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Je l'avoue: je me suis royalement... euh,
je veux dire, allègrement... Enfin non, complètement
contrefichu du vote sur la révision de la constitution de notre
merveilleuse république. Non point que je sois à ce point
devenu indifférent aux micro-réformettes et autres
stupidités régulièrement promues par nos
politiciens au rang de refondation majeure, mais très franchement,
lorsqu'est évoqué le nième tripatouillage de notre
pauvre constitution révisée 17 fois ces quinze dernières
années, j'ai un peu de mal à m'y intéresser.
C'est un tort, tant les constitutions sont le socle fondateur du droit, dont
des détails peuvent dépendre la prospérité ou la
faillite d'un pays.
Ceci dit, qui l'aurait cru, les
péripéties politiciennes autour du vote de ce toilettage dudit
texte fondateur de nos institutions m'ont donné l'idée d'une
réforme jamais envisagée, et qui pourtant, peut-être,
pourrait réellement redonner au parlement une place significative dans
la vie politique française.
Les non-événements qui ont
réveillé ma conscience citoyenne sont d'une part le
revirement de quelques députés de droite (entre autres, MM.
Mariton, Tron et Debré) qui, après dit qu'ils n'aimaient pas le
texte, l'ont voté "par nécessité de ne pas
mélanger leurs voix à celle des socialistes" (Oh le bel
argument que voilà...). Disons plutôt qu'ils ont sans doute
reçu injonction des missi dominici de l'élysée de
voter "oui" sous peine de représailles majeures.
D'autre part, la réaction quasi
hystérique des socialistes après le vote "oui" de
Jack Lang a révélé que les statuts du parti socialiste
faisaient bien peu de cas de la à mon avis fort nécessaire
liberté de conscience du député par rapport au vote.
Commençons donc par notre gauche. Les
statuts du PS prévoient, je cite, dans leur article 9.6,
que:
(9,6) Les
membres du groupe socialiste au parlement acceptent les règles
internes du Parti et se conforment à sa tactique. En toutes
circonstances, ils doivent respecter la règle de l’unité
de vote de leur groupe. En cas d’infraction à cette
règle, le Conseil national peut faire jouer les dispositions
prévues à l’article 11.12. (NdVB: c'est une erreur, je
suppose qu'il s'agit du 11,11, après lecture, mais passons)
Ah, justement, l'article 11,11, que
prévoit il ?
(11,11) Chacun des parlementaires, en tant qu’élu, et
l’ensemble du groupe, en tant que groupe, relèvent du
contrôle du Conseil national. Les élus qui commettent des
infractions à la discipline sont rappelés au respect des
décisions du Parti, par le Conseil national. Celui-ci peut, le cas
échéant, prononcer une des sanctions prévues aux
articles 11.5 et 11.6
(11,5) La Commission (fédérale ou nationale) des conflits peut
rejeter la demande de contrôle ou appliquer les peines prévues
ci-après (...) :
- l’avertissement
- le blâme
- la suspension temporaire
- l’exclusion temporaire ou définitive
(11,6) La suspension temporaire de toute délégation
comporte, pour l’adhérent(e) qui est frappé(e) de cette
peine, l’interdiction d’être candidat(e) du Parti (...)
Inutile de dire qu'une foule de
socialistes aux confins de l'hystérie demande l'application des
statuts et le licenciement... pardon, l'exclusion de Jack Lang. Ah, la belle
conception de la liberté individuelle que cela dénote ! MM. Valls et Delanoë ont encore beaucoup de boulot
pour rajeunir les mentalités dans ce parti.
Je n'ai pas étudié les
statuts de l'UMP (j'ai autre chose à faire, vraiment), mais je suppose
qu'ils recèlent des joyaux de démocratie interne du même
ordre. J'ai déjà eu l'occasion d'évoquer les
mésaventures du fort estimable Georges Mesmin, ancien
député de Paris au temps où l'UMP s'appelait le RPR, qui
osa voter contre le budget présenté par le gouvernement
Juppé fin 1995, et contre lequel le RPR déclencha une cabale
peu ragoûtante afin de lui faire perdre son siège de
député en 1997. Avec succès.
Bref, cher citoyen, vous croyez voter
pour un député, pour une personne qui vous
représentera... Et en fait, vous contribuez à augmenter le
nombre de droits de vote à l'assemblée d'une toute petite
coterie qui contrôle le Politburo du parti auquel appartient votre
candidat. Car si un Jack Lang, avec son ancienneté et ses réseaux,
peut peut-être ne pas trop craindre des statuts de son parti et jouer
les tontons frondeurs, inutile de dire que l'immense majorité des
députés de base du PS doit avoir une trouille bleue de ne pas
pouvoir se représenter aux élections suivantes avec
l'étiquette officielle du parti, ce qui équivaut à une
mort politique. Quant au trouillomètre de MM. Tron, Mariton,
Debré et consors, je n'y reviens pas...
L'on prétend que les
députés sont les godillots de l'exécutif. C'est faux.
Ils sont les esclaves des oukases de l'état major de leur parti.
