On peut le dire : c’est une belle victoire du terrorisme. Il aura certes fallu un massacre particulièrement violent, mais c’est fait, de façon rapide et définitive : l’État français a bel et bien plié, lamentablement, devant la peur, la corruption, la facilité et l’opportunisme.
Et c’est dans la nuit du 8 au 9 février que le législatif le plus lâche de la cinquième République aura choisi de servilement emboîter le pas à l’exécutif le plus veule (ou pas loin) que la France ait connu : l’Assemblée nationale a adopté ce lundi soir, à 103 voix pour, 26 contre et 7 abstentions, le premier article du projet de loi de révision constitutionnelle prévoyant l’inscription de l’état d’urgence dans la Constitution.
Difficile de savoir par quel bout commencer pour expliquer l’étonnement, que dis-je, la consternation qui envahit tout citoyen lucide lorsqu’on évoque le sujet.
Bien sûr, il y a le nombre de joyeux drilles conviés à ce massacre des libertés. Sur les 577 députés que les citoyens payent pour se déterminer, de façon claire, en leur nom, seuls 136 avaient jugé bon de participer au vote (moins d’un quart), et seulement 106 ont voté pour (moins d’un cinquième). Oui, vous avez bien lu : une révision majeure de la constitution a été votée par moins d’un cinquième des députés de la nation, députés qui, ensuite, viendront pleurnicher sur l’abstention toujours plus grande des citoyens (qui suivent donc leur exemple), et sur la baisse de plus en plus évidente de crédibilité de la parole publique (la leur).
Quelques voix se sont étonné, ont même ouvertement fustigé ce nombre aussi faible de députés présents pour un tel vote capital. Tant mieux. Mais le souci est qu’en réalité, ce genre de mésaventure n’est pas une exception, c’est la règle. On se souvient d’autres votes, tout aussi importants, qui furent expédiés nuitamment par une petite troupe d’élus plus ou moins heureux d’avoir réussi leur forfaiture discrètement.
D’ailleurs, on pourra observer que même le débat sur la déchéance de nationalité, bidule médiatique qui a bien mobilisé tout ce que le pays compte d’élus névrosés en déficit d’attention, n’a pas réussi à remplir l’hémicycle : 332 députés avaient jugé bon de faire le mariole ce jour-là pour cet abominable bricolage constitutionnel. Si ça fait presque trois fois mieux que pour la constitutionnalisation de l »état d’urgence, il reste encore 42% de députés en goguette. L’épidémie de piscine-poney bat son fort dans les rangs des élus actuellement…
Or, on peut tortiller les choses comme on veut, il reste incroyable que, dans une démocratie qui voudrait vaguement être représentative, on puisse faire passer des lois alors que des centaines de députés sont absents ; il semble invraisemblable qu’un quorum ne soit pas imposé, et que ne soit pas mis en place une ligne de conduite, ou, soyons fou, une certaine éthique de la part de ces élus que nous payons pour ça.
En outre, on doit se poser la question : en quoi le fait de modifier la constitution va-t-il aider la lutte contre le terrorisme ? En quoi les petites agitations de l’hémicycle permettent-elles actuellement de sécuriser un peu le territoire ? Encore une fois, au prétexte de mieux préparer le pays en cas de grave danger, en agitant le chiffon pratique d’un terrorisme qui continue, en France, de faire toujours moins de mort que le cancer, les accidents domestiques ou le chômage dont le gouvernement prétend s’occuper, encore une fois, on fait passer tout et n’importe quoi dans les textes…
Enfin, il y a le sujet lui-même.
Feindre de vouloir mieux définir l’état d’urgence dans la constitution, c’est surtout donner l’occasion de passer, en loucedé, des petits amendements scélérats. Et ça n’a pas loupé.
Puisqu’il fallait constitutionnaliser l’état d’urgence (ah bon ? Le fallait-il vraiment ?), c’est sans difficulté qu’un amendement fut déposé par un certain Sébastien Denaja et voté dans la foulée, disposant que « pendant toute la durée de l’état d’urgence, le Parlement se réunit de plein droit et l’Assemblée nationale ne peut être dissoute ».
Pendant l’état d’urgence, l’Assemblée ne peut être dissoute. Bah bien sûr.
Je me demande exactement ce qui peut motiver ce genre de modifications (ou quelle que modification que ce soit) lié à l’état d’urgence. De la même façon qu’on peut très bien imaginer moult situations où la dissolution de l’Assemblée pendant un état d’urgence aggraverait la situation, on peut en trouver tout autant où l’en empêcher rendrait la situation inextricable. Tripoter un texte aussi important à chaque événement aussi marquant soit-il, c’est la marque de fabrique de bricoleurs compulsifs qui croient faire mieux que leurs aînés en n’ayant jamais prouvé avoir seulement su faire aussi bien.
Parallèlement, on comprend aussi que l’état d’urgence annulera toute velléité de l’opposition de déposer un 49.3 qui ne servira, de fait, à rien du tout. Pratique pour tout excité qui voudrait tenter des aventures législatives amusantes.
Heureusement que nous avons de sérieux professionnels à l’Exécutif ! Si nous avions une bande de clowns et de corrompus, j’aurais été inquiet.
Mais le plus intéressant dans tous ces rebondissements constitutionnel, c’est le timing diabolique qu’on nous impose : il ne s’est pas passé trois mois pour que des modifications majeures de la constitution soient mises en place, que des milliers de perquisitions soient menées, que des kilomètres de texte de lois soient votés visant à mettre en coupe réglée tout ce que le citoyen pouvait avoir comme nouvelle liberté – notamment dans le domaine numérique – et réduire encore un peu tout ce qu’il avait encore comme maigres libertés par ailleurs. Trois mois.
Et puisqu’on parle timing diabolique, comment ne pas rapprocher ce qui vient de se passer, les bricolages constitutionnels en cours, et la nomination de Fabius au Conseil Constitutionnel ? Oh, rien de vraiment étonnant puisque cela faisait des semaines qu’on murmurait ce débouché pour le factotum apparemment en charge du ministère des affaires étrangères. Mais quand bien même, on admirera le petit côté cynique du président Hollande qui, d’un côté, fait modifier la constitution par une assemblée à sa botte (ou à peu près, quand elle est présente), et, de l’autre, nomme au Conseil, garant de cette constitution, un ministre qui n’a pas su prouver son innocuité, ni comme premier ministre, ni comme second.
Et enfin, sans doute par l’ironie d’un sort chafouin ou blagueur, on apprend que la République Irréprochable du président pédalophile a été obligée de reporter le procès en fraude fiscale de Jérôme Cahuzac, ex-ministre du gouvernement Ayrault, pour une question … de constitutionnalité bien sûr.
À mesure qu’ont crû les menaces sur la République, depuis les attentats jusqu’aux pertes de monopoles via internet en passant par l’effondrement de la crédibilité de la parole publique, l’exécutif, suivi de près par un législatif devenu simple chambre d’enregistrement, a été obligé de répondre, avec le seul outil à sa portée intellectuelle, dans un crescendo funeste : d’abord des décrets, des lois, puis des lois organiques et enfin le tripotage plus ou moins massif de la constitution. Incompétent dans trop de choses et maintenant dangereux dans toutes, le pouvoir passe ses nerfs et fait dans l’esbroufe médiatique en allant inscrire son inaptitude jusque dans le texte fondateur de la République…
Décidément, sujette à toutes les torsions et apte à tous les nettoyages, la Constitution est devenue la serpillière du clan Hollande.
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