La
vérité sort de la bouche des banquiers centraux. Jörg Asmussen, qui est d’autant plus prolixe que Mario Draghi reste silencieux, vient de répondre
à une interrogation portant sur un éventuel plan B pour la
Grèce (le plan A étant son maintien dans la zone euro aux
conditions déjà fixées). « Nous avons
été critiqués sur le fait qu’il n’y en ait
pas », admet-il. Mais, a-t-il poursuivi, « dès qu’on
commence à parler d’un plan B ou C, le plan A n’a plus
aucune chance de se réaliser ». Les enfants sont plus inventifs.
C’est
pourtant à propos d’un plan A’ encore dans les limbes que
les discussions viennent de rebondir, devant l’imminence des
périls. Les lignes vont bouger, annoncent les dirigeants
européens qui y poussent, utilisant la dernière scie à
la mode. François Hollande, que la presse allemande accuse
d’avoir choisi la confrontation, a déclaré qu’il
allait mettre sur la table les euro-obligations, ce tabou dont la seule
évocation suscite l’effroi. Parfois, des repoussoirs font
progresser la négociation.
Figurent
également au menu des discussions, pêle-mêle,
l’obtention d’une licence bancaire par le FESF et le MES (les
fonds de soutien européens), qui leur donneraient accès aux
liquidités de la BCE, l’extension de leur mandat afin
qu’ils puissent renflouer directement les banques, une garantie
européenne des dépôts destinée à stopper
les retraits aux guichets, et bien entendu les euro-obligations, ainsi
même que la transgression suprême que représenterait la
possibilité pour la BCE de financer les États en achetant leurs
obligations à l’émission.
Une
succession de rencontres et de réunions va permettre de séparer
le bon grain de l’ivraie et de tenter d’aboutir à des
mesures concrètes absentes des conclusions du G8. Sous la forme
d’un compromis qui reste à trouver, qui ne peut pas se
résumer à la seule adjonction d’un volet de croissance
à une discipline budgétaire déjà adoptée.
Un sommet informel va l’initier mercredi, qui va précéder
une rencontre tripartite Merkel-Monti-Hollande, et
le sommet formel pour conclure, fin juin.
Que
peut-il raisonnablement en sortir pour tenter de régler les
problèmes qui pressent ? Avant que la discussion n’entre dans le
vif du sujet, le camp du refus a pris ses marques. La BCE affirme que la
discipline budgétaire « ne doit pas être
renégociée ou assouplie », car l’opposer avec la
croissance est « un faux débat ». Une réforme du
marché du travail sur le modèle de celle qui a
été effectuée en Allemagne en 2005 sera à la base
du retour de la croissance, étant donné que «
l’Europe ne manque plus d’infrastructures » et que tout
programme d’investissement devra reposer sur une identification des
projets qu’il financera. Sans surprise, le gouvernement allemand
réitère de son côté son rejet des
euro-obligations.
Que
reste-t-il comme grain à moudre, dans ces conditions ? En premier
lieu, ce qui n’est pas excessivement étonnant, ce qui
permettrait de mieux soutenir le système bancaire. La création
évoquée plus haut d’une garantie européenne des
dépôts et le financement direct des banques par le FESF
(soulageant une BCE qui cherche à se retirer du jeu chaque fois que
possible). Mais si de telles mesures accorderaient un répit à
la crise espagnole – même si le ministre de
l’économie Luis de Guindos assure
contre toute vraisemblance qu’« aucun type d’aide
extérieur n’est nécessaire » – il n’en
sera rien pour la Grèce.
Une
nouvelles fois encore, le porte-parole du gouvernement allemand vient de
démentir la manœuvre référendaire d’Angela Merkel destinée à marginaliser la Syriza. Que reste-t-il alors, afin d’y parvenir,
sinon d’accepter au moins le principe d’une renégociation
du « mémorandum » signé avec la Grèce, afin
de conforter le parti conservateur Nouvelle démocratie et de favoriser
l’émergence d’une majorité parlementaire en
alliance avec le Pasok ? Il pourrait s’agir pour commencer d’un
étalement du plan de sauvetage, que les Portugais et les
Irlandais attendent également sans le demander encore ouvertement. Le
retour sur le marché obligataire des États
bénéficiant du parapluie européen se présente en
effet de manière aussi incertaine que le remboursement par les banques
des prêts à trois ans de la BCE.
Des
marges de manœuvre existent à propos des euro-obligations,
déjà renommées project
bonds en leur assignant comme objectif le financement de projets de
développement. Mais, pour le reste, la crise est-elle arrivée
à un stade assez aiguë pour qu’un plan A’ se
concrétise ? Avancer à reculons n’évite pas de se
retrouver devant un mur.
Billet
rédigé par François Leclerc
Son
livre, Les CHRONIQUES
DE LA GRANDE PERDITION vient de paraître.
Un « article presslib’
» est libre de reproduction numérique en tout ou en partie
à condition que le présent alinéa soit reproduit
à sa suite. Paul Jorion est un «
journaliste presslib’ » qui vit
exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il
pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui
tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
|