Il
n’était qu’un outil parmi d’autres, voilà
encore quelques mois. En l’espace d’un an, le Fonds
européen de stabilité financière (FESF) est devenu le
pivot central du plan de sauvetage de la zone euro, menacée par la
crise des dettes souveraines.
Installé
au Luxembourg depuis sa création en mai 2010, le FESF avait
initialement pour rôle de prêter de l’argent aux Etats en
difficultés. L’aggravation de la crise des dettes souveraines a
considérablement étendu son champ d’action. Il peut
désormais garantir également les prêts
réalisés à des Etats membres de la zone euro. Il peut
également faire appel à des investisseurs, publics ou
privés.
Klaus Regling, directeur du Fonds européen de sauvetage,
s’est d’ailleurs lancé dans une campagne mondiale, afin de
convaincre les partenaires de l’Europe de participer à
l’aide financière en faveur des pays de la zone euro en
difficulté. Notamment, les appels du pied à destination de la
Chine se sont multipliés, pour l’inciter à acheter de la
dette européenne. Quitte à offrir au Parti communiste chinois,
d’ores et déjà très présent en Europe, des
moyens de pression sans précédents à l’avenir.
De 440
milliards d’euros, somme déjà astronomique, sa force de
frappe a grimpé à 1000 milliards d’euros, après
l’accord du 26 octobre. Mais selon le
journal The
Economist, ces moyens seraient encore insuffisants pour résister
à un défaut de paiement de l’Italie ou de
l’Espagne, dont les niveaux d’endettement atteignent
respectivement 1900 et 700 milliards d’euros . Et pour cause, L'Allemagne
et la Banque centrale européenne (BCE) ont exclu par principe le recours
à la seule source de soutien illimité: la banque centrale
elle-même. Proposé un temps par la France, la proposition de faire du FESF une banque a également
été rejeté par les gouvernements du Nord de la zone
Euro. Il y a donc fort à parier que les 1000
milliards d’euros actuels ne sont qu’une étape et
qu’un prochain élargissement doit déjà être
envisagé.
Et en cas de pertes lourdes, le financement du
FESF pourrait constituer un lourd fardeau pour les pays membres. Principal
contributeur après l’Allemagne, la France a récemment vu
sa note de crédit AAA mise sous
surveillance par les agences de
notation. Or la note du FESF est justement adossée à celle de
ses contributeurs. L’agence Standard & Poor’s
a précisé que le AAA français n’était pas
menacé pour le moment. Toutefois une participation plus forte de la
France pourrait inverser cette tendance et saper la crédibilité
du fonds de sauvetage sur les marchés au moment où celle-ci serait
le plus nécessaire.
Mais il y a surtout
matière à se demander si cette créature qu’est le
FESF n’est pas destinée à échapper au
contrôle de ses inventeurs. Voté dans l’urgence le 9 mai
2010, les statuts de ce Fonds n’ont donné lieu qu’à peu de
débats. Pourtant, certaines de ses clauses pourraient gravement
remettre en cause la souveraineté des Etats membres, à
l’image des articles suivants :
Article 9,
alinéa 3 : « Par la présente, les
membres du MES s’engagent de manière irrévocable et
inconditionnelle à honorer sur demande tout appel de fonds adressés
à eux par le Directeur général en vertu de cet
alinéa, et ce dans les sept jours après réception. »
Article 27,
alinéa 2 : « Il aura la pleine capacité
juridique d’ester en justice ». Puis alinéa
3 : « Le MES, ses biens, ses financements et ses avoirs,
où qu’ils se trouvent et quel qu’en soit le
détenteur, bénéficiera de l’immunité de
toute forme d’action en justice. »
Ou encore,
l’article 30 qui confère aux gouverneurs, aux directeurs et
à tout le personnel du MES l’immunité judiciaire à
l’égard de « tout acte exécuté
dans leur qualité officielle » et « l’inviolabilité
pour ce qui est de leurs documents officiels ».
En d’autres
termes, de par ses statuts, le FESF aura tout pouvoir pour contraindre les
Etats membres à verser des sommes illimitées dans un
délai de sept jours, mais ses responsables seront
protégés de toute poursuite en cas de mauvaise gestion. Toute
la question est donc de savoir si le FESF sera la bouée de la zone
euro ou son boulet. Mais sans aucun doute, lorsque l’on donne tout
pouvoir à un organisme pour agir sans avoir à rendre de compte,
on met en place toutes les conditions pour une nouvelle catastrophe.
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