Comment changer cela ? En effet, il paraîtrait salutaire qu'au moment
de chaque scrutin parlementaire, en son âme et conscience, un
député puisse voter contre la direction de son parti, et, si sa
base militante locale lui pardonne cet écart, se représenter
tout de même devant les électeurs avec son label.
Bref, il faudrait qu'un Ron
Paul Français puisse voter contre son propre parti
même lorsque celui ci est au pouvoir si sa conscience lui dicte de le
faire, et pouvoir représenter à nouveau ce même parti aux
élections suivantes si les militants lui renouvellent tout de
même leur confiance (*).
Seul problème: un libéral
ne peut en aucun cas exiger que les statuts d'un parti soient validés
par l'état, ou trop sévèrement contraints par la norme
législative... Toutefois, il existe un moyen à mon sens
parfaitement légitime d'obtenir le même résultat. Il
suffirait d'exiger que :
"Tout parti dont les statuts,
le règlement intérieur ou tout autre document interne
régissant les règles de son fonctionnement, ou le mode de
désignation des candidats, entravent la nécessaire
liberté de conscience et de vote des élus du peuple aux
différentes assemblées législatives nationales et
locales, ne peut présenter de candidats aux élections
concernées."
Une telle exigence ne paraît pas
exorbitante. Après tout, quoi de plus normal, pour une nation,
d'exiger que les représentants du peuple puissent effectivement le représenter
? Est-il anormal d'exiger que des députés de la majorité
puissent, si les quelques têtes pensantes de l'exécutif se
fourvoient, amener un peu de contre-pouvoir ? Si l'on veut redonner la place
qu'il mérite au parlement, ne doit on pas rendre au député
sa liberté de débattre et de contester, y compris sur les
sujets difficiles où les positions peuvent transcender les clivages
politiques traditionnels ?
La rédaction proposée - qui
n'est qu'une ébauche, bien entendu - a en outre
l'intérêt d'être énoncée en terme de
résultats et non de moyens, laissant aux partis une large marge de
manoeuvre quant aux choix de leurs procédures internes, pourvu qu'ils
respectent l'obligation énoncée.
En l'état actuel, si une telle loi
constitutionnelle venait, par une sorte de miracle, à être
promulguée, aucun grand parti ne pourrait présenter de
candidats, et donc tous devraient se réformer vers plus de
démocratie interne. Gageons donc que cette proposition ne rencontrera
absolument AUCUN écho auprès de notre classe politique et de
ses grands partis !
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(*) Ron
Paul, représentant républicain du Texas
à Washington, n'a pas hésité à voter de
nombreuses fois contre les propositions de GW Bush lorsqu'il les
jugeait contraires à la constitution des USA, et a osé se
présenté aux primaires républicaines contre les
candidats de l'Establishment. Le parti républicain a tenté de
le punir et de lui faire perdre l'investiture de sa circonscription en lui
jetant dans les pattes un opposant "docile". Peine perdue, les
militants texans du GOP ont renouvelé leur confiance à Ron Paul
à plus de 70%, et renvoyé les apparatchiks de Washington à
leurs études. En France, une telle attitude vaudrait à
celui qui s'y risquerait une mort politique rapide, comme le montre le retour
dans le rang de Mariton, Debré and co lors du vote constitutionnel...
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A lire également: François
Goulard, député du Morbihan, dont on se demande
s'il finira comme Georges Mesmin à force de critiques qui doivent
sérieusement agacer son propre camp, estime que la réforme
votée le 21 juillet, je cite, "ne peut se
réclamer d'aucune cohérence avec des principes constitutionnels
reconnus. C'est un mauvais texte, et il est totalement déplacé
de parler à son propos de modernisation des institutions". Ce
n'est pas moi qui l'ai dit !
Vincent
Bénard
Objectif Liberte.fr
Egalement par Vincent Bénard
Vincent Bénard, ingénieur
et auteur, est Président de l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow de Turgot (Paris, www.turgot.org), deux thinks tanks francophones
dédiés à la diffusion de la pensée
libérale. Spécialiste d'aménagement du territoire, Il
est l'auteur d'une analyse iconoclaste des politiques du logement en France, "Logement,
crise publique, remèdes privés", ouvrage publié
fin 2007 et qui conserve toute son acuité (amazon), où il
montre que non seulement l'état déverse des milliards sur le
logement en pure perte, mais que de mauvais choix publics sont directement
à l'origine de la crise. Au pays de l'état tout puissant, il
ose proposer des remèdes fondés sur les mécanismes de
marché pour y remédier.
Il est l'auteur du blog "Objectif
Liberté" www.objectifliberte.fr
Publications :
"Logement: crise publique,
remèdes privés", dec 2007, Editions Romillat
Avec Pierre de la Coste : "Hyper-république,
bâtir l'administration en réseau autour du citoyen", 2003, La
doc française, avec Pierre de la Coste
Publié avec
l’aimable autorisation de Vincent Bénard – Tous droits
réservés par Vincent Bénard.
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