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Cours Or & Argent

De bons petits maoïstes

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Publié le 04 novembre 2015
2410 mots - Temps de lecture : 6 - 9 minutes
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Rubrique : Editorial du Jour

Il arrive parfois que des sociétés perdent complètement la tête. Dix années durant, de 1966 à 1976, la Chine s’est perdue dans la chaotique folie de la « révolution culturelle » de Mao. Une milice de jeunes hommes appelée la Garde rouge s’est vue donner le droit de terroriser les figures d’autorité aux quatre coins du pays – enseignants, scientifiques, fonctionnaires, et n’importe quel autre individu à la charge de quoi que ce soit. Ils ont détruit des vies, des familles, et assassiné un grand nombre de leurs victimes. Ils ont paralysé leur pays avec leurs persécutions des « éléments bourgeois » et des « partisans de la voie capitaliste ». Ils sont allés jusqu’à capturer Deng Xiaoping, qui a été exhibé publiquement coiffé d’un bonnet d’âne, mais qui est finalement parvenu à mettre fin à cet épisode de démence après la mort de Mao.

La révolution culturelle des Etats-Unis a fonctionné quelque peu différemment. Elle s’est principalement limitée au monde hermétiquement fermé des universités, où les nouvelles espèces de hiérophantes et de mystagogues sont occupées à établir un dogme crypto-politique destiné à redéfinir les arrangements sociaux des diverses « multicultures » ethniques et sexuelles du territoire.

Il n’existe pas de Mao américain, mais nous avons aux Etats-Unis des millions de bons petits maoïstes prêts à persécuter quiconque oserait dévier de la ligne des partis qui dominent aujourd’hui la bulle de la vie de campus. Un étrange mélange de chasse aux sorcières puritaine, de paranoïa raciale et d’hystérie sexuelle, accompagné bien sûr de son jargon technique – « micro-agression », « mentions d’avertissement », « code de langage » et ainsi de suite – destiné à renforcer l’uniformité de la pensée et de punir ceux qui s’en délient.  

A une heure où les Etats-Unis se confrontent à des problèmes économiques, énergétiques, écologiques et de politique étrangère, la vie de campus se préoccupe par écrit du sentiment de rejet que ressent chaque groupe sexuel et ethnique imaginable, aussi sincèrement que s’il s’agissait de la suppression des intrus idéologiques qui ne se plient pas au programme d’exorcismes. Une histoire complète de cette triste campagne n’a pas encore été écrite, mais quand elle le sera, l’enseignement supérieur s’en trouvera ruiné. Il porte déjà aujourd’hui le lourd fardeau des conséquences inattendues du racket financier qui affecte toutes les facettes de la vie des Américains d’aujourd’hui. En faisant la promotion de l’abolition officielle d’idées, il ne fait que commettre son suicide intellectuel, et disgracier sa mission de civilisation.

Je me suis personnellement frotté à cet empire diabolique la semaine dernière à l’occasion de mon discours à Boston College sur le progrès de la Longue urgence. L’audience était  très peu dense. Il pleuvait à torrents. La Série mondiale était à la télévision. Et les gens ne s’intéressent plus à ce genre de problèmes, maintenant que la Réserve fédérale a sauvé le monde grâce à sa monnaie gratuite, et parce que mon intervention ne mentionne pas les questions de race, de genre et de privilège blanc.

Après mon discours, en revanche, je suis sorti dîner avec quatre membres de la faculté et l’un de leurs amis. Trois d’entre eux professeurs d’Anglais, l’autre professeur d’écologie, et le dernier urbaniste. Les trois professeurs d’Anglais sont aussi des spécialistes de la race, du genre et du privilège. Imaginez un peu ça. Voilà qui en dit long sur la névrose obsessionnelle qui habite actuellement le monde académique. Sur le chemin du restaurant, alors que nous étions en voiture, j’ai discuté avec un professeur d’Anglais au sujet d’un aspect particulier du problème racial, puisque c’est là son sujet de prédilection, et parce qu’il semblait percevoir toute chose au travers de ce prisme. La conversation s’est poursuivie à table, et voici ce qui en a découlé sur internet (email que j’ai reçu le lendemain) :

Le 29 octobre 2015 à 16h37, Rhonda Frederick rhonda.frederick@bc.edu a écrit :

Voici ce que j’ai publié sur mes médias sociaux, et que je partagerais ici avec vous et votre agent.

