Retenons
notre souffle, les acrobaties s’enchaînent en Grèce et en
Espagne, car il faut sans attendre boucler les dossiers !
À
Athènes, le gouvernement de coalition est en permanence au bord
d’une rupture qui n’intervient jamais ; le Pasok et le Dimar (gauche démocratique) refusent
d’accepter les toutes dernières mesures
d’austérité du nouveau paquet, mais les partis
d’opposition dénoncent une mise en scène. Le texte
d’un nouveau mémorandum arrondissant autant que possible les
angles est en cours de rédaction finale, ultime tentative du premier
ministre Antonis Samaras pour mettre les partis de
la coalition devant leurs responsabilités : une seule loi sera
présentée devant le Parlement et cela sera tout ou rien ! Face
à un accord introuvable, il cherche à forcer de tous
côtés la décision, y compris vis-à-vis des
dirigeants européens.
Selon
les fuites qui se sont multipliées, deux ans de délai seraient
accordés pour revenir dans l’épure initiale du
désendettement, réaliser les réformes requises –
des déréglementations du marché du travail et de celui
de l’énergie – et réaliser le programme de
privatisation, dont le montant serait réduit de moitié. Restera
toujours à financer cet allongement du calendrier, qui creuse un trou
de 15 à 18 milliards d’euros… Il est désormais
question d’une restructuration de dette prenant la forme d’une réduction
des taux d’intérêt et d’un étalement des
remboursements des prêts. Mais une grande confusion règne, ni la
BCE, ni le gouvernement allemand, ni Bruxelles ne confirmant cette annonce
faite devant le Parlement par Yannis Stournaras, le
ministre grec des finances.
Les
rumeurs se font également insistantes à propos du dispositif
proposé par le gouvernement allemand, qui consisterait à ne
débloquer dans l’avenir les fonds du plan de sauvetage
qu’en fonction des réductions effectives du déficit, et
à mettre le gouvernement sous surveillance permanente, ce qui a
été immédiatement dénoncé comme une menace
de faire du pays un simple protectorat, ce qu’il est déjà
dans les faits devenu.
C’est
à propos des banques espagnoles qu’un autre numéro se
déroule simultanément. Une fois acquis que leur renflouement
passera par l’intermédiaire du budget de l’État,
reste à calibrer l’effort des uns et des autres. L’affaire
doit se faire en deux temps : par un renforcement des fonds propres des
banques lui aussi en suspens, nécessitant selon le gouvernement un
petit 40 milliards d’euros d’apport, et par la création
d’une bad bank
qui accueillera plus ou moins généreusement leurs actifs
douteux.
À
propos de la recapitalisation des banques, la Commission européenne
souhaite que les actionnaires et les créanciers soient le plus possible
mis à contribution, afin de limiter l’intervention
européenne. Ce que le gouvernement freine, car cela ruinerait au
passage les centaines de milliers de petits épargnants –
l’une de ses assises électorales – qu’il avait
engagés à acheter les titres participatifs émis par les
banques.
Mais
une autre bagarre a lieu entre les mêmes, à propos de la
valorisation des actifs douteux transférés à la bad bank. La
Commission souhaite que celle-ci soit la plus basse possible, afin
d’attirer au capital de la structure de défaisance des
investisseurs privés qui ne se bousculent pas, et qui pourraient ainsi
avoir l’espoir de faire de bonnes affaires. Toujours dans
l’espoir de ne pas accroître la contribution européenne.
Mais cela aurait comme conséquence d’augmenter les besoins
financiers des banques ainsi que la pression sur leurs actionnaires et
créanciers, ce dont Madrid ne veut donc pas.
Le
gouvernement espagnol est pris entre deux impératifs contradictoires :
baisser cette valorisation pour attirer les investisseurs privés
(l’aidant à partager le financement du capital de 90 milliards
d’euros de la bad bank) ou la laisser élevée
afin de ne pas augmenter les besoins de financement des banques, qu’il
doit assumer. La discussion est d’autant plus serrée que les
estimations publiques des besoins de recapitalisation des banques sont
notoirement sous-estimées et que la Banque d’Espagne annonce
régulièrement un chiffre plus élevé de
créances douteuses en leur possession. On en était à
178,5 milliards d’euros à la fin août dernier.
Tous
ces comptes sont autant de circonstance – quand ils ne sont pas
truqués ! – que ceux qui avaient présidé à
l’établissement du second plan de sauvetage de la
Grèce. On y reviendra, forcés et contraints !
Billet
rédigé par François Leclerc
Son livre, Les
CHRONIQUES DE LA GRANDE PERDITION vient de
paraître
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