La
première « panique bancaire virtuelle » semble
avoir eu raison de l’une des plus importantes plates-formes
d’échange de Bitcoin, MtGox. Basée à Tokyo, celle-ci s’est en
effet déclarée en faillite le vendredi 28 février
dernier. Quelques 750'000 bitcoins appartenant
à ses clients – et 100'000 bitcoins de
la firme elle-même – auraient ainsi disparu, estimés
à près de 500'000 millions de dollars.
Cette faillite
risque à premier abord d’augmenter la méfiance
vis-à-vis de la nouvelle « monnaie virtuelle ».
Car de deux
choses l’une. Soit MtGox s’est fait irrémédiablement
dérober ces bitcoins, représentant
tout de même environ 7% de ceux en circulation, « à
cause d’une faiblesse dans le système », comme
l’a évoqué son PDG. Dans ce cas, le fait qu’une
plate-forme spécialisée a pu être victime d’un vol
d’une telle ampleur, n’est certainement pas pour rassurer
l’investisseur ou l’épargnant qui hésite encore
à investir dans la monnaie virtuelle. Pour l’instant les autres
plates-formes d’échange de bitcoin ne
semblent cependant pas en être affectées.
Soit une autre
possibilité : le vol ne serait qu’un prétexte et il
s’avère que MtGox aurait en
réalité utilisé – d’une manière ou
d’une autre – les bitcoins
déposés par ses clients, et à leur insu. Bref, MtGox serait l’équivalent d’un MF
Global.
Quel que soit
le cas, la faillite de MtGox paraît être
la conséquence de la négligence, ou éventuellement de la
fraude, d’un intermédiaire jouant le rôle de dépositaire
qui n’a pas su garder intacts les dépôts qu’on lui a
confiés. Il s’est donc logiquement retrouvé dans
l’impossibilité de les restituer aux clients quand ceux-ci en
ont fait la demande.
Or, à
cet égard, le bitcoin ne semble pas réellement
désavantagé par rapport aux « monnaies-papier »
officielles telles que le dollar ou l’euro. Le fait est que les (gros) dépôts
bancaires traditionnels en ces monnaies souffrent des mêmes risques de
perte. Pourquoi ?
Car
d’une part, tout comme MtGox, les banques n’ont
en réserve qu’une fraction des dépôts de leurs
clients. La seule différence est que dans le cas de MtGox cette situation a été le
résultat d’un « accident », alors que dans
le cas du système bancaire il s’agit de son principe de
fonctionnement-même (système dit à réserves
fractionnaires). En cas de panique bancaire ou de problème majeur, les
déposants – tout comme les utilisateurs de bitcoins
– peuvent donc se retrouver dans l’impossibilité de
récupérer leurs avoirs. C’est ce qui est par exemple arrivé
à Chypre en mars 2013, les dépôts des clients n’étant
pas disponibles, ayant servi pour acheter, entre autres, de la dette grecque.
Mais ce
n’est pas tout. Car si la faillite de MtGox
poussera sans doute la communauté bitcoin
à sécuriser davantage leur système, la situation est toute
autre en ce qui concerne les dépôts bancaires. En effet, des
dispositions au sein de l’UE, mais aussi ailleurs, prévoient au
contraire de légaliser la « chyprisation »
des comptes bancaires notamment pour les montants dépassant 100'000
euros.
Des risques de
confiscation pèsent donc comme une épée de
Damoclès sur la tête des épargnants et des investisseurs,
alors que ces derniers subissent par ailleurs les risques inflationnistes des
politiques d’assouplissement quantitatif et de taux
d’intérêt bas des banques centrales. Peu présents
dans le débat public, tous ces risques sont importants et seront ainsi
abordés lors d’une série
de conférences organisée prochainement à Genève.
L’impact
de la faillite de MtGox sur la poursuite de la « démocratisation »
de la monnaie virtuelle – qui va de la multiplication des fonds
d’investissement aux projets d’installation d’automates de bitcoins – demeure, certes, incertain. Une chose
est cependant sûre : cette faillite n’est pas une raison
pour se « réconforter » et ignorer les risques
qui pèsent sur les monnaies-papier et les dépôts
bancaires traditionnels.
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