Hier, le romancier/journaliste James Howard Kunstler a été invité à donner un discours à BC (voir sa bio ici : http://www.bc.edu/offices/lowellhs/calendar.html#1028).

Lors de la discussion qui a suivi le dîner, il a décrété que « le plus grand problème auquel font face les Africains-Américains est qu’on ne leur enseigne pas le bon usage de l’Anglais… et que les académiques sont trop préoccupés par le privilège et le politiquement correct pour admettre ce simple fait ». Aucune personne noire (je présume qu’il a utilisé le terme Africain-Américain pour signifier Noir) n’était présente autour de la table. Je ne l’étais pas non plus, mais deux de mes amis et collègues ont participé au dîner, et je fais confiance implicitement en leur mémoire. Que Kunstler ait utilisé des stéréotypes afin de provoquer, ou parce qu’il croit vraiment en l’ignorance qu’il a énoncée, ma réponse reste la même : je ne peux pas autoriser ce genre de propos dans mon espace et ne suis pas de ceux qui considèrent ce qu’il a dit comme un « moment d’apprentissage ». Je suis d’avis que BC devrait répondre à sa déclaration, pour la simple raison que l’université a payé pour son dîner et pour ses honoraires. Voici un lien pour ceux qui désireraient s’exprimer sue la manière dont BC devrait dépenser son argent :

Lowell Humanities Series, Boston College (http://www.bc.edu/offices/lowellhs/about.html)

+++++++++++++++++

Rhonda—

Ce n’est pas exactement ce que j’ai dit.

Ce que j’ai dit, c’est que la mission la plus importante pour les enseignants du primaire et de secondaire devrait être d’apprendre aux Noirs le bon usage de l’Anglais afin qu’ils puissent fonctionner au sein de notre économie. J’ai également ajouté que toute personne qui chercherait à argumenter contre cette vérité ne ferait que causer du tort aux personnes qu’elle cherche à aider.

Et je maintiens mes propos.

Votre tentative de promouvoir la police de la pensée est emblématique de tout ce qui va terriblement mal dans l’enseignement supérieur, d’autant plus parce que vous n’étiez pas présente.

Jim
James Howard Kunstler
“It’s All Good”

J’ai donc été victime d’une tentative de diffamation sur les médias sociaux par cette dénommée Rhonda Frederick – étudiante ou membre de la faculté, allez savoir – qui admet ne pas avoir été présente lors de l’incident en question. C’est la nouvelle mode académique : calomnier sur Twitter et Facebook. Une méthode entièrement soutenue par la faculté et l’administration. Bien qu’elles se soient occupées à construire des codes de langage et des protocoles sexuels, il semblait qu’elles n’aient pas eu une seconde pour établir des normes éthiques concernant l’usage d’internet. J’ai même offert de revenir pour discuter publiquement de mon point de vue sur l’enseignement de l’Anglais aux élèves noirs du primaire et du secondaire – à condition d’être payé, bien évidemment – mais n’ai reçu aucune réponse à ce sujet de la part de Rhonda Frederick. Je n’ai pas non plus reçu de réponse de la part de James Smith (smithbt@bc.edu), directeur de Lowell Lecture Series, suite à l’email dans lequel je lui ai expliqué ne pas apprécier être diffamé sur le web par sa collègue.

Pour ce qui est de la substance des propos que j’ai tenus autour de cette table de professeurs, sachez que j’ai déjà écrit sur le sujet de l’apprentissage de l’Anglais et de la sous-classe noire par le passé, mais je tenterai toutefois d’exposer à nouveau certaines de mes pensées ici (mention d’avertissement).

