|
Les hommes
politiques occidentaux se targuent depuis le début de la crise
financière de réduire les dépenses. Parfois à
contre-courant de leurs opinions publiques, ils tentent de se faire
féliciter d’une grande rigueur dans la gestion des comptes
publics, soi-disant à contrario des politiques menées par leurs
prédécesseurs.
Pourtant,
cette présentation ne doit pas tromper les citoyens : il ne
s’agit ici que de réduire les déficits, les pertes, les
montants qui viennent alourdir la dette ! La communication – et la
mise en scène de considérables efforts – tend à faire oublier à quel niveau se situe
la réduction nécessaire des dépenses publiques pour
cesser l’accumulation d’une dette devenue abyssale.
Depuis la fin
de la 2nde guerre mondiale, le premier véritable
déficit budgétaire apparait en 1975, à la suite du choc
pétrolier de 1973. Son montant s’élevait alors à
25 milliards de francs. À partir de cette date, ce fut une suite sans
fin : 41 milliards en 1978, 100 milliards en 1982, etc.
Sous
l’impulsion de François Mitterand, le
déficit sera exprimé en % du PIB plutôt qu’en valeur
absolue. L’explication officielle était ainsi de pouvoir donner
un indicateur de contrôle et de comparaison. Mais il était aussi
probablement plus simple et moins anxiogène de communiquer sur un
pourcentage abstrait plutôt que d’énoncer chaque trimestre
les milliards de déficit qu’il faudra rembourser.
La limite de
3% de déficit, instituée dans le cadre des accords de
Maastricht, devait permettre un contrôle de la dette. Cette limite
avait été calculée avec les variables en vigueur
à l’époque en termes d’inflation, de croissance
économique et de niveau d’endettement. Aujourd’hui, bien
que ces données soient complètement différentes, les
instances de Bruxelles et de Bercy conservent les 3% comme un sacro-saint
objectif. Alors qu’une stabilisation de la dette imposerait de diviser
ce déficit environ par deux…
À fin
2013, la dette cumulée atteignait 1 925 milliards d’euros, soit
93,5% du PIB français (au sens de Maastricht). Chaque année, environ
50 milliards d’euros sont dévolus au paiement des
intérêts de la dette (46,3 milliards en 2012, 44,9 milliards
dans la loi des finances 2013), la
charge de la dette est le second poste de dépenses du budget de
l’État Français, soit 14,2%. Pour 2014, ce poste de
dépenses devrait devenir le premier, passant ainsi devant celui l’Éducation
Nationale.
Tous ces
chiffres sont bien connus. Mais l’habileté des hommes politiques
est de faire croire que le combat ne concernerait que des niveaux marginaux
de dépenses publiques. En réalité, l’effort
à réaliser pour atteindre le solde stabilisant –
c’est-à-dire le niveau de déficit qui n’alourdirait
pas la dette française au regard de l’inflation et de la
croissance du PIB – est bien plus considérable.
Pour
l’année 2013 par exemple, l’effort de réduction des
dépenses devrait être de 67,3 milliards d’euros.
Situation
2013 France
|
|
Inflation
|
0,86%
|
Croissance
du PIB
|
0,30%
|
Niveau
d'endettement (% du PIB)
|
93,50%
|
Niveau
d'endettement (en Mds €)
|
1 925,0
|
|
|
Solde stabilisant (% du PIB)
|
1,08%
|
Solde stabilisant en valeur brute du déficit (en Mds €)
|
22,3
|
|
|
Déficit
visé pour atteindre les critères de Maastricht (% du PIB)
|
3%
|
Déficit
visé pour atteindre les critères de Maastricht en valeur brute (en Mds €)
|
62,0
|
|
|
Déficit
actuel (% du PIB)
|
4,20%
|
Déficit
actuel en valeur brute (en Mds €)
|
89,6
|
|
|
Réduction
du déficit nécessaire pour atteindre le solde stabilisant (en
Mds€) :
|
67,3
|
Données : Insee
Quand les
responsables publics se targuent d’une réduction
de 3 milliards des déficits, il est légitime de se demander
s’ils croient vraiment à ce qu’ils disent. Pensent-ils
vraiment que ces si maigres performances suffisent à corriger le
tir ?
Le
gouvernement Valls, dont le premier ministre s’est justement fait le
représentant d’une rigueur budgétaire affirmée, ne
fait pas exception. En annonçant 50 milliards d’euros
d’économies d’ici à 2017 (espérant autant de
déficits en moins), il incarne le sérieux budgétaire aux
yeux des médias, d’une partie de l’opinion publique, des
députés, etc. Au point de se mettre à dos une part
conséquente des députés PS et alliés.
Or, des
baisses de 50 milliards chaque année ne serait pas suffisantes pour
stabiliser la dette nationale. Le chemin est long pour arriver ne serait-ce
qu’à stabiliser la dette.
Qu’en
penser ?
Il faut le
reconnaitre, l’effort est déjà suffisamment rare pour
être notifié (notamment au regard des précédentes
législatures).
Un certain
nombre de services publics et d’administrations commencent à
atteindre une limite en termes de réduction des capacités. Il
devient difficile (nous dit-on) d’assurer le même niveau de
service aux citoyens en baissant encore les budgets.
Il ne semble
plus y avoir qu’une solution : revoir le périmètre,
changer le « business model » de
l’interventionnisme d’État, pour reconstruire une
intervention publique adaptée aux nécessités de baisse
des déficits.
Toute
entreprise l’aurait déjà fait depuis longtemps. Mais
comme nous le savons, un État n’est pas une entreprise.
|
|