Je
me poserai aujourd’hui trois questions dont les réponses sont très faciles à
comprendre.
- Par
quoi sont causées les bulles ?
- Quand
explosent-elles ?
- La
Fed peut-elle les prévenir ?
Le garçon qui criait à la bulle
Avant de répondre à ces questions (auxquelles vous avez
peut-être déjà les réponses), tournons-nous vers ce que la Fed de Dallas a à
dire des bulles dans son rapport Globalization and Monetary Policy Institute Working Paper No. 167,
intitulé "The Boy Who Cried
Bubble" (le garçon qui criait à la bulle),
par Yasushi Asako et Kozo
Ued.
Cet article fait 44 pages. Dans le paragraphe d’ouverture,
à la page 2, les auteurs écrivent que ‘l’Histoire est truffée d’exemples de
développements et d’éclatements de bulles. L’un des exemples les plus
notoires est la crise financière qui a commencé en été 2007. Nous n’avons en
revanche que des connaissances limitées du processus de développement des
bulles et de la manière dont les empêcher de se produire’.
On pourrait très bien s’arrêter de lire dès la deuxième
page et être certain que ce qui suit ne peut possiblement être autre chose
que platitudes et formules mathématiques incompréhensibles.
Et c’est précisément le cas. Les formules mathématiques
commencent dès la page 5 et se prolongent jusqu’à la fin du document.
En voici un exemple tiré de la page 7 :
Les autres pages sont tout aussi incompréhensibles à
quiconque si ce n’est le plus geek des geeks. En voici un autre exemple tiré
de la page 39 :
Jouer à cache-cache derrière des mathématiques insensées.
Il ne fait aucun doute que certains geeks comprennent les
formules développées par Yasushi Asako et Kozo Ued.
Il n’en est pas moins qu’il ne s’agit de rien de plus que
de formules insensées, au vu de la manière dont est conclu le paragraphe
d’ouverture : ‘Nous n’avons en revanche que des connaissances limitées
du processus de développement des bulles et de la manière dont les empêcher
de se produire’’.
Quel goût !
D’où viennent les bulles ?
Toutes les bulles de l’Histoire ont commencé par une expansion
effrénée de la masse monétaire et du crédit, une manipulation des taux
d’intérêt ou une promotion de programmes de création de quelque chose à
partir de rien par les gouvernements.
C’est vrai pour la bulle sur les tulipes jusqu’à la bulle
du Mississippi, en passant par le krach de 1929 et la bulle sur l’immobilier.
La mania sur les tulipes était par exemple le fruit d’une
manipulation des contrats à terme et des actions (crédit avec effet de
levier) accompagnées d’une modification de la législation relative aux
contrats à terme par les Pays-Bas en 1636.
Pour plus d’exemple, ainsi qu’une discussion sur la bulle
du Mississippi, voyez ce lien : Why does
fiat money seemingly work?
L’auteur, ‘Trotsky’, est un
alias volontairement sarcastique de Pater Terebrarum,
du blog Acting Man.
Dissection de la bulle de l’immobilier promue par la Fed
Tout au long de l’Histoire, et jusqu’en 2007, ceux qui ont
été à l’origine des bulles ne les ont pas vues venir.
Elles auraient dû être faciles à déceler sur le marché de
l’immobilier américain. Tous ceux qui étaient en mesure de respirer ont pu
obtenir un prêt. Les prix des maisons ont atteint trois fois l’écart-type
avec les loyers.
Et pourtant, Bernanke n’a pas vu
la bulle sur l’immobilier arriver.
Comment cela est-il possible ?
La Fed n’a observé ni l’inflation des prix ni les prix de
l’immobilier. Plutôt que de se concentrer sur l’Indice du prix des biens
immobiliers et des autres indices qui présentaient tous les signes d’une
bulle, la Fed s’est concentrée sur l’Indice équivalent loyer.
Vous trouverez une discussion pertinente sur le sujet
ici : Dissecting the Fed-Sponsored Housing Bubble
Croissance
comparée de l’Indice du prix des biens immobiliers et de l’Indice équivalent
loyer
Entre 1994 et 1999, les deux indices sont restés très
proches. Mais tout a changé en 2000 avec l’éclatement de la bulle sur la
dot-com. La divergence s’est ensuite accélérée après que Greenspan ait
commencé à faire baisser les taux.
La bulle est évidente, mais ni la Fed de Greenspan ni
celle de Bernanke ne l’ont vue arriver. La Fed
était trop occupée à utiliser les loyers comme mesure de l’inflation pour se
pencher sur les prix de l’immobilier.
Taux des fonds fédéraux versus IPC et Indice du prix des
biens immobiliers-IPC
Le graphique ci-dessus montre ce qu’il se passe quand les
prix de l’immobilier remplacent ceux des loyers dans l’Indice des prix à la
consommation. En 2004, l’IPC était de 3,27%, l’Indice du prix des biens immobiliers-IPC de 5,93% et les taux
des fonds fédéraux de seulement 1%. De mon point de vue, les taux d’intérêts
réels étaient de -4,93%. Sur le marché de l’immobilier, la spéculation était
rampante.
En 2008, alors que tout le monde se souciait de
l’inflation parce que le prix du pétrole avait atteint les 140 dollars, j’ai
suggéré des taux d’intérêts plus bas que jamais au travers de la courbe des
rendements. A l’époque, l’IPC était proche de 6%, mais était de près de 0% (et continuait de
chuter).