Il est tout à fait correct qu’il existe parmi nous un certain nombre de dialectes. Il devrait cependant être évident qu’ils aient chacun des mérites et des désavantages. Il existe en effet ce que l’on appelle l’Anglais grammatical standard. Il évolue bien entendu au fil des générations, mais présente une certaine stabilité conservatrice, de la même manière que l’état de droit. Il tend à être parlé par les personnes instruites et de pouvoir. Cela implique évidemment les personnes au pouvoir, celles qui gèrent notre nation, mais aussi celles qui travaillent dans la médecine, dans l’ingénierie et dans les sphères gouvernementales et d’entreprise. L’Anglais grammatical standard tend à offrir un meilleur statut parce que savoir le manier tend à conférer les bénéfices d’un meilleur niveau de vie.

Il devrait également être évident qu’il existe bel et bien un dialecte noir américain aux Etats-Unis. Et malgré ses quelques différences régionales, il est remarquablement similaire de Miami, en Floride, jusqu’à Rochester à New York ou encore Fresno, en Californie. Il prévaut parmi ce que l’on appelle la sous-classe noire, parmi la cohorte qui continue encore de faire face à des difficultés économiques. Malgré sa verve et son inventivité, ce dialecte noir tend à conférer un statut très peu élevé et un faible niveau de vie à ceux qui le parlent. Dans la culture et la mythologie populaire, il est associé à une violente criminalité et à des comportements antisociaux. Si vous n’y croyez pas, allumez HBO.

Je suis d’avis que les Noirs qui voudraient s’en sortir socialement et économiquement bénéficieraient d’un apprentissage de l’Anglais grammatical standard, pas seulement parce qu’il est associé à de meilleurs statut et mode de vie, mais parce que de bonnes connaissances de la grammaire et des temps et un vocabulaire riche aident les gens à mieux penser. Après tout, si vous n’utilisiez jamais que le présent, comment comprendriez-vous la différence entre hier, demain et le jour d’aujourd’hui ? Je suis certain que c’est quelque chose qui deviendrait vite problématique. Et que vous ne tarderiez pas à ne plus jamais être à l’heure.

Certains de mes auditeurs sont d’avis que l’« alternance entre les codes linguistiques » permet aux Africains-Américains ne passer d’un mode de parole à un autre, du mode « noir » au mode « blanc » (ou Anglais grammatical standard). Ce n’est selon moi pas aussi commun qu’on pourrait le croire. Tout le monde n’a pas les talents d’artiste de Dave Chapelle, amateur linguiste dont les parents étaient tous deux professeurs.

Je suis d’avis que les professeurs du primaire et du secondaire aux Etats-Unis ne mettent pas suffisamment l’accent sur l’apprentissage du bon usage de l’Anglais par ceux qui ont le plus de difficultés. Les pédagogues ont été contraints par les hiérophantes de l’enseignement supérieur de ne jamais aborder le sujet. Il n’est pas perçu comme suffisamment important (probablement parce que la tâche semble trop lourde ou embarrassante et pourrait en blesser certains). Les résultats sont évidents : l’échec académique des Noirs américains est très important. Mais nous continuons de concocter des excuses pour expliquer cet échec et d’autres qui lui sont liés, la grande favorite étant jusqu’à présent le « racisme structurel » (et ce malgré le fait que nous ayons élu un président noir capable de s’exprimer en parfait Anglais).

Mais plus risqué encore est ce qui touche à la raison de ce problème. Après tout, les autres groupes ethniques des Etats-Unis cherchent à participer pleinement à la vie nationale. J’ai par exemple donné un discours devant un groupe d’étudiants de première année à l’Université Rutgers il y a tout juste un an. En raison de la démographie actuelle du New Jersey, beaucoup étaient de jeunes Indiens (j’entends par là Indiens d’Asie), et à la peau tout aussi sombre que certains Américains d’origine africaine. Ils ont uniformément opté pour l’Anglais grammatical standard. Ils sont tous entrés à l’université. Ils ont tous une chance de s’en sortir dans la vie adulte. Qu’est-ce que cela suggère ? A mes yeux, cela implique simplement que certains choix comportementaux sont meilleurs que d’autres, et que la couleur de la peau n’est pas le déterminant premier du problème.

