Mesures de compétitivité, protectionnisme, mesures d’aides à
l’emploi… les politiciens et les économistes ne cessent de vouloir faire
appel aux recettes du passé pour redresser l’économie alors que nous sommes
dans un environnement démographique qui a complètement bouleversé les règles
du jeu. Et si nous étions entrés dans une période de décroissance
structurelle en raison des bouleversements démographiques engendrés par la
baisse de la natalité et l’augmentation de l’espérance de vie ? C’est le
constat sans appel qui ressort de l’analyse des tendances démographiques
mondiales de ces 4 dernières décennies, qui dégage également une corrélation
entre chute démographique et baisse des taux. Article de Chris Hamilton,
publié le 24 avril 2016 sur le blog Econimica :
« Étrangement, la planète souffre de 2 tendances de prime abord
opposées : la surpopulation et la dépopulation. La surpopulation des
tranches âgées est provoquée par l’espérance de vie en hausse tandis que la
dépopulation frappe les jeunes en raison de la baisse de la natalité. La
dépopulation frappe particulièrement les moins de 25 ans (à l’exception de
l’Afrique) mais est également visible chez les moins de 45 ans.
Les personnes âgées vivent des décennies plus longtemps que la génération
précédente, mais leurs enfants adultes procréent beaucoup moins. Ces facteurs
vont bouleverser l’économie de façon jamais vue dans l’histoire de
l’humanité. Aucun modèle ne prend en compte la baisse de la population jeune,
donc de l’épargne, de revenus et d’opportunités d’emploi par rapport à
l’augmentation massive des retraités dont la majorité dépend des aides
sociales de l’État ou de leur caisse de retraite sous-financée. Des centaines
de raisons peuvent expliquer cette dépopulation chez les jeunes et cette
surpopulation chez les « vieux », mais ce n’est pas l’objet de cet article.
Il se concentre sur ces faits et leurs conséquences.
Schématiquement et économiquement parlant, chaque personne est une unité
de consommation. Plus les individus sont nombreux, plus le pouvoir d’achat
est important et plus la croissance de la consommation est élevée. Donc, pour
mesurer la croissance économique (la croissance de la consommation engendre
la croissance économique), il faut multiplier la population par le pouvoir
d’achat (revenus et épargne) par habitant. En ce qui concerne les salaires,
je pense qu’ils stagnent vu que leur faible progression est annulée par
l’inflation. Bien sûr, un autre levier existe, le crédit, et les banques
centrales l’actionnent avec leurs politiques de taux plancher afin de doper
la consommation dans un contexte de stagnation démographique (les transferts
via les programmes sociaux sont un autre levier pour doper la
consommation ; je me contenterai de le citer).
De la surpopulation à la dépopulation : les détails
Ci-dessous, vous pouvez voir la croissance démographique parmi les nations
de l’OCDE (1,3 milliards de personnes), les BRICS (3,4 milliards de
personnes) et le reste du monde (environ 3 milliards de personnes). Ce qu’il
faut retenir : la croissance démographique a connu son pic en 1988 et ne
cesse de décélérer depuis. La croissance démographique s’est déplacée des
BRICS au reste du monde.
Ci-dessous, les changements annuels de population VS les changements de
population chez les moins de 45 ans des nations de l’OCDE, des BRICS et du
reste du monde. Ce qui devrait être clair :
- La croissance de la population de moins de 45 ans a
chuté de près de 60 % et a abaissé de 44 millions par an depuis le pic.
- La croissance démographique chez les moins de 45 ans a
lieu parmi les nations les plus pauvres du reste du monde.
La croissance s’est déplacé des pays moyennement riches aux nations
pauvres. Les gens qui possèdent peu d’épargne, des revenus limités et n’ont
pas ou peu accès au crédit ne peuvent consommer beaucoup. Les retraités, qui
sont moins actifs et réfractaires au crédit, ne consommeront pas beaucoup.
Clairement, l’impact de ces changements démographiques sur la croissance
devrait être compris.
Croissance annuelle de la population par PIB par habitant. Le PIB par
habitant est d’environ 40.000 $ dans les pays de l’OCDE, de 15.000 $ dans les
pays des BRICS et de 8000 $ dans le reste du monde. La croissance annuelle de
la consommation a connu son pic en 1989 ne cesse de tomber depuis…
Croissance de la population des 0-64 ans VS dette
Variations annuelles des 0-5 ans et plus de 75 ans
Croissance de la population des 20-59 ans aux États-Unis VS taux directeur
américain VS dette du gouvernement
Évolution de la population des 20 59 ans au Japon VS taux d’intérêt VS
dette du gouvernement
Évolution de la population de 20-59 ans en Allemagne VS ratio dette/PIB
Évolution annuelle de la population des 20 59 ans en Chine VS taux
d’intérêt VS dette chinoise
Conclusions
Un système économique et financier basé sur la croissance perpétuelle
n’est pas viable. L’inévitable décélération de la croissance démographique
fut l’élément déclencheur qui a poussé les banquiers centraux à rendre le
crédit encore meilleur marché. Ces taux d’intérêt planchers ont engendré des
niveaux de consommation non viables qui ont entraîné la création de
surcapacité qui exige à son tour des taux encore plus bas. Mais les taux
négatifs ou zéro se situent en dehors des frontières du capitalisme (un
marché qui s’attaque au capital ne peut être qualifié de capitaliste !).
(…)
La croissance démographique qui se mue en déclin de la population
bouleversera complètement les règles du jeu. Des rangs stagnants ou en baisse
d’acheteurs et de consommateurs face à des armées de retraités sont un
problème qui ne présente aucune solution sans douleur. (…)
Je pense que cette analyse démographique est le bon angle pour appréhender
et comprendre cette baisse incessante de la croissance, pourquoi la
diminution de la demande et la suroffre en matières premières va s’accélérer,
pourquoi la valeur des obligations continue de grimper malgré la quasi
absence d’acheteurs, pourquoi les actions sont à acheter (uniquement pour de
mauvaises raisons) et pourquoi les cours des métaux précieux sont extrêmement
suspects en vertu de ce massacre monétaire. »