Article de Doug Casey, publié le 8 avril 2016 sur The International Man (traduction condensée) :
« L’histoire se répète. Vous avez déjà entendu cet axiome. C’est
vrai, mais jamais de façon identique. Pour tirer les leçons du passé, nous
devons être en mesure de comprendre les différences du présent.
Pendant la révolution américaine, les Britanniques arrivèrent fin prêts
pour gagner une guerre, mais face à une armée européenne. Leurs formations,
dotées d’une puissance de feu remarquable, et leurs uniformes rouges, qui
mettaient en évidence leur nombre, furent exactement l’opposé de ce qui était
nécessaire pour gagner une guerre de guérilla.
Avant la Première Guerre mondiale, la cavalerie était pour les généraux
leur arme maîtresse. Mais dans les tranchées, les cavaliers se révélèrent
plus qu’inutiles.
Avant la Seconde Guerre mondiale, dans l’anticipation d’une attaque
allemande, les Français battirent « l’infranchissable » ligne
Maginot. L’histoire s’est répétée et l’attaque eut lieu, mais pas comme
anticipé. Les préparatifs furent inutiles car les Allemands n’ont pas tenté
de la franchir ; ils l’ont simplement contournée et la France fut
vaincue.
Les généraux ne se préparent en fonction de la dernière guerre par
stupidité, mais tout simplement car cette expérience est la seule chose sur
laquelle ils peuvent se reposer. La plupart d’entre eux ne savent pas comment
interpréter cette expérience. Ils ont raison de se préparer pour une nouvelle
guerre, mais ont tort de se reposer sur ce qui a marché auparavant.
Les investisseurs semblent faire la même erreur. Si nous avons connu la
prospérité durant les 30 dernières années, ils prennent leurs décisions en
vue d’une prospérité à venir. Leur parler de dépression aujourd’hui ne les
touche pas vu que la situation actuelle est tellement différente de celle des
années 30. Vu qu’ils ne voient pas les symptômes des années 30, ils ne
peuvent concevoir une dépression. Simplement parce qu’ils savent à quoi
ressemble une dépression du passé, mais pas du présent. Il est difficile de
visualiser quelque chose que vous ne comprenez pas. (…)
Pour définir les différences probables entre cette dépression et la
dernière, il est utile de comparer la situation d’aujourd’hui et du début des
années 30. L’exercice est tout sauf rassurant.
Faillites d’entreprises
Durant les années 30, les banques, les sociétés d’assurances et les
grandes entreprises finirent en nombre au tapis. Les institutions ont payé
les conséquences de leur erreurs, aucun filet de sécurité n’existant pour
venir à leur rescousse. Seules les sociétés préparées et efficaces
survécurent, les autres disparurent.
Aujourd’hui, les institutions financières du monde sont dans une situation
pire que durant les années 30, mais aujourd’hui les règles du jeu ont changé.
Tout le monde s’attend à ce que le gouvernement « intervienne ». De
nombreuses lois sont déjà en place qui non seulement autorisent, mais
obligent le gouvernement à intervenir dans de nombreux cas. Cette fois, les
erreurs seront mutualisées. Les sociétés fortes, productives et efficaces
seront obligées de subsidier leur antithèse. Il est ironique de noter que les
sociétés qui tombèrent en faillite durant la dernière dépression le furent en
raison de prix trop bas ; cette fois, ce sera parce qu’ils sont devenus
trop élevés.
Chômage
Si un travailleur perdait son travail dans les années 30, il devait en
trouver un autre le plus vite possible pour manger. Beaucoup de salariés
étaient en concurrence pour obtenir les quelques postes disponibles. Les
travailleurs étaient donc prêts à travailler plus dur, et pour moins cher,
par rapport à avant. Cette baisse des salaires a permis aux employeurs
d’embaucher et de ne pas faire faillite.
Aujourd’hui, la plupart des travailleurs disposent d’allocations de
chômage durant quelques mois. Après quoi ils peuvent bénéficier d’autres
aides sociales lorsqu’ils ne trouvent pas un emploi qui leur convient. Au
lieu de prendre le premier emploi qui se présente, beaucoup de travailleurs
préfèrent bénéficier des allocations sociales. Pourtant, le salaire minimum
empêche l’exploitation des travailleurs. Résultat des courses, le chômage ne
baisse pas et les entreprises tombent en faillite.
Allocations sociales
Dans les années 30, en cas de coup dur le travailleur avait très peu
d’alternatives si ce n’est compter sur l’aide de sa famille, d’amis ou d’un
organisme local (paroisse, Armée du Salut, etc.). Il y avait une certaine
honte à demander une telle aide, elle se faisait uniquement en cas de
nécessité. Les soupes populaires furent plus des mesures cosmétiques pour
calmer la populace. Très peu de gens ont bénéficié d’allocations sociales durant
la dernière dépression.
