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1. A l’heure où l’on se
gargarise tant de la folie spéculative des banquiers et des traders
rapaces, laissez-moi vous rapporter une histoire vécue…
Trois
universités françaises A, B et C ont du
fusionner sur ordre du ministère dans le but d’apparaître
au classement de Shanghai. Au passage, les universités
américaines les plus réputées, qui comptent dans le haut
de ce classement mondial, ont plutôt de petits effectifs en comparaison
de nos mastodontes… Le
problème évidemment n’est pas la taille mais la gestion
même des universités. Mais aucun ministre ne veut le
comprendre : les modèles de management montrent pourtant que vous
pouvez rendre plus massive une organisation qui ne marche pas au
départ, elle ne marchera pas mieux ensuite tandis que les start-up deviennent
en quelques années des multinationales. S’il y a un
défaut de conception initiale et s’il n’est pas
corrigé, on risque grandement de donner naissance à des «
Titanic » universitaires.
L’université
A (foyer historique de la contestation estudiantine) ne voulait pas de cette
fusion. Comme, depuis quelques années, les universités ne
parvenaient pas à s’entendre, la décision s’est
imposée d’en haut. Résignée, l’université
A a dilapidé son budget, pratiquant une
véritable politique de terre brûlée qui a
débouché sur un déficit de plus de 10 millions. De leur
côtés, plus raisonnables, les deux autres universités
(qui comptent en leur sein quand même deux facultés
d’économie et de gestion) apportaient dans la corbeille de ce
mariage forcé un excédent de 5 millions. Résultat du
processus : ces dernières
héritèrent d’une dette imprévue.
Dans
le monde des entreprises, où les fusions sont des mariages
d’intérêts respectifs bien compris, le titre de
l’entreprise endettée va chuter sur les marchés
financiers, attirant sur elle le risque probable d’une OPA. Car les entreprises sont cesse
évaluées sur les marchés. C’est un
phénomène normal puisque le repreneur se propose de racheter la
dette pour restructurer l’entreprise mal gérée. Ainsi,
l’entreprise n’a pas intérêt à pratiquer la
terre brûlée. Mais, dans
le domaine public, pas de mécanisme de régulation possible
puisque les contraintes se substituent aux incitations et aux prix.
Ainsi,
la nouvelle université, résultant de la fusion, ne fut plus en
mesure d’assurer le paiement des heures complémentaires des
professeurs titulaires ou des invités extérieurs. On contacta
dans la panique le ministre de l’enseignement supérieur, qui se
tourna alors vers le ministre des finances lequel répondit : «
il va falloir créer un nouvel impôt… ».
Qu’on
le veuille ou non, nos universités sont désormais en
concurrence avec les universités du monde entier, c’est un
marché ouvert qui obéit donc, comme les autres, aux mêmes
lois du marché. Pareils aux
clubs de football, les universités se battent chaque jour pour attirer
les meilleurs chercheurs, les meilleurs professeurs et les meilleurs
étudiants. Et les meilleurs étudiants sont attirés
par les meilleurs diplômes : comme l’offre est
nécessairement limitée par rapport à la demande explosive,
les frais d’inscriptions augmentent.
Mais
l’obtention du diplôme en question ouvrant des perspectives de
carrière, et donc de salaires, prometteuses, les frais d’inscriptions sont en fait un investissement
rentable. Et les étudiants, qui ont les moyens intellectuels
(lesquels seront évalués par des tests à
l’entrée) mais qui n’ont pas les moyens financiers pour
accéder à ces formations, trouvent ces derniers qui leur fait
cruellement défaut (fondations, crédits bancaires,« petits » boulot).
En fait,
en l’absence d’une organisation centralisée et
bureaucratique ingérable au niveau mondial (c’est
déjà ingérable au seul niveau national), l’offre universitaire mondiale peut
s’adapter plus facilement et finement à la demande mondiale
du marché du travail exprimée en termes de compétences
et de qualifications de plus en plus pointues. Et comme chaque
université considérée individuellement ne peut pas tout
offrir, elle trouvera un créneau : ainsi fleurissent des start-up universitaires dans le management du
tourisme international, la conception des produits de luxe, l’histoire
médiévale française…
Même
les écoles supérieures américaines de guitare moderne
les plus prestigieuses fonctionnent ainsi, attirant les plus grands musiciens
du monde qui ont donné de grands noms à la culture musicale
mondiale. Et des guitaristes réputés comme Eric Clapton, Pat Métheny ou Carlos Santana y animent des Sessions School [1]. Ainsi, à condition d’être
bien géré (mais on est forcément bien géré
quand on est en concurrence sinon on disparaît), aucun domaine de
formation d’excellence n’est oublié.
En
conséquence, les frais d’inscriptions, spécifiques
à chaque filière, donnent - tels les vrais prix -une
information précieuse pour le président de
l’université et son conseil d’administration (qui
n’est piloté par aucun ministère) : il connait la valeur réelle de chaque formation.
Les
formations« bidons » ou inefficaces (les professeurs sont trop
absents, les cours ne sont pas à jour, les matières ne sont pas
pertinentes…) seront désertées par les étudiants
de sorte que les frais d’inscription s’écrouleront. Car aucun individu rationnel ne veut payer
pour devenir chômeur : vous pouvez bien donner le diplôme
mais personne n’en voudra. Pas besoin de ministre ou d’inspecteur
pour mesurer ou évaluer tout cela… D’ailleurs, c’est
impossible à mesurer et à évaluer en l’absence de prix
libres. C’est tout le problème de la planification
centralisée des organisations humaines brillamment analysée par
Ludwig Von Mises. Ainsi, l’université pourra en toute souplesse
adapter chaque année son offre de formations.
Même
Kadhafi a envoyé son fils en Angleterre pour décrocher un
doctorat d’économie à la prestigieuse London Economics School. Et tous nos
élus, pourtant profondément attachés au modèle
français, envoient leurs propres enfants dans des universités
étrangères. Le service public si vanté, c’est pour
les enfants du peuple pour qu’ils soient condamnés à
rester dans le peuple, surtout pas dans les élites. Or, les
universités étrangères forment donc les élites de
demain, qui seront aux manettes dans les grandes institutions internationales
ou dans les gouvernements. Ne nous étonnons- pas alors de notre perte
d’influence culturelle, politique et économique dans le monde si
nous refusons de voir cette réalité. Sans parler des
Etats-Unis, qu’il est interdit de citer en exemple, c’est ainsi que
fonctionnent les universités en Europe même, en Espagne, en
Allemagne ou en Angleterre.
Alors,
plutôt que d’épuiser notre énergie à se
battre en vain contre la « dictature » du marché, il
serait plus constructif d’en connaître ses mécanismes et
ses principes pour en exploiter son formidable potentiel de croissance
qu’elle recèle en son sein. Il
faut donc s’ouvrir à l’espace mondial universitaire.
Et quand on s’ouvre, c’est à nous de s’adapter : on
ne peut pas imposer notre modèle (bien mal en point) au reste du
monde, c’est donc à nous de nous adapter au reste du monde.
Sinon,
il ne reste plus qu’à nous enfermer pour devenir une
Corée du nord au bord de la faillite. Et si le reste du monde
fonctionne ainsi, il y a bien une raison objective : c’est que
ça marche.
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