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L’accord recherché par le gouvernement grec repose sur une politique
construite sur deux pieds : afin de combattre la misère, la substitution aux
contraintes de la Troïka d’une nouvelle politique budgétaire, et la
réduction de l’endettement public pour le rendre soutenable. Dans les deux
cas, à la recherche de points d’appui, celui-ci entend porter le débat dans
toute l’Europe en mettant en cause la politique d’austérité et la stratégie
de désendettement qui en est à la source.
Victoire de Syriza ou pas, les faits sont là. Les projections d’excédent
budgétaire primaire sur lesquelles repose la politique des dirigeants
européens et du FMI – ces derniers plus circonspects – sont de circonstance :
des montants inaccessibles devraient être dégagés pour financer le
remboursement des dettes grecques. Selon le tableau d’amortissement, 13
milliards d’euros devraient être trouvés en 2019 et 18 milliards en 2039, ce
qui sans fard illustre que le problème de l’insolvabilité de la Grèce a été
repoussé à plus tard (réduisant à la misère une génération entière de Grecs
ou plus). En assouplissant déjà les modalités de remboursement des prêts des plans
de sauvetage, il n’a été fait que s’engager sur une voie qui ne peut être
que poursuivie. Les dirigeants européens s’y déclarent d’ailleurs prêts à
condition de ne pas procéder à un effacement de la dette, mais cette position
dite de principe cache autre chose et ne sera pas tenable, comme on
vient de le voir.
Présenté sans plus de réflexion comme ayant adopté une ligne qualifiée de
« dure », le gouvernement Syriza entend simplement être cohérent,
contrairement à ses interlocuteurs qui naviguent au plus près. Il promeut une
autre politique de relance économique, ouvrant le débat sur la meilleure
manière d’y parvenir, et entend réduire le poids de son endettement pour
atteindre des niveaux de remboursement vraisemblables. Pour leur part, les
dirigeants européens ne font pas preuve de réalisme, se refusant à considérer
que, dans les faits, leur seul choix réside entre une réduction négociée de
la dette ou un défaut intervenant tôt ou tard sur celle-ci, n’ayant
d’ailleurs rien à gagner de la réalisation de cette dernière hypothèse.
Proposant la tenue d’une conférence européenne sur la dette, le
gouvernement Syriza réclame pour sa part l’effacement d’un tiers de celle-ci,
un moratoire sur le payement des intérêts et des remboursements conditionnés
au taux de croissance du pays. Il souhaite aussi une révision à la baisse des
objectifs d’excédent budgétaire primaire et que les investissements publics
soient exclus des objectifs de déficit (une revendication partagée par Matteo
Renzi). En s’efforçant de trouver une solution ne reposant que sur l’aménagement
des maturités et des taux, qu’il préconise, l’Institut Bruegel a certes
calculé qu’il pourrait au maximum en résulter une économie de 31,7 milliards
d’euros. Mais sa démonstration n’a pas conforté ses intentions, car une telle
réduction ne rendrait toujours pas soutenable la dette grecque, si l’on en
considère l’incidence sur les échéances de remboursement ainsi que les
excédents budgétaires correspondants qui devraient être dégagés.
Au fil des mesures financières qui se sont succédées, la structure de l’endettement
grec a été considérablement modifiée. Après la mise en place de deux plans
de sauvetage successifs incluant des prêts publics massifs et une décote
de 50% des titres de la dette détenus par les créanciers privés, les
gouvernements européens se sont retrouvés être les principaux bailleurs de
fonds de la Grèce. Ils ont d’abord prêté 52,9 milliard d’euros à la faveur
d’opérations bilatérales, une fois empruntés sur le marché, puis apporté
141,9 milliards d’euros via le Fonds européen de stabilité financière (FESF),
en accordant à ce dernier leur garantie. Le FMI a également contribué à ce
financement sans précédent pour 31,8 milliards d’euros. Pour compléter la
liste des créanciers, la BCE et les banques centrales nationales ont acheté
sur le second marché pour 25 milliards d’euros de ses titres, et les banques
européennes ont par contre vu leur exposition à la dette publique grecque
fondre, passant de 62,9 milliards d’euros en 2010 à 3,5 milliards d’euros en
2014 (source OFCE).
Ce mécanisme a aboutit à rendre les États européens et l’Eurosystème
redevables de la dette grecque auprès des investisseurs privés, les
véritables bénéficiaires de « l’aide » apportée à la Grèce que
celle-ci doit rembourser, si l’on remet les choses à l’endroit. Comme elle ne
le pourra pas, les gouvernements créanciers ne peuvent qu’au mieux réduire
leurs pertes en acceptant de négocier une remise de peine, cette situation
qu’acceptent en désespoir de cause les banques lorsqu’elles ont abusivement
soutenu leur client. Mais ils ne veulent pas s’y résoudre et cherchent comme
toujours la solution par défaut qui consiste à gagner du temps, une routine
devenant lassante !
Pourtant, afin de refiler le mistigri au marché, la meilleure
solution ne serait-elle pas que les gouvernements fassent collectivement
défaut sur leur propre dette pour un montant correspondant à la décote
négociée de la dette grecque ? Cela leur éviterait de dresser comme un
épouvantail peu crédible la menace que les contribuables en fassent les
frais, car le pacte fiscal volerait en conséquence en éclats !
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