François Hollande a proposé fin mars de
permettre le déblocage anticipé de l’épargne
salariale des Français et espère ainsi stimuler
l’économie. On peut d’abord noter que le timing de
l’annonce était une nouvelle fois dramatique, puisqu’il
s’agissait de la période durant laquelle l’attention
médiatique était tournée sur le rapport de Karine
Berger et Dominique Lefebvre qui insistait sur l’importance de
l’épargne longue.
Pour les modalités d’application, et
sous réserve de revirement lors de la publication des décrets,
les salariés pourront retirer jusqu’à 20 000 euros,
en une fois, pendant le deuxième semestre 2013. Ils n’auront en
outre pas à justifier de l’utilisation qui en sera faite. Par
ailleurs, les fonds versés depuis le début 2013 ne seront pas
éligibles à ce retrait anticipé qui ne concernerait que
les PEE (Plan d'épargne entreprise), et pas les PERCO (Plan
d'épargne pour la retraite collectif).
L’épargne salariale est
alimentée par la participation, l’intéressement, des
versements volontaires du salarié et le plus souvent un abondement de
l’entreprise. Voici un historique des flux
versés :
Les fonds placés sur le PEE sont
bloqués pendant cinq années alors que ceux dans le PERCO ne
peuvent être récupérés avant la retraite. Il
existe toutefois des cas de déblocage anticipés, plus nombreux pour le PEE que pour le PERCO, parmi lesquels on
trouve notamment l’achat d’une résidence principale :
L’épargne salariale totale, qui
concerne environ 12 millions de salariés et dont les encours atteignaient à
fin 2012 près de 95 milliards d’euros, est majoritairement
investie dans les PEE :
Le PERCO est en effet un produit plus récent que le
PEE :
Utiliser l'épargne salariale pour relancer
l’économie est une recette assez ancienne et n’est
en fait qu’une énième tentative de relance par la
consommation, actuellement atone. En 1994 et
1996 des déblocages avaient été autorisés, mais
ils étaient conditionnés à l'achat d'une voiture. En
2004 et en 2008, d’autres déblocages ‘exceptionnels’
étaient possibles, tout en ne dépassant pas 10 000 euros. Si
7 milliards d’euros avaient été débloqués
en 2004, 2008 fut moins fructueux avec un total de 3,9 milliards (contre un
objectif de 15 milliards).
Que va devenir l’épargne
débloquée ? Il est fort probable que seule une part
minoritaire sera réellement consommée, même si une
anticipation de la hausse de la TVA au 1er janvier 2014 influera
positivement sur la consommation. Cela ne serait pas négligeable
(même si l’impact serait tout de même limité)
à l’heure où les recettes fiscales sont moins
élevées que prévu puisque les prévisions pour
2013 viennent d’être révisées à la
baisse de 8 milliards d’euros (dont 4,5 pour la TVA).
La majorité des fonds
débloqués devrait ainsi être redirigée vers
d’autres produits d’épargne plus liquides comme les livrets
réglementés, dont les intérêts ne sont pas
fiscalisés. Le livret A et le LDD devraient par exemple largement en
profiter, malgré une baisse prévisible de leur
rémunération au 1er août. Le premier a vu récemment
son plafond augmenté à deux reprises : 19 125 euros
au 1er octobre 2012 puis 22 950 euros au 1er février
2013. Le plafond du second a été doublé de 6 000
à 12 000 euros au 1er octobre 2012.
Ce changement d’allocation va être
dommageable pour le financement de l’économie. En effet, cela diminuera
les placements à long terme pour augmenter les ressources
gérées par la Caisse des dépôts et consignations
(qui centralise partiellement les dépôts du livret A et du LDD).
Or cette dernière n’investit pas que dans le logement social,
elle possède un portefeuille non négligeable
d’obligations souveraines (56 milliards d’euros à fin 2011). Cela
créera un nouvel effet d’éviction pour le financement des
entreprises.
Cette mesure poussée par François
Hollande aura donc pour seul effet positif, dans le meilleur des cas, une
légère réduction du déficit. Par contre, elle
risque de pénaliser une nouvelle fois l’investissement à
long terme et le financement de l’économie.
|