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Economie: le
grand retour des stimulistes
Les médias, les économistes "bien en cour", et
certains politiciens nous affirment que "l'excès de rigueur des gouvernements
européens pourrait casser la reprise naissante".
Joseph Stiglitz (stimulitz
?), celui qui affirmait que Fannie Mae ne pouvait pas faire faillite,
ou un certain Olivier Blanchard, économiste en chef du FMI,
mènent la chorale anti-austérité, et sont cités,
repris, interprétés et souvent soutenus par tout ce que la
presse compte d'étatistes complaisants. L'ancien patron de
l'université d'Harvard, aujourd'hui conseiller de Barack Obama,
Lawrence Summers, réclame un second stimulus. Tim Geithner, le
secrétaire au trésor (stimulator
?), qui n'a pas peur du ridicule, vient faire la leçon aux
Européens pour leur dire de surtout ne pas casser la
"croissance" (laquelle ?) et d'envisager une reprise des politiques
de stimulation...
Pour cette école économique néo-keynesienne,
"stimuliste", hors de la dépense publique, point de salut !
Mais que vaut cette conjecture ? La rigueur publique serait-elle l'ennemie
jurée de la croissance ?
Quelques indices qui
permettent de douter
Avant d'aborder le fond de ces questions, commençons par un coup bas -il faut savoir rendre les coups
que les étatistes ne se privent pas de nous distribuer-,
en constatant que ce sont ces mêmes personnes qui affirmaient que sans
le premier plan de stimulation de l'économie, celle ci
s'arrêterait et que le chômage exploserait. Hélas pour eux
comme pour les autres, le résultat de leur "stimulation" n'a
pas été tout à fait celui qu'ils attendaient :
Bien sûr, "ils" rétorqueront que la prévision
initiale était sans doute trop optimiste et que "sans leur
stimulus, tout aurait été bien pire", mais tout de
même, un tel fourvoiement de leurs modèles devrait les inciter
à plus de modestie et peut à quelques remises en question...
De surcroit, on pourrait gloser à l'infini sur ce que ces gens
appellent une "reprise
naissante", et juste rappeler qu'en l'absence d'annonce
de politiques de rigueur par la plupart des grandes économies, la
perte de confiance des épargnants du monde entier dans certaines
dettes souveraines aurait déjà envoyé par le fond la Grèce,
et serait en train de découper la coque des autres paquebots bien
vermoulus de la vieille Europe, qui sont d'ailleurs bien loin d'avoir atteint
un port à l'abri des tempêtes, et je doute que cette perspective
ne soit un facteur de mise en confiance des agents économiques,
indispensable pour perpétuer la "reprise naissante".
Mais foin de sarcasmes, et examinons au fond pourquoi l'affirmation selon
laquelle la mise au régime sec des états casserait la
croissance est une contre vérité.
L'argent public ne
pousse pas sur les arbres
L'argent que les états dépensent provient -en temps normaux- soit
de l'impôt, soit de l'épargne que les investisseurs acceptent de
leur prêter. Sachant que les déficits sont aujourd'hui ce qu'ils
sont, une réduction de la dépense publique permettra de
redéployer une partie de l'épargne aujourd'hui investie en
dette souveraine vers d'autres placements émis par des entreprises
privées.
Notez que je n'envisage pas aujourd'hui l'hypothèse d'une baisse des
impôts, au sens des produits fiscaux. Non pas que des réformes fiscales
de très grande ampleur ne seraient pas
souhaitables dans les pays en grave difficulté financière, mais
il n'est que peu envisageable, aujourd'hui, d'abaisser significativement le
produit fiscal issu de ces réformes, tant que les déficits
seront ce qu'ils sont.
Certains économistes, d'inspiration keynesienne, ont de
l'épargne une vision négative. Ils semblent penser que "si
les gens épargnent, ils ne consomment pas", et qu'il vaut mieux
que l'état siphonne cette épargne, qui, selon eux, serait comme
morte, pour arroser l'économie en dépensant, dépensant,
dépensant. Avec l'économie Bisounours, tout devient simple...