Mesurés en fonction de l’Indice du prix des biens immobiliers-IPC, les taux d’intérêts réels
étaient positifs de 2006 jusqu’en 2010, même après que les taux des fonds
fédéraux aient atteint 0,25%. Voilà qui démontre la puissance de
l’effondrement de l’immobilier.
Les taux réels sont redevenus positifs entre mi-2010 et le
début de l’année 2011.
Variances de l’IPC et de l’Indice du prix des biens
immobiliers-IPC avec les taux des fonds fédéraux
Le graphique ci-dessus présente les taux des fonds
fédéraux réels (ajustés à l’inflation) mesurés par la soustraction de l’IPC
aux taux des fonds fédéraux, et par la soustraction de l’Indice du prix des biens immobiliers-IPC.
Avec la récente hausse des prix de l’immobilier, l’Indice du prix des biens immobiliers-IPC
est de 2,78% alors que l’IPC est de 1,76% (chiffres de novembre).
De mon humble avis, l’inflation est sous-estimée d’un
point de pourcentage. L’inflation mesurée par l’expansion de crédit est une
toute autre histoire.
Variances
entre l’IPC et l’Indice du prix des
biens immobiliers-IPC
Le graphique ci-dessus présente la différence entre l’IPC
et l’Indice du prix des biens
immobiliers-IPC. Notez que l’écart le plus large marque le lancement de la
bulle sur le marché immobilier en 2005.
Trop bas, trop longtemps
En clair, la Fed a maintenu les taux d’intérêts trop bas,
trop longtemps, et a alimenté l’inflation des actifs et l’expansion du
crédit.
Les politiques gouvernementales, et principalement la
‘société de propriétaires’ du président Bush, couplées aux programmes
d’immobilier abordable et de la promotion de prêts aux taux d’intérêts
variables et de produits dérivés par Greenspan n’ont été que la cerise sur le
gâteau.
Quand
explosent-elles ?
Contrairement à ce que suggèrent Yasushi Asako et Kozo Ued, je suis d’avis que nous en savons long sur le
processus d’éclatement des bulles. Voici une réponse très simple :
Les bulles explosent quand la masse des idiots se tarit.
C’est aussi simple que ça.
Gardez à l’esprit que prédire l’éclatement d’une bulle est
une tâche difficile, mais qu’il existe des indices. La bulle sur l’immobilier
a éclaté un mois après que les gens aient commencé à faire la queue ou jouer
à la loterie pour une chance de pouvoir acheter un appartement en Floride.
Question de sentiment
Le sentiment peut toujours devenir plus extrême (jusqu’à
ne plus le pouvoir). J’ai utilisé le sentiment pour annoncer le pic de la
bulle sur l’immobilier en été 2005. En voici une brève historique. Depuis lors, j’ai mis à jour le graphique à
de nombreuses reprises.
J’ai aussi vu arriver le pic du marché des actions de 2007
à quelques points de pourcentage. Voir Quotes of the Day / Top Call
Ceci dit, il est facile de s’imaginer que le sentiment ne
puisse devenir plus extrême alors qu’il le peut encore. Je me suis par
exemple trompé le 3 février 2003 en écrivant Extreme Sentiment: Barron's Cover "Get Ready for Record Dow - We Told You So"; Top Call
La loi des prédictions
Faites des prédictions et vous aurez un jour ou l’autre
l’air d’un idiot. Quelqu’un d’autre viendra pointer vos erreurs du doigt si
vous ne le faites pas vous-même.
Il n’en est pas moins que ma thèse sous-jacente est
correcte : une fois de plus, la Fed a complètement ignoré l’inflation du
prix des actifs, et une fois de plus, elle n’a pas vu la bulle qui se
trouvait juste devant ses yeux.
Viendra un jour où, comme toutes les autres, cette bulle
éclatera. Il suffira pour cela que la masse des idiots prenne le départ.
Peut-on prévenir les bulles ?
C’est une question difficile dont la réponse est ‘en
général’.
J’ai en effet modifié ma question de départ, qui était ‘la
Fed peut-elle prévenir les bulles ?’.
La réponse à ma question de départ est non.
La Fed ne peut prévenir ce qu’elle ne peut voir, même
après coup, quand elle devient évidente aux yeux de tous.
Plus important encore, la cause principale des bulles est
la Fed (et les banques centrales en général).
Il est donc logique que le remède contre les bulles ne
puisse pas être ce qui les cause (la Fed).
Pays magique intellectuel versus monde réel
Une petite dose de sens commun vaut bien mieux que des
formules ridicules qui ne peuvent possiblement pas fonctionner.
Prévenir les bulles est en théorie très simple : il
faudrait pour cela se débarrasser de la Fed et des corporations sponsorisées
par le gouvernement, mettre fin à la
planification centralisée et mettre en place des solutions de marché libre.
Puisqu’aucune recherche sponsorisée par la Fed ne pourra
parvenir à de telles conclusions, la Fed et son département de recherche
restent au beau milieu de leur pays magique, dissimulés derrière des
absurdités mathématiques que ni peuvent pas fonctionner dans le monde réel.
Pour plus de critiques des propagandes ridicules de la
Fed, voyez ceci : Money as Communication: A Purposely
"Non-Educational" Fallacious
Video by the Atlanta Fed.