Aujourd’hui, il est difficile de concevoir comment ceux qui travaillent
encore vont payer pour les chômeurs. Même aux États-Unis, 50 % de la
population bénéficie d’une façon ou d’une autre d’une aide sociale. Mais les
food stamps, les allocations familiales, la sécurité sociale et les
programmes locaux s’effondrent déjà en temps de prospérité. Lorsque la lame
de fond arrivera, ils seront complètement submergés. Il n’y aura pas de
soupes populaires parce que les gens qui bénéficieront d’une aide alimentaire
iront faire leurs courses au supermarché comme tous ceux qui ont gagné leur
argent. (…)
Régulations
Depuis les années 1900, la plupart des économies sont assez lourdement
régulées. Ces régulations provoquent des distorsions qui ont exacerbé la
gravité de la dernière dépression. Au lieu de favoriser la liquidation de
l’économie, le régime Roosevelt a rajouté des tas de règles, déterminant les
prix, les salaires, etc. C’est notamment en raison de ces régulations que les
problèmes ont perduré jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, qui a
sauvé l’économie américaine à travers la réévaluation massive de sa devise.
(…)
Le nombre de nouvelles agences gouvernementales créées depuis la dernière
dépression a engendré encore plus de distorsions. (…)
Fiscalité
L’impôt sur le revenu a fait son apparition en 1913. En 1929, le taux
maximum était de 23,1 % pour les revenus qui dépassaient le million de
dollars. Le revenu moyen des familles étaie de 2335 $, ce qui découlait sur
une imposition d’un 10e de 1 %. À l’époque, il n’y avait pas de prélèvements
pour la sécurité sociale, pas de taxes d’État, pas de TVA, pas de taxes
foncières. La plupart des gens ne payaient pas l’impôt sur le revenu car ils
gagnaient moins que le minimum requis, ou ils ne prenaient tout simplement
pas la peine de les déclarer. Sous Roosevelt, le taux d’imposition moyen est
passé de 1,35 à 16,56 %, une augmentation de 1100 %.
Aujourd’hui, tout le monde paye des impôts sur le revenu, ainsi que bien
d’autres taxes. Dans la plupart des pays occidentaux, les taxes, directes et
indirectes, s’élèvent à plus de 50 %. Pour cette raison, il semble
difficile de concevoir une fiscalité beaucoup plus élevée. Mais en raison de
l’inflation, on se retrouve plus facilement dans les tranches d’imposition
plus élevées. La sévérité de la dépression pourrait être atténuée par
l’évasion fiscale grandissante.
Prix
Durant les années 30, les prix chutèrent lourdement car des milliards de
dollars se volatilisèrent. Le gouvernement tenta tout de même de faire
baisser les prix en massacrant du bétail, en jetant du lait, etc. (…)
La dépression des années 30 fut un effondrement déflationniste. C’est
probablement ce qui déstabilise le plus les Américains, qui pensent que
dépression = déflation. C’est probablement la plus grosse différence entre la
dernière dépression et celle d’aujourd’hui.
Aujourd’hui les prix pourraient baisser, mais le gouvernement dispose de
bien plus d’armes pour soutenir l’économie. Il peut renflouer les banques,
favoriser le crédit hypothécaire pour doper l’immobilier, etc. Des trillions
seront créés pour éviter la déflation. Mais si vous trouvez des pommes à
vendre, elles ne seront pas à 5 centimes mais plutôt à 5 $. Les vendeurs de
pomme ne seront pas nombreux à cause de la sécurité sociale, tout comme les
pommes ne seront pas nombreuses en raison des contrôles des prix instaurés.
Les prix finiront probablement par exploser pour déboucher sur une
dépression inflationniste. Dans les années 30, ceux qui possédaient des
dollars étaient les rois. Cette fois-ci, ceux qui en possèdent seront
laminés.
Société
Le monde rural et les petites villes prédominaient. Les communications
étaient lentes, les gens avaient tendance à faire confiance aux médias. Le
gouvernement exerçait de fortes pressions morales et les gens avaient
tendance à l’écouter. Les gens qui avaient réussi étaient respectés. C’était
un environnement plus calme qu’aujourd’hui, ce qui n’a pas empêché des
émeutes et des troubles sociaux.
Aujourd’hui, la vie urbaine domine. Même si les communications sont
rapides, les contacts sociaux se sont réduits. Les médias sont regardés avec
suspicion. Le gouvernement est plus perçu en tant qu’un adversaire qu’un
arbitre accepté par la population. Les hommes d’affaires sont perçus en tant
que prédateurs sans scrupules qui abusent des faibles.
Une crise financière dans l’environnement actuel pourrait avoir des
conséquences explosives dans certains pans de la société. (…)
Marchés financiers
On identifie la dernière dépression à l’effondrement de 90 % de la
bourse entre 1929 et 1933. Une obligation sûre était le meilleur
investissement possible vu que les taux baissèrent radicalement. Les matières
premières chutèrent, laissant des millions de fermiers au stade de la
subsistance. L’immobilier fut stable en raison des taxes foncières faibles et
de l’absence de crédit hypothécaire sur les propriétés.
Cette fois-ci, les actions et surtout les matières premières devraient
exploser alors que les gens tenteront de se débarrasser du dollar qui se
déprécie, et surtout de leurs obligations. L’immobilier, avec celles-ci, sera
le secteur économique le plus dévasté car personne ne souhaitera prêter de
l’argent à long terme alors que l’immobilier dépend des crédits
hypothécaires.
Ceux qui investissent comme il avait fallu le faire dans les années 30
seront déçus des résultats. La plus grande similarité, par contre, et que le
niveau de vie va baisser spectaculairement. La grande dépression 2.0 a
commencé, même si la plupart des gens l’ignorent. (…) »