Naturellement, cette affirmation ne résiste ni à l'analyse, ni
à l'observation. Car lorsque l'épargnant investit dans une
entreprise, que ce soit en lui prêtant, en investissant dans une action
existante ou en participant à une augmentation de capital, son argent change
de mains, et celui qui reçoit l'argent va lui même soit
dépenser, soit acheter des machines à un fournisseur qui lui
même, paiera des salariés qui à leur tour, consommeront,
et ainsi de suite.
Bref, l'épargne n'est que de la consommation légèrement
différée. Mais lorsqu'elle est dirigée vers des acteurs
économiques capable de l'utiliser pour améliorer soit leur
productivité, soit le spectre des offres possibles, créant de
nouveaux marchés, alors ces progrès de l'offre améliorent
tout à fait considérablement le pouvoir d'achat
de l'ensemble des agents économiques.
En contrepartie, si tout l'argent qui serait allé à ces
investissements était siphonné par l'état, dont la
capacité d'amélioration de la productivité est faible -la sienne comme celle du secteur
privé- et dont les investissements,
anémiques, se révèlent de surcroit fréquemment
peu inspirés (un exemple),
alors ce mouvement sain d'amélioration continue des offres serait
brisé.
Et voilà pourquoi il faut au contraire que les états rendent un
maximum d'argent à l'économie privée. Pourtant,
aujourd'hui, tant les politiques d'aspiration de l'épargne par la
dette publique que les menaces de hausses d'impôts marginaux sur les
revenus et la formation de capital tendent au contraire à
empêcher cette économie privée de faire les
investissements nécessaires pour améliorer son offre. La
"wealth machine" de nos sociétés est
étouffée par l'excès de dépense publique.
Objections courantes
A ces arguments de bon sens, que nous répondent les enfants spirituels
de Lord Keynes ?
"Oui, mais
dans un climat de peur, les gens achèteront de l'or, et ce ne sera pas
un investissement productif".
Pardon, mais le vendeur d'or, lui, fera quelque chose de la monnaie qu'il
recevra en échange de l'or dont il se séparera. L'objection est
donc rejetée d'un revers de manche. La seule épargne totalement
improductive, c'est celle qui dort en billets sous un matelas. Même un
compte en banque un peu trop garni "travaille", réserve
fractionnaire oblige. Vous en connaissez beaucoup, vous, des vieilles dames
qui dorment sur des matelas de pascals ?
"Oui, mais
si l'état dépense moins, il va créer du chômage en
licenciant des fonctionnaires et en réduisant les achats du public
vers le privé"
Certes, mais de toute façon, le jour d'une mise en défaut de
paiement, toute entité licencie et cesse de contracter avec des
fournisseurs. Bien sûr, l'état pourrait ne pas licencier et
arrêter de payer ses fonctionnaires, ce qui reviendrait au même,
financièrement parlant. C'est d'ailleurs le chômage partiel des
fonctionnaires que plusieurs états fédérés des
USA ont choisi pour tenter de rétablir leur équilibre
budgétaire.
Les emplois privés créés par l'investissement
privés seraient à terme plus nombreux et plus soutenables que
les mêmes emplois publics financés par le sur-endettement,
puisque beaucoup plus productifs.
Mais cette médaille a un revers: comme l'épargne est de la
consommation différée, les emplois nécessaires à
la satisfaction de ces besoins seraient créés avec un
léger retard par rapport aux emplois détruits dans la fonction
publique et dans les sociétés dépendant de leurs
contrats avec le secteur public, principalement dans le BTP ou l'armement.
Et cela, cela signifie de grosses difficultés politiques à court
terme, pour un redressement à long terme que les citoyens
électeurs ne croiront pas nécessairement. Ces
difficultés, les politiciens n'ont que rarement le courage de les
affronter.
Quelques
éléments empiriques supportant la thèse anti-stimulus
Le sceptique de passage me rétorquera que : "Tout cela, c'est de la
théorie, cher monsieur, et en quoi pouvez vous affirmer que les
vôtres sont supérieures à celles de MM. Stiglitz ou
Blanchard, qui ont des références que vous n'avez pas ?"
