Comme on le dit souvent, le diable se cache dans les détails, et les
conséquences des ordonnances Macron se font sentir chaque jour un peu plus au
fur et mesure de leurs applications concrètes.
On en parlait depuis longtemps de la fusion des IRP.
Derrière ce sigle barbare se cachent les instances représentatives du
personnel. Derrière chaque instance, des « délégués » qui bénéficient dans le
cadre de leur mandat de protections juridiques et d’un droit social
avantageux, sans parler des heures de délégations permettant même dans les
grands groupes à certains salariés d’être rémunérés à plein temps pour
réaliser les tâches syndicales.
Souvenez-vous d’Arlette Laguiller, qui « travaillait » au Crédit Lyonnais
mais qui en réalité était presque toujours en heure de délégation, ou Olivier
Besancenot, également dans ce cas à la Poste.
Il va donc y avoir fusion des délégués du personnel (DP), des élus du
comité d’entreprise (CE) et des anciens membres du CHSCT (hygiène, sécurité
et conditions de travail) dans une instance unique, le CSE (conseil social
d’entreprise). En 2011, la Dares évaluait à environ 600 000 le nombre de
personnes détenant au moins un mandat d’élu (pour 767 000 mandats de
titulaires, y compris de délégués syndicaux).
Selon Jean-Claude Mailly, le secrétaire général de FO, entre “150 000 et
200 000 personnes vont perdre leur mandat ce n’est pas rien”, a lancé le
patron de FO, et de poursuivre, “quels postes ces personnes vont-elles
retrouver ? Ce n’est pas simple à gérer, y compris pour les employeurs”,
a-t-il ajouté.
Règlements de compte à Ok Corral syndical ?
Les hommes brillent rarement par leur sagesse, et il est fort probable que
cette réduction massive du nombre de représentants du personnel dans les
entreprises s’accompagne aussi d’une forme de mise au pas des syndicats et
d’une « chasse aux sorcières », plus rien ne protégeant les anciens
représentants perdant leur mandat.
Derrière cette mesure (la fusion des IRP) qui pouvait sembler technique,
et qui n’était pas franchement symboliquement parlant de nature à mobiliser
les foules et faire sortir les barbecues à merguez de la CGT, se cache en
réalité un affaiblissement sans précédent des syndicats en France qui vivent
leur chant du cygne.
Les syndicats, dans une grande mesure, n’ont pas su ni s’adapter ni se
renouveler, restant avant tout empreint de l’idéologie marxisante de la lutte
des classes héritée de la révolution industrielle et de notre culture
d’après-guerre.
Ce logiciel marxiste pour l’essentiel est devenu totalement inadapté au
monde des affaires tel que nous le connaissons désormais.
Petit à petit, pierre après pierre, l’édifice de protection syndical est
détruit consciencieusement.
C’est une bonne chose que de voir disparaître des structures
inadaptées – et l’on aura encore l’occasion de voir des combats
d’arrière-garde à la SNCF qui fonctionne fondamentalement terriblement mal en
grande partie en raison de ses carences managériales liées à un statut des
salariés où il n’y a que peu d’incitations positives et où les bosseurs, les
sérieux et les constants ne sont pas plus récompensés que les paresseux.
Mais ce n’est pas une bonne chose que les salariés ne soient pas défendus
et qu’aucune offre sociale crédible n’émerge pour le moment.
Du côté des représentants, dans les semaines qui viennent, il y aura
beaucoup de larmes.
À travers cet exemple qui concerne les plus protégés d’entre les salariés,
celles et ceux qui travaillent doivent comprendre l’immense changement de
règles du jeu et la grande précarisation en chemin pour mieux s’en protéger.
Il est déjà trop tard, mais tout n’est pas perdu. Préparez-vous !