Bon, le chômage diminue. Mais si, puisque ce sont les autorités qui le disent, avec un petit air gêné et dans un nuage de circonlocutions contradictoires. La crise est donc finie et les choses vont pouvoir reprendre leur cours normal. Raison de plus pour se pencher sur d’autres sujets plus importants.
Et, alors que le pays compte vraisemblablement plus de cinq millions de chômeurs, plus de huit millions de personnes sous le seuil de pauvreté, en emploi précaire ou dans des entreprises en difficultés et qui se demandent, actuellement, comment ils vont passer les fêtes, il devient donc urgent de légiférer sur les mœurs, de verrouiller enfin de bonnes lois bien solides pour espionner sur internet en toute tranquillité et d’occuper nos ministres qui ont, après cette victoire magistrale, une petite rupture de charge et se tournent ostensiblement les pouces, un sourire béat d’auto-satisfaction sur leurs visages honnêtes.
C’est pourquoi les députés ont courageusement voté la pénalisation des clients de la prostitution, ce qui permet de faire passer plusieurs messages clairs dans la société française. D’une part, l’égalité continue sa progression déterminée : maintenant, grâce à Hollande et au gouvernement Ayrault, même les prostituées goûteront au chômage. Ce n’est pas rien, quand on y pense.
D’autre part, cela montre que notre aimable gouvernement et nos députés entendent bel et bien confondre vices et crimes ; pour eux, ce qui jusqu’à présent relevait de façon débattable d’un vice, à savoir devenir client d’un acte de prostitution, entre maintenant d’un petit pas altier dans le domaine du délit punit par la loi.
Notez bien que les sanctions prévues comprennent bien sûr un aspect financier — préalable indispensable à toute nouvelle loi, surtout que l’État n’est pas très en fonds actuellement, et puis sachons racketter un client qui, au moins, n’ouvrira pas sa grande jatte lorsqu’il aura à payer, au contraire d’automobiliste flashé, plus facilement contestataire. Et, chose plus significative encore, il est aussi envisagé un passage par les camps de redressement, pardon par un « stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels ». Là aussi, on sent un petit message simple : les clients sont des esclavagistes, des pervers, des êtres méprisables aux penchants immondes auxquels nos ministres et nos députés, payés sur nos impôts, ont jugé qu’il était nécessaire de mettre un terme, du haut de leur probité et (surtout) du fait qu’eux et elles n’ont évidemment jamais fait appels à de tels services.
Et finalement, peu importe ici le degré de consternation que peut apporter la lecture des arguments pitoyables (et parfaitement faux, du reste) de la porte-parlote du gouvernement : le nombre bien faible de députés présents dans l’hémicycle pour le vote de cette loi démontre à qui en doutait encore que les débats ont depuis longtemps quitté la représentation du peuple pour ne plus animer qu’une petite frange de fanatiques déconnectés de la réalité dont le but est, par tous les moyens, d’imposer leur vision bien particulière de la société et leurs agendas constructivistes au détriment des vraies urgences du moment dont, il faut bien le dire, ils se foutent ouvertement.
Mais comprenez bien que la victoire sur la crise et les malheurs des Français est vraiment totale ; l’oisiveté des députés, des sénateurs et des ministres étant presque totale, il fallait aller plus loin dans le débroussaillage de nouveaux champs d’investigations légaux. La législorrhée ne pouvait pas s’arrêter en si bon chemin.
C’est aussi pourquoi les députés ont, tout aussi vigoureusement, voté la loi de programmation militaire qui, j’en parlais dans un récent billet, contient de croustillantes dispositions permettant enfin aux petits kapos du camp de concentration France d’intervenir sur les fournisseurs d’accès internet sans s’embarrasser de ces enquiquinantes procédures judiciaires ou de l’avis d’un juge qui, comme chacun sait, ne font rien qu’embêter les soldats de la lutte contre les pédonazis et les terroristes qui pullulent sur la toile.
Eh oui, grâce à quelques judicieuses lignes dans une loi de programmation qui concernait la défense, on en arrive à laisser l’État décider seul, après concertation avec lui-même et sans le moindre contrôle judiciaire, de récupérer les données des internautes en temps réel, et ce, un peu quand il en a envie, sans vraiment se justifier, pour un peu la durée qu’il veut, et le tout en toute décontraction. Et puis, pour bonne mesure, ajoutons une « loi martiale numérique« , cela fera encore plus sérieux, ne trouvez-vous pas ?
Au passage, il n’est pas du tout fortuit de constater que les articles correspondants sont ainsi rédigés qu’une large marge d’appréciation et de latitude a été laissée aux autorités pour qu’elles puissent agir avec les coudées franches, tout comme il est normal le fait qu’on bloque explicitement, comme dans des pays ouvertement totalitaires, certains pans d’internet, ou que se répand gentiment cette impression que le Pays des Droits de l’Homme se moque gentiment de ses citoyens et des règles internationales sur la liberté d’expression…
Le pompon, si l’on veut, reste tout de même qu’à l’instar de la loi sur la pénalisation des clients de la prostitution, cette loi qui distribue ainsi les facilités d’espionner l’internaute comme d’autres les biscuits apéritifs avant un repas roboratif a été votée dans la décontraction et l’entre-soi d’un tout petit nombre de députés. Encore une fois, c’est donc une poignée de personne qui sera directement responsable du tour supplémentaire qui vient d’être donné à l’étau France.
Il y a, je trouve, une certaine constance dans l’absentéisme de nos députés et de nos sénateurs (tenez, allez regarder la fiche de présence de ce joli numéro-là, c’est édifiant), et, de façon plus surprenante encore, notamment lorsqu’il s’agit de voter des lois dont la portée polémique est évidente et dont on peut difficilement nier le contenu liberticide. Il y a, dans cette présence minimale des députés et des sénateurs quelque chose de gênant lorsqu’on se rappelle les indemnités qu’ils touchent, les retraites dont ils pourront bénéficier, les avantages qu’ils accumulent discrètement.
Qu’elle est discrète, la représentation nationale, lorsqu’elle enfonce un poignard de plus dans le corps de la liberté en France ! Qu’elle est réservée lorsqu’elle explique son projet aux rares journalistes qui s’en inquiètent ! Qu’elle est admirable de silence et de modestie lorsqu’il s’agit de se juger elle-même, et qu’elle est donc audacieuse lorsqu’elle octroie des droits à ses sicaires, et lorsqu’elle juge des vices des autres…
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