Et d'ajouter : "Mais
pouvez vous nier que les chiffres de reprise aux USA sont tout de même
bien réels" ? Après tout, on parle de rythmes annuels
supérieurs à 3%... N'est-ce pas la preuve que le Stimulus
n'aurait pas quelques effets positifs ?"
Tout d'abord, rien ne permettra de savoir quelle aurait été la
réaction de l'économie à l'absence de stimulus, ni
d'établir le sens et l'ampleur de la causalité entre stimulus
et croissance mesurée. Mais au delà de mes doutes sur la
durabilité de cette reprise, analysons plus en détail la
reprise en question: si l'on regarde les chiffres de croissance état
par état (voir la carte interactive du BEA)
aux USA, on constate que cette croissance se produit essentiellement dans les
états de la middle America, ceux qui taxent le moins l'économie
locale. Comment les thuriféraires du mieux disant dépensier
public justifient-ils que si l'on découpe le territoire
américain en entité plus fines, la carte de la reprise ne soit
pas la même que celle des dépenses publiques marginalement les
plus élevées ?
Plus précisément, depuis 2008, plus de 50% des emplois
nouvellement créés aux USA l'ont été au Texas,
état classé le plus "business friendly" par les chefs
d'entreprises. Certaines sources
évoquent même 70%, mais je n'ai pas pu remonter aux chiffres
officiels soutenant cette assertion. Mais même 50% reste un chiffre
très significatif, pour un état qui ne représente
"que" 8% de la population de l'union. Or, le Texas est
l'état ou le gouvernement local rajoute la plus faible couche
d'impôts locaux aux charges fédérales.
"Mieux" encore, si je puis dire. Une étude récente (PDF,
bonne
synthèse HTML) de la Harvard Business School et du
National Bureau of Economic Research (NBER) montre que lorsqu'un politicien
d'un état devient président d'une grande commission
sénatoriale (une de celle qui a de grosses enveloppes de subventions
discrétionnaires à attribuer, "pork barrel" spending, en
argot local), alors, sans surprise, l'état d'origine voit les
subventions du congrès se déverser en plus grande
quantité dans ses coffres, de 20% (pour une commission de la chambre
des représentants) à 50% (présidence d'une commission
sénatoriale). Rien de nouveau, nous connaissons ce
phénomène.
Mais alors se produit un phénomène que les néo-Keynesiens
devraient là aussi peiner à justifier: Durant la période
où l'édile reste en charge de la grosse commission, les
entreprises tendent à réduire leur investissement de 15% !
C'est d'autant plus étonnant que ce stimulus là, uniquement
constitué de subventions fédérales, ne modifie pas les
prélèvements locaux, toutes choses égales par ailleurs.
Les interprétations de ce résultat sont multiples*, mais la
principale hypothèse des auteurs (Cohen, Coval et Malloy) est que le
"stimulus" ponctuel crée un appel d'air pour des
dépenses locales publiques tout à coup devenues
finançables, et que ces dépenses publiques provoquent une
éviction de l'investissement privé simplement parce que la
demande de certains postes d'investissement étant artificiellement
augmentée, les prix font de même d'autant, rendant les
investissements privés moins rentables. En outre, les secteurs non
subventionnés tendent réduire leurs ventes, puisque leur offre
est en compétition avec des secteurs subventionnés pour
conquérir le portefeuille de la ménagère. Par
conséquent, tant les secteurs subventionnés (parce qu'ils ont
de l'argent qui tombe du ciel) que les secteurs qui ne le sont pas (parce que
leur clientèle leur est volée par les subventions qui vont
ailleurs) ont moins d'incitation à former du capital par leurs propres
moyens.
Or, l'investissement privé, malgré les inévitables
erreurs de jugement que les agents économiques font parfois, est
globalement bien plus producteur de richesse sur le long terme que la
dépense publique.
