Article de Reuters, publié le 8 juin 2016 :
« Commerzbank, l’une des banques les plus importantes d’Allemagne,
envisage la possibilité de stocker des milliards d’euros dans des coffres
plutôt que de payer une pénalité pour le parquer à la BCE, d’après une source
proche du dossier.
Une telle décision d’une banque dans laquelle l’état allemand détient une
participation représenterait l’une des protestations les plus substantielles
à ce jour contre les taux ultras bas de la BCE, qui ont été critiqués par des
politiciens, y compris par le ministre des Finances allemandes Wolfgang
Schaeuble.
Même si aucune décision n’a encore été prise, l’institution financière a
tenu des discussions sur le sujet avec les autorités allemandes, d’après 2
officiels qui ont demandé à conserver l’anonymat en raison du caractère délicat
du dossier.
En réponse, un porte-parole de Commerzbank a déclaré que la banque ne
stocke pas d’argent liquide « pour le moment » tout en
refusant de commenter cette éventuelle possibilité. La BCE s’est également
abstenue de tout commentaire.
L’examen de pistes alternatives par Commerzbank intervient dans un moment
de frustration grandissante parmi les banques européennes à propos des frais
ponctionnés par la BCE sur les dépôts. Si elle devait se mettre à entreposer
de l’argent liquide à grande échelle, Commerzbank deviendrait la première
banque européenne majeure à prendre une telle décision. Si d’autres banques
devaient suivre, la politique de la BCE deviendrait de plus en plus inutile.
La BCE impose ce qu’elle appelle un taux négatif de 0,4 % sur tout dépôt
réalisé auprès d’elle. L’objectif est d’encourager les banques à prêter
l’argent plutôt qu’à le parquer.
Certaines banques se plaignent néanmoins du fait que les perspectives
économiques moroses signifient que la demande de crédit aux termes souhaités
est faible. Elles ont donc très peu d’options, si ce n’est parquet cet
argent.
« Les plans de Commerzbank montrent que les marchés financiers
sont un véritable foutoir, » a déclaré Gerhard Schick, du parti des
Verts. « Je préfère que la banque mette du liquide dans des coffres
plutôt que d’accorder des crédits douteux ou de payer des pénalités
d’intérêts à la BCE. »
Le mois dernier, Commerzbank a déclaré que les frais de la BCE ont rogné
son bénéfice. Le gouvernement allemand détient une participation de presque
16 % dans la banque basée à Francfort suite à l’opération de sauvetage
lancée après la crise financière.
Le ministre allemand des finances Schaeuble a déclaré en avril que les
taux planchers de la BCE engendrent des « problèmes extraordinaires »
pour les banques allemandes et les retraités, tout en risquant d’alimenter
l’euroscepticisme en Allemagne alors que la population s’est largement
tournée vers le parti de droite « Alternative pour l’Allemagne » durant
les élections régionales. (…)
Alors que la BCE a injecté plus d’un milliard d’euros d’argent frais dans
le système, argent qui s’est retrouvé vers des pays comme l’Allemagne
prospère, les banques parquent plus que jamais de l’argent à la BCE.
Les dépôts s’élèvent aujourd’hui à plus de 850 milliards d’euros, à un
coût considérable pour les banques. La demande de crédit dans la zone euro,
dont l’économie reste dans les limbes durant certains trimestres, n’a pas
grimpé malgré les mesures de la BCE. »
Sans le dire implicitement ou explicitement, Reuters explique également
pourquoi la BCE a décidé il y a peu de retirer de la circulation le billet de 500 € :
« Cette décision a un coût et représente un défi logistique qui
limite la quantité d’argent liquide qui peut être stockée. Par exemple,
stocker 2 milliards d’euros en billets de 200 € représente 11 tonnes de
papier. »