Voici selon moi la raison pour laquelle nous en sommes arrivés là (seconde mention d’avertissement). Je suis d’avis que les victoires des droits civils du milieu des années 1960 ont généré un climat d’anxiété chez les Africains-Américains, qui ont alors été invités à participer davantage à la vie nationale, après des générations de souffrance et d’abus (si ce n’était selon vous pas la somme et l’intention du Voting Rights Act et du Public Accomodations Act de 1964-65, vous êtres un hypocrite). Ils n’étaient en revanche pas confortables avec l’idée de s’assimiler avec la culture de l’époque. Soit ils n’y croyaient pas, soit ils en avaient peur, soit ils la haïssaient, soit ils s’inquiétaient de leur capacité à s’intégrer.

Beaucoup attribueraient cette anxiété à l’héritage de l’esclavage. Est-il possible pour quiconque de passer l’éponge sur une telle blessure historique ? Les Noirs américains ne sont pas le seul groupe à avoir été traumatisé par les circonstances. Quand faut-il avancer ? Pendant combien de temps est-il nécessaire de faire son deuil du passé ? Ce n’est pas une coïncidence si, au milieu des années 1960, une nouvelle vague de séparatistes noirs est apparue en parallèle aux victoires législatives des droits civils. Malcolm X, Stokely Charmichael, ou encore les Black Panthers, pour ne nommer qu’eux. C’est à ce moment-là que la population noire s’est laissée emporter dans ce qui était essentiellement une culture de l’opposition, déterminée à demeurer séparée. La langue vient s’inscrire dans ce tableau.

Le culte actuel de la diversité n’est que l’écran de fumée derrière lequel se cache un fait fondamental de la vie américaine : une majorité de l’Amérique noire s’est retirée. Elle ne veut pas s’assimiler à une culture commune – c’est pourquoi l’idée de culture commune a été abandonnée par les conservateurs de sa flamme, les membres des universités. L’Amérique noire ne veut pas de la langue, des manières, des règles et des lois qui restent de cette culture commune désassemblée par les professeurs, les doyens et leurs servants politiques progressistes – ils ne se soucient pas du contrat social de base. Nous restons divisés, comme l’a dit Lincoln, qui a su comprendre quelles en seraient les conséquences.

Est-il raciste que d’exposer ces dilemmes à la sphère publique ? Il semblerait que oui. Pourquoi ? Parce que les progressistes politiques sont embarrassés par les conséquences décevantes du projet des droits civils. Certains commentateurs noirs comme Curtis Blow, du New York Times, appellent constamment à une conversation honnête sur la question raciale, mais ils n’en pensent pas un mot. Tous les intellectuels qui osent lancer ce genre de conversation sont traités de racistes. Je n’ai même pas pu avoir une conversation privée quant aux mérites de l’Anglais grammatical standard lors d’un dîner avec des professeurs d’Anglais spécialistes de la question raciale. Ils n’ont pas pu s’empêcher d’avoir recours à un proxy (qui n’était pas présent) pour me calomnier sur internet.

Ils sont des lâches, et je suis leur ennemi.

 

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James Howard Kunstler est un journaliste qui a travaillé pour de nombreux journaux, dont Rolling Stones Magazine. Dans son dernier livre, The Long Emergency, il décrit les changements auxquels la société américaine devra faire face au cours du 21° siècle. Il envisage un futur prochain fait de crises sociales à répétition, la fin de la Surburbia et du modèle économique associé et une guerre mondiale pour les ressources en énergie. Il prédit la déconstruction des empires européens et américains et pense que, lorsque les convulsions seront terminées, le monde reviendra à un modèle décentralisé et local.
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