Pis même, de nombreux programmes d'investissement publics, mal
gérés, engendrent par la suite des frais de fonctionnement
élevés qui conduisent les villes et états à
relever leurs taxes simplement pour pouvoir les faire tourner. Le
résultat est qu'une fois que l'élu quitte la présidence
de sa commission, alors que le flux d'argent public de Washington retrouve
des valeurs "médianes", l'investissement privé ne
retrouve son niveau d'origine qu'avec un décalage dans le temps.
La conclusion empirique de Cohen, Coval et Malloy est claire, et je la
résume ainsi: "Les
données disponibles montre que l'arrosage d'argent public ne stimule
pas le développement du secteur privé par l'investissement".
Voici
leur conclusion en V.O:
This
paper provides a new empirical approach for identifying the impact of
government spending on the private sector. Using changes in congressional
committee chairmanship as a source of exogenous variation in state-level
federal expenditures, we find that fiscal spending shocks appear to significantly
dampen corporate sector investment activity. Specifically, we find
statistically and economically significant evidence that firms respond to
government spending shocks by:
i.) reducing investments
in new capital,
ii.) reducing
investments in R&D, and
iii.) paying out more to
shareholders in the face of this reduced investment opportunity set.
Further, we find that
when the spending shocks reverse (through a relinquishing of chairmanship),
most all of these behaviors reverse. Finally, we also find some evidence that
firms scale back their employment, and experience a decline in sales growth.
Our findings demonstrate that new considerations — quite apart from the
standard interest rate and tax channels — may limit the stimulative capabilities
of government spending.
L'économie stimulée prélève donc une taxe sur
l'avenir pour adoucir le présent.
Ce résultat empirique est cohérent avec plusieurs autres
recherches plus anciennes déjà citées ici, et notamment celle de J. Gwartney et al.
pour l'OCDE**: les états dont les taux de dépense publique sont
les moins élevés tendent à avoir des taux de croissance
plus élevés, quand bien même d'autres facteurs peuvent
amplifier ou au contraire contrarier cette tendance.
Enfin, je ne puis passer sous silence le récent papier de Rogoff
et Reinhart, dont toute l'éconosphère a
parlé, qui constate empririquement - sans l'expliquer - qu'à
partir de 90% de dette publique, au moins un point de croissance est perdu.
Sur le continent Européen, les résultats les moins mauvais
durant la crise ont été obtenus par la Pologne (bonne synthèse ici)
et la Suisse (budget excédentaire, déflation de 1.4%,
prélèvements obligatoires de 30% du PIB...). Deux pays qui ont
refusé toute fuite en avant dans la relance, préférant
se montrer ferme sur les dépenses pour compenser les déficits
liés à la brutale chute des rentrées fiscales née
de la crise.
L'on pourrait multiplier ad infinitum les exemples empiriques de mise en
échec de l'école économique stimuliste.
Cesser
d'étouffer l'économie privée, un impératif
Réduire significativement l'embonpoint de la dépense publique
réduirait certes le pouvoir d'achat des employés publics,
augmenterait certes, en cas de licenciements bruts de focntionnaires, le
chômage parmi une population qui n'y est pas du tout intellectuellement
préparée, ce qui n'est pas négligeable et obligera
les gouvernements à gérer cette restructuration intelligemment.
En ce sens, à très court terme, les keynesiens ont
raison: l'effort d'adaptation à la nouvelle donne
coûterait quelques dixièmes de points de PIB au départ.
Mais cela donnerait au secteur privé un formidable message
d'encouragement à l'investissement:
"A
partir de maintenant, l'état cessera de siphonner l'argent dont vous
avez besoin pour grandir. L'état cessera de compromettre l'avenir en
s'exposant à un défaut de paiement. L'état cessera
d'augmenter son matraquage fiscal pour boucher les trous qu'il creusait
jusqu'ici dans un grand élan citoyen, festif et solidaire".
Au contraire, le maintien de politiques de fuite en avant dans l'endettement
ne fera que créer l'illusion de la croissance pendant quelques mois,
provoquera quelques bulles (consommation, financières) insoutenables,
et génératrices à terme d'une inflation mortelle pour
les moteurs privés de création de richesse.
