The Gold Report: Brent, vous avez cité le directeur de Goldcorp Inc.'s
(G:TSX; GG:NYSE), Charles Jeannes, selon lequel nous aurions atteint le
pic de la production d’or. Comment en sommes-nous arrivés là ?
Brent Cook: C’est une importante question qui nous
ramène vers ce qui s’est passé il y a plus de vingt ans sur le secteur de
l’exploration. Je n’ai pas envie de m’attarder sur l’idée du pic de la
production d’or et préfèrerais me concentrer plutôt sur la courbe de la
découverte et ce qui se cache derrière les problèmes que nous pouvons voir
sur le secteur aurifère.
Pourquoi ne nous est-il plus
possible de découvrir autant de gisements qu’auparavant, ou du moins autant
de dépôts économiquement viables ? En 1995, l’explosion du nombre de
découvertes sur le secteur aurifère a atteint un pic, et ce succès est largement
lié à l’ouverture d’importantes zones qui étaient jusqu’alors inaccessibles
aux opérations d’exploration. Depuis lors, le succès rencontré par
l’industrie et les nouvelles découvertes ont peu à peu diminué. En termes de
production en revanche, il a fallu attendre vingt ans pour que ces
découvertes entrent en phase de production.
Ce que perçoit Charles
Jeannes, c’est qu’en 2015, la production d’or devrait commencer à ralentir
plutôt que continuer de s’étendre. C’est particulièrement vrai compte tenu du
prix actuel de l’or et de la structure des prix. Un certain nombre de ces
compagnies n’enregistrent pas beaucoup de chiffre d’affaire, voir rien du
tout. Elles devraient commencer à fermer les projets qui ne leur rapportent
rien d’ici ces prochaines années.
TGR: Le monde est-il sur le point de
manquer d’or, ou avons-nous juste promptement profité d’un investissement il
y a disons vingt ans ?
BC: Non, nous avons encore de l’or. Nous
continuons de découvrir des dépôts, mais la plupart d’entre eux ne sont pas
économiquement viables. C’est toute l’étendue du problème. Il y a par exemple
20 millions de tonnes d’or sous le fond des océans, mais la teneur des sols
n’est que de 13 parties par trillion et leur extraction de sera jamais
économique. C’est l’obstacle économique qui pose problème.
Dans les années 1990, le monde
s’est ouvert à l’exploration. Nous avons découvert un certain nombre de
dépôts de surface dans des juridictions qui étaient autrefois inaccessibles,
disons qu’il s’est agi des fruits les plus mûrs. Mais pour l’essentiel, il y
a un nombre fini de gisements de minerai en affleurement, et ceux qui restent
sont de plus en plus difficiles à trouver. Nous avons pratiquement épuisé la
surface et sommes forcés de forer à la recherche de dépôts au travers de
roches stériles à l’aide de méthodes ésotériques. Les chances de succès sont
bien moindres, et les coûts bien plus importants.
Laissez-moi vous donner un
chiffre approximatif basé sur le fonctionnement de la Terre et de la
géologie. Pour dix dépôts d’or de plus d’un million d’onces à teneur de plus
d’un gramme par tonne, nous avons un dépôt d’un million d’onces à teneur de
2,5 grammes par tonne. Le problème, c’est que bien qu’un dépôt à teneur d’un
gramme par tonne puisse être économiquement viable en surface, lorsqu’il se
trouve 200 mètres sous une roche stérile, il ne l’est plus. La triste réalité
pour nous, explorateurs, est que ces chances signifient que nous continuerons
de découvrir dix dépôts à teneur d’un gramme pour chaque dépôt à teneur de
2,5 grammes par tonne. Notre succès économique diminue, et les chiffres prouvent
cette conclusion. C’est aussi la raison pour laquelle nous avons tant de
compagnies qui disposent de ressources conformes à NI-43-101 mais qui ne
devraient jamais les convertir en réserves économiques.
TGR: Mais l’industrie de l’exploration
n’enregistre-t-elle pas actuellement une forte baisse des
investissements ? Les sociétés ne tentent-elles pas de réduire leurs
coûts ?
BC: Oui, et c’est un point à soulever. L’exploration a été fortement
touchée sur tout le secteur. Pour ce qui est des juniors, il est pratiquement
impossible d’obtenir des financements pour des projets d’exploration. Nous ne
dépensons pas suffisamment d’argent pour découvrir de nouveaux dépôts de
qualité, et cette situation devrait s’aggraver. Sachez également que la
découverte de nouveaux dépôts devrait coûter de plus en plus cher, parce que
1) pour la plupart, ils se trouveront de plus en plus profond sous terre et
demanderont davantage d’opérations de forage, 2) comme je l’ai déjà
mentionné, nous continuerons de découvrir plus de dépôts non-économiques que
de dépôts économiques, et 3) une majorité de ces dépôts non-économiques
devront faire l’objet de forages pour que leur teneur puisse être déterminée.
Chaque nouvelle découverte économique coûtera à l’industrie plus que par le
passé.
