Je suis tombé par hasard
sur une courte et intéressante interview de Chris Hedges
qui met en lumière sa théorie du déclin de
l’Empire Américain et les illusions et manque de pensée
rationnelle qui l’accompagnent. Les Empires ont tendance à
disparaître en un éclair et leur chute est très
différente du dernier souffle d’une étoile mourante.
La personne qui mène
l’interview semble parvenir sans difficulté à faire
entrer Hedges dans les détails.
J’aimerais ajouter ici une
observation que je me suis faite ce matin lors de la révision de mon
travail sur Sophie Scholl. Le jardinage a la vertu
particulière d’occuper l’esprit.
L’adhérence quasi-frénétique
au parti Nazi à la fin de la guerre, alors qu’il était
évident pour tout observateur rationnel qu’Hitler ne pourrait
pas gagner, est pour le moins remarquable. J’ai été
particulièrement marqué de lire il y a quelques temps que les
‘meutes’ de Nazis qui ont fait rage dans les rues de Berlin en
arrêtant tous les hommes âgés et les petits garçons
qui n’avaient pas joint le Volkssum avant de
les pendre ont continué d’agir même après que les
Russes aient encerclé le Reichstag. Je n’ai jamais pu comprendre
une telle attitude.
‘Le commentateur radio a
annoncé qu’Hitler était sorti de son bunker pour
s’entretenir avec les adolescents de 14 à 16 ans qui
s’étaient portés volontaires pour avoir l’honneur
d’être acceptés dans les rangs de la SS et de mourir pour
leur Führer en défendant Berlin. Quel mensonge cruel ! Ces
garçons ne se sont jamais portés volontaires ! Ils
n’ont simplement pas eu le choix, puisque ceux qui se cachaient
étaient condamnés à mourir par les SS : ‘tout
homme qui n’est pas assez courageux pour combattre doit
mourir’’.
Lorsque plus aucun arbre
n’était disponible, les gens étaient pendus aux
lampadaires. Il y avait des corps pendus partout, militaires comme civils,
hommes ou femmes, citoyens ordinaires exécutés par un petit
groupe de fanatiques. Il semblerait que les Nazis refusaient que les gens
puissent survivre, parce que selon eux, s’ils perdaient la guerre, ce
serait la faute de tout le monde. Les citoyens n’avaient pas
sacrifié assez et ont dû abandonner leur droit à la vie, puisque
seul le gouvernement ne pouvait être considéré comme coupable
de la défaite.
Dorothea von Schwanenfluegel sur la chute de Berlin, 1945.
Je me suis souvenu du jugement de
Sophie Scholl, et des propos qu’elle a tenus
au juge Roland Freisler lorsqu’il lui hurlait
ses torts à la figure. ‘Vous serez bientôt remis à
votre place’, lui a-t-elle dit. Il échappa ensuite aux mains de
son bourreau à Nuremberg pour succomber sous l’explosion
d’une bombe Alliée en 1945. Lorsque son corps fut amené
à l’hôpital, un agent hospitalier s’est
exclamé : ‘ce n’est que le jugement de Dieu’.
Il fut enterré dans une tombe sans nom, sans cérémonie
et avec personne pour le pleurer. Un peu comme son Führer bien-aimé.
C’est là une
illustration quasi-parfaite de la trappe de la crédibilité.
Nous ne pouvons pas permettre à nos illusions de n’être
que des illusions, et nous nous y accrochons jusqu’au bout, parce que
ces illusions deviennent vite notre centre de gravité, notre raison
d’être, notre justification mythologique.
Si cette idéologie
était un mensonge, il n’y aurait plus de héros ni de
dieux, seulement des monstres et des criminels. Et leur vie n’aurait
plus aucune valeur, elle ne ferait plus sens, et ne porterait plus aucun
honneur.
|