Le
"redressement sans douleur" est une vue de l'esprit
Mais face à cette voie saine mais difficile de redressement, les
politiciens voudraient qu'il existe une alternative sans douleur ni risque
électoral. Le marché politique étant ce qu'il est, il y
a donc des économistes vivant du conseil aux politiques qui se sont
fait les chantres de la sortie de crise facile, sans drame social, dans la
joie et la bonne humeur.
"Stimulez, relancez, il en restera toujours quelque chose !",
semblent ils nous dire. Et lorsque la dette deviendra insoutenable ? "Un
p'tit coup d'inflation, et hop, oubliée, la dette !".
La croyance - sincère
ou feinte, vaste débat...- des
"stimulistes" et des politiciens qui les écoutent est qu'il
serait possible de se sortir du piège de la dette publique
sans effort, qu'un petit coup d'inflation à 4-5% pendant 5 ans, avec
un retour de la croissance - qui
viendrait d'on ne sait où, mais passons... -
réduirait suffisamment la dette, en termes relatifs, pour voir
l'avenir en sifflotant, avec juste quelques réajustements en douceur
des périmètres et modes d'action des états providence.
C'est notamment la thèse défendue par Olivier Blanchard,
déjà cité.
Evoquons le risque inflationniste que comporte ce raisonnement. Ni O.
Blanchard, ni B.Bernanke, ni personne, ne dispose d'une manette permettant de
régler avec certitude le niveau d'inflation. Quelle quantité de
monnaie les banques centrales doivent elles imprimer sans contrepartie de
valeur pour que l'inflation reparte, atteigne les 5% voulus, et surtout ne
s'emballe pas dans une spirale de perte de contrôle où la valeur
annuelle de l'inflation oscillerait de façon totalement
imprévisible entre 8 et 20%, sans même parler d'hyper-inflation
?
Observons ce qui s'est passé aux USA: la politique de Quantitative
Easing mise en oeuvre de la fin 2008 à maintenant n'a pas
provoqué de hausse des prix à la consommation, et n'a pas
empêché une chute du crédit privé. En revanche,
elle a sans aucun doute contribué à l'incroyable
remontée des marchés d'actions depuis le point bas de mars
2009. Lorsque la
banque centrale créée de la monnaie artificielle, elle
contrôle plus ou moins la quantité de monnaie
créée, mais pas la destination de cette monnaie.
Mais puisqu'un Q/E de cette ampleur ne produit pas, pour l'instant, l'inflation
attendue par les Cassandre, combien de monnaie additionnelle faudra-t-il
injecter dans les circuits financiers pour parvenir aux niveaux d'inflation
souhaités ? Et dans ce cas, ne risque-t-on pas de rencontrer un point
d'inflexion fatal transformant la création de bulles d'actifs en
inflation généralisée et incontrôlable ?
Dans un cas pareil, tout calcul économique à long terme devient
impossible: les banques ne peuvent plus prêter sans prendre
d'énormes marges de sécurité, les politiques d'investissement
des entreprises deviennent plus frileuses... Le risque devient alors que les
états voient leurs assiettes fiscales s'effondrer, les forçant
à accélérer les politiques de monétisation des
dettes, et ainsi de suite.
Et qui peut sérieusement croire que 4 ou 5 ans d'inflation
supérieure à la normale n'entraîneraient pas une relance
des revendications salariales publiques (et privées également,
d'ailleurs) ? Une politique de réduction des déficits serait
alors bien plus difficile à vendre que dans un contexte de relative
stabilité des prix...
Avant qu'une hyper-inflation ne se produise, nul doute que des
événements plus ou moins brutaux ne viennent à changer
l'inflexion des politiques de "relance par le surendettement". Les
banques centrales devraient relever leurs taux à un moment ou un
autre, peut être plus brutalement que d'habitude. Les divergences au
sein de la zone Euro seront telles que certains gouvernements seront soumis
à une pression populaire très forte pour en sortir. On voit mal
les Allemands accepter un retour vers une monnaie "Weimar" sans
réagir, encore qu'en la matière, des mauvaises surprises sont
toujours possibles. Après tout, je croyais moi même que l'Allemagne
réussirait à s'opposer à toute
vélléité de monétisation des dettes
européennes, et je me suis trompé.
