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Il
n’aura pas fallu attendre longtemps pour que s’étale sur
la place publique une évidence : le plan gouvernemental de
recapitalisation des banques espagnoles est totalement sous-estimé. Un
montant global de 52 milliards d’euros a été
affiché, mais les estimations sérieuses aboutissent selon le
quotidien El Pais au double, à la condition improbable que la
situation économique ne se détériore pas davantage.
Volet complémentaire : ni dans un cas, ni a fortiori dans l’autre,
les banques ne sont en mesure de recueillir sur le marché de telles
sommes.
Joaquín
Almunia, le commissaire à la concurrence, a
mangé le morceau. Il a estimé en « off » devant un
parterre de