigands, de voleurs, de mafieux dont les jeux ne servent qu’à blanchir les bénéfices de la drogue, de la prostitution et de la vente d’armes (qui n’a jamais entendu parler des proverbiaux retraités avec leurs arsenaux de putes, de drogue et d’armes lourdes ?). Ce n’est pas comme si les douanes pouvaient être utiles dans certaines citées. Ce n’est pas comme si la justice n’était pas déjà assez ferme avec les multi-récidivistes, voire les turbo-multi-récidivistes. Ce n’est pas comme si le fisc n’avait pas déjà fait rentrer dans le rangs tous ceux, connus, qui furent en délicatesse avec lui.
Bref : Mamie Loto, qui a commis l’imprudence de se lancer dans le jeu sans sa carte d’un parti politique (dans le sud, je lui recommanderais d’aller s’inscrire au PS, en passant par Guérini ou Andrieux, ils savent y faire, eux), a durement appris la nature réelle de l’État et de la Justice en France.
Bien sûr, ce n’est qu’un cas parmi tant d’autres. Bien sûr, on ne peut pas écarter la boulette d’un juge, d’un procureur, et d’un système tout entier emportés dans leur joie de servir la Justice du Peuple avec rapidité et précision (après tout, si la loi dit 6 mois de prison avec sursis et 135.000 euros d’amende, qu’y peut-on ? La loi est la loi et puis c’est tout).
Mais quand bien même Yvette la dépravée aurait fait de gros bénéfices, où est le mal ? Qui donc a-t-elle volé ? Qui a-t-elle tué ? Aurait-elle trafiqué des armes, des êtres humains, de la drogue ? Même si elle s’en était mis plein les fouilles (ce dont on peut largement douter, au vu de son très modeste train de vie), elle n’a jamais obligé personne à jouer à ses loteries. Les adultes consentants qui y participèrent n’ont d’ailleurs pas déposé plainte. Nombre d’entre eux ont plutôt réclamé le retour d’Yvette parmi eux, pour continuer ses activités.
Pendant ce temps, des gens qui ont volé, clairement, sans l’ombre d’un doute, pavanent un peu partout, y compris à l’Assemblée Nationale. Pendant ce temps, tous les jours, l’État et ses sbires, au premier rang desquels on trouve notre pépère dépensier, nous obligent à nous fader l’immense loterie qu’ils ont mise en place, celle sur la monnaie, sur le crédit et la dette colossale de la nation, celle sur nos vies, en nous imposants tous les jours un peu plus. Alors, même si Mamie Loto avait eu l’impudence de s’enrichir, peut-on, l’espace d’un instant, comparer ce qu’ils font, et ce qu’elle a fait, et voir l’immense décalage, l’injustice évidente qui frappe l’une et épargne les autres ?
De la même façon, on peut aussi s’interroger sur le bénéfice que la société peut bien retirer de sa condamnation. En effet, lorsqu’on condamne un voleur, un violeur, un meurtrier à de la prison, à rendre l’argent dérobé, on voit immédiatement le bénéfice de la société dans l’opération de justice. Ici, la Justice a délibérément choisi de ruiner Yvette. Où est le bénéfice de la société ? La collectivité, dont se gargarisent juges, procureurs, douaniers, bien-pensants et autres socialistes, a-t-elle remporté ici une victoire ? Si oui, laquelle ? Et où est cette justice dit-on rendue au nom du peuple français, pour le peuple français, et par le peuple français ? Au fait, le fisc, l’état, les douanes, ce n’est pas la société, ce n’est pas le peuple français, hein. On est parfaitement en droit, comme tout citoyen normalement constitué, de remettre en question le bénéfice – très hypothétique – que ces froides administrations retirent de cette condamnation.
D’autant que l’affaire ne s’arrête pas là : condamnée, Yvette est décédée, le soir de Noël.
La nature de la nouvelle et son timing seront, bien évidemment, un élément décisif sur les réseaux sociaux qui relaieront les réactions outrées des internautes. Et bien évidemment, au milieu de celles-là, on trouvera certains commentaires, fort éclairants, de ceux qui estiment qu’il faut arrêter de la plaindre car elle aurait honteusement profité du système, et puis « la loi s’applique à tous », pensez-donc (quand elle s’occupera sérieusement de ceux qui font ce commentaire, pourra-t-on les plaindre ?)
Car oui, mourir seulement un an après une tentative de suicide et suite à une condamnation d’une disproportion évidente, alors qu’aucune trace d’enrichissement personnel n’apparaît, c’est vraiment avoir trop profité du système… Du reste, je le redis : si on trouve bien quelques froides administrations pour porter plainte devant une si évidente infraction, aucun adulte n’ayant participé aux loteries ne semble avoir trouvé le courage de dénoncer cette abominable mafieuse. Étrange. Peut-être est-ce, finalement, le même ressort psychologique qui pousse nos semblables à voter et revoter, sans arrêt, pour les pires raclures, même et surtout lorsque tout le monde s’en plaint ? Allez savoir.
En tout cas, heureusement que de magnifiques douaniers, de superbes inspecteurs du fiscs, de fiers gendarmes et de preux procureurs de la belle justice française ont travaillé pour ce magnifique résultat.
Ça manquait au vivrensemble de ce pays, tiens.
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