Mais quand bien même l'inflation resterait sous contrôle
grâce à la science infuse des banquiers centraux, que j'aurais
alors sous estimée, il n'en restera pas moins que si on se
réfère aux multiples observations empiriques du passé,
le siphonnage de l'épargne opéré à la fois par
l'endettement de l'état et par l'inflation réduira de
façon considérable les capacités d'investissement des
agents économiques privés, par effet d'éviction. Et sans
croissance, pas de financement des déséquilibres
démographiques et donc des retraites, pas de résorption du
chômage, pas d'accroissement du niveau de vie, pas de moyens
d'affronter les défis du futur...
Sortir de
l'économie du stimulus permanent
Le redressement facile, décontracté et joyeux grâce
aux stimuli budgétaires et au retour de l'inflation que nous vendent
les éco-stimulistes est une vue de l'esprit, pour une seule raison: la
crise a commencé quand nous avons accumulé des excès de
dettes, publique comme privée, et ces excès devront être
purgés d'une façon ou d'une autre. Tant que le bilan des entreprises,
des ménages et des états n'aura pas été assaini,
aucun redémarrage soutenable ne sera possible. L'économie dans laquelle
nous avons vécu ces dernières années est celle du
stimulus permanent. La croissance que nous avons ainsi
achetée à crédit était factice, et il en ira de
même avec celle qui viendrait des stimuli à venir si nous
écoutions leurs hérauts. Toute dette finit par devoir
être payée par quelqu'un, d'une bonne ou d'une mauvaise
façon, et au delà d'un certain seuil, la douleur est
inévitable.
Non, une réduction drastique des dépenses publiques ne cassera
pas la croissance à long terme, même si elle fera un peu mal
à court terme à quelques uns. Non, de nouveaux plans de relance
ne feront aucun bien durable à l'économie. Oui, la rigueur pour
le secteur public est le seul moyen de remettre en marche le seul vrai moteur
de progrès à long terme de l'économie, celui de
l'investissement privé productif. Faire croire aux gens qu'ils
pourront surmonter cette crise comme si elle n'existait pas est une
escroquerie démagogique qui risque d'être très lourde de
conséquences.
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* Pour ma part, j'ai
bien une autre explication d'ordre plus général, cf. cette récente note: toute intervention
clientéliste de l'état dans l'économie porte en elle le
germe de sa déstabilisation par rapport à une économie
d'échanges libres et sans distorsion publique.
** Cette recherche a
analysé les couples "dépenses publiques-croissance"
de plus de 20 états sur 40 années, les dernières se
terminant avant l'an 2000. Par conséquent, le résultat n'est
pas biaisé par la décennie 1998-2008, où la bulle
immobilière sans précédent a conduit à surestimer
les chiffres du PIB et à sous estimer l'inflation
réelle.
Vincent
Bénard
Objectif Liberte.fr
Vincent Bénard, ingénieur
et auteur, est Président de l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow de Turgot (Paris, www.turgot.org), deux thinks tanks francophones
dédiés à la diffusion de la pensée
libérale. Spécialiste d'aménagement du territoire, Il
est l'auteur d'une analyse iconoclaste des politiques du logement en France,
"Logement,
crise publique, remèdes privés", ouvrage publié
fin 2007 et qui conserve toute son acuité (amazon), où il
montre que non seulement l'état déverse des milliards sur le
logement en pure perte, mais que de mauvais choix publics sont directement
à l'origine de la crise. Au pays de l'état tout puissant, il ose
proposer des remèdes fondés sur les mécanismes de
marché pour y remédier.
Il est l'auteur du blog "Objectif
Liberté" www.objectifliberte.fr
Publications :
"Logement: crise publique,
remèdes privés", dec 2007, Editions Romillat
Avec Pierre de la Coste : "Hyper-république,
bâtir l'administration en réseau autour du citoyen", 2003, La
doc française, avec Pierre de la Coste
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