TGR: Quels sont les délais ? Combien
de temps faudra-t-il attendre pour en ressentir les conséquences ?
BC: Je pense que nous commencerons à les
ressentir l’année prochaine et au cours des années qui suivront. Mon point de
vue est que les sociétés minières qui produisent actuellement finiront par se
rendre à l’évidence. Elles ne disposent plus de suffisamment de réserves pour
remplacer ce qu’elles ont déjà extrait. Elles auront alors à aller acheter le
peu de dépôts qui enregistrent des rentrées d’argent. Ces dépôts sont ceux
qu’il vaut mieux avoir le plus tôt possible.
La solution actuelle à ce qui
semble être une équation fondamentale de l’offre et de la demande sur le
marché de l’or est bien entendu une hausse du prix de l’or. En revanche, je
ne suis pas convaincu qu’il puisse se développer un problème d’offre qui se
traduise directement en une hausse des prix qui puissent sauver les sociétés
minières et leurs dépôts marginaux. Tout l’or qui a jusqu’à présent été
produit est toujours disponible sous une forme ou sous une autre, et une
grande partie de cet or pourrait éventuellement être vendu à un certain prix.
A moins qu’une véritable ruée
sur l’or se développe, et que nous assistions à une vague d’accumulations,
nous pourrions ne pas voir le prix de l’or compenser pour les dépôts les
moins économiques. De plus, comme nous avons pu le voir lors de la flambée du
prix de l’or, les coûts d’équipement, d’énergie et tous les autres ont
augmenté en parallèle à celui du métal jaune. Même avec un or à 1.300 dollars
l’once, les marges des sociétés minières n’ont pas beaucoup augmenté. Je
pense que les années à venir s’avèreront très intéressantes.
Certains pensent que les
nouvelles technologies devraient changer la donne, comme elles l’ont fait
suite au pic pétrolier. Je ne suis pas du même avis. La géologie des roches
dures et de l’exploitation des ressources minérales est plus complexe que
celle de l’extraction de pétrole et de gaz. Nous enregistrons sans cesse de
nouvelles avancées en matière technologique et métallurgique qui font baisser
les coûts de production de quelques dollars par once, mais elles n’ont rien à
voir avec la technologie de fracturation.
TGR: Et lorsque des découvertes sont
faites, est-il de plus en plus difficile d’obtenir la permission d’exploiter
dans certaines régions du monde ?
BC: C’est une autre considération. Disons
que si vous faisiez une découverte, vous auriez immédiatement des problèmes
sociaux à régler. Vous auriez d’abord des politiciens et tous les habitants
des 100 kilomètres à la ronde qui viendraient vous hurler au visage pour
obtenir leur part du gâteau. Vous devriez obtenir une permission
d’exploitation, et ces dernières sont aujourd’hui bien plus difficiles à
décrocher qu’elles ne l’étaient. Les sociétés minières ont donc à faire des
projections en relation à leur découverte, non seulement en termes de ce que
pourrait être le prix de l’or dans quinze ans, mais aussi ce que pourrait
être le coût de la main d’œuvre, de l’énergie, et ainsi de suite.
TGR: Existe-t-ils certaines régions dans
lesquelles il est plus facile de s’implanter que dans d’autres ?
BC: C’est évident. Le Canada est très favorable, et le Québec est une
très bonne zone. Aux Etats-Unis, dans le Nevada, en Utah, dans le Wyoming et
dans certaines régions de l’Idaho, au Mexique en général et dans certaines
régions d’Amérique du Sud (dont le Pérou et le Chili – bien que pour ce
dernier, il soit bon de considérer les problèmes liés à l’eau et à l’énergie
à l’avance). L’Afrique de l’ouest ne pose pas non plus de problèmes. Il
existe des zones plus sûres que d’autres. Mais il y a toujours un risque de
voir la situation changer d’un point de vue politique. La Zambie a récemment
élevé la redevance des sociétés de 6 à 20%, et Barrick Gold Corp. (ABX:TSX;
ABX:NYSE) a fermé sa mine de cuivre dans le pays.
TGR: Compte tenu de tout cela, quelles
sociétés mènent leurs activités comme elles le devraient, disposent des
bonnes équipes et de l’argent pour exécuter leurs projets ?
BC: Pas tant que ça. Si vous chercher à
acheter un projet d’exploration, le plus important est la compétence humaine.
Il est critique pour une société d’exploration de disposer d’une équipe
technique suffisamment compétente pour reconnaître un bon système et
l’exploiter comme il se soit et, plus important encore, pour savoir quand se
retirer. Malheureusement, sur ce secteur, on a souvent tendance à forer,
forer et encore forer parce que c’est ainsi que beaucoup de gens gagnent leur
croûte. Vous voulez être propriétaire d’une société qui dispose d’une équipe
technique qui sait à quoi ressemble un dépôt. Et puis vous avez besoin d’une
société qui dispose l’argent nécessaire à la poursuite de ses activités, et
d’une structure d’actions qui ne soit pas démesurée.
TGR: Quelles sociétés sont conformes à ces
qualités ?
BC: Mirasol
Resources Ltd. (MRZ:TSX.V) a eu beaucoup de succès en Argentine. Elle a
vendu un dépôt pour la somme de 20 millions de dollars. Elle a racheté des
propriétés au Chili qui n’avaient jamais vraiment été explorées. Elle
rencontre un succès conséquent pour ce qui est de définir ses nouvelles
cibles.
TGR: Mirasol vient de publier un communiqué
concernant cette propriété, baptisée Grobea, au Chili. Le marché semble avoir
réagi positivement. La compagnie a-t-elle d’autres catalyseurs en vue ?
BC: Elle a une joint-venture avec First Quantum
Minerals Ltd. (FM:TSX; FQM:LSE) au Chili, et First Quantum a dépensé 5
millions de dollars pour tester l’un de ses projets d’exploitation de cuivre
dans le Porphyre. Le projet Gorbea n’en est encore qu’à ses débuts – creusage
de tranchées, géophysique, géologie. Mais des cibles intéressantes ont été
découvertes qui devraient être forées en 2015 par une société partenaire.
TGR: Un autre nom ?
BC: Reservoir
Minerals Inc. (RMC:TSX.V) est derrière l’une des plus importantes
découvertes de ces dernières années, menée en partenariat avec
Freeport-McMoRan Copper & Gold Inc.'s (FCX:NYSE) en Serbie. Quelques 65
millions de tonnes à teneur de 3,1% de cuivre. Sous plus de 400 mètres de
roches stériles. Reservoir a quelques 38 millions de dollars en banque et est
propriétaire de 100% de ses projets de découverte testés actuellement. Voilà
qui pourrait s’avérer un grand succès pour la société. Et Reservoir emploie
des gens intelligents, qui savent ce qu’ils font.
TGR: Qu’en est-il des projets
africains ? Vous y intéressez-vous aussi ?
BC: Au Cameroun, les projets miniers en
sont à leurs débuts. De très bons résultats ont été enregistrés, des
échantillons de roches ont été prélevés, ce genre de choses. La compagnie qui
en est responsable établira certainement une joint-venture pour une majorité
de ses projets. En Afrique, les projets sont développés jusqu’à ce que
d’importantes cibles soient atteintes, et puis quelqu’un vient forer, et si
les résultats sont satisfaisants, l’exploitation peut commencer.
TGR: Un autre nom ?
BC: Pilot
Gold Inc. (PLG:TSX) est un groupe qui fait un excellent travail. Son
prédécesseur a vendu son projet dans le Nevada à Newmont Mining Corp.
(NEM:NYSE). C’est un projet que Pilot n’a pas personnellement découvert, mais
qu’elle a développé avant de pouvoir vendre. Pilot a un projet dans le
Nevada, appelé Kinsley Mountain, ou une minéralisation aurifère de type
Carlin a été découverte là où personne ne s’y attendait. Le projet n’est pas
assez important pour être économiquement viable, mais il est la preuve de la
qualification de Pilot. La société a également un projet en Turquie, surnommé
TV Tower, une joint-venture avec Teck Resources Ltd. (TCK:TSX; TCK:NYSE), qui
est contributeur à 40%. J’aime beaucoup ce projet. Je pense qu’il mérite
d’être observé cette année. Il est financé. Tout est réglé. Nul besoin de se
soucier d’une éventuelle faillite.
TGR: Vous avez dit vous-mêmes que le prix
de l’or s’est maintenu contre de nombreuses devises, et qu’une grande partie
de sa tendance baissière est désormais derrière nous. Vous avez même parlé
d’optimisme temporaire. Donnez-nous de quoi reprendre espoir.
BC: La situation a été mauvaise pendant si
longtemps que les choses ne peuvent plus que s’améliorer. Il est raisonnable
de croire que 2015 nous réservera de bonnes surprises, mais je ne suis pas
très positif pour ce qui concerne le secteur des juniors et le prix de l’or
sur le court terme. 2015 ressemble beaucoup à l’année qui vient de s’écouler.
Mais pour voir le bon côté des choses, nous allons bientôt avoir
l’opportunité d’acheter des groupes et projets d’exploration de qualité qui
auront bien plus de valeur courant 2016-17.
TGR: Les prix de l’or et des actions des
juniors minières sont souvent cycliques. Il y a les ventes fiscales à perte,
l’effet janvier, ou encore l’idée qu’il faille « vendre en mai et s’en
aller ». Ces clichés tiennent-ils la route sur le marché actuel ?
Pouvons-nous nous attendre à un effet janvier en 2015 ?
BC: C’est ce à quoi je m’attends pour les
trois dernières actions dont nous avons parlé, mais qui peut en être sûr. Ces
quelques dernières années ont été mouvementées.
TGR: Merci de vous être entretenu avec
nous, Brent.
BC: Tout le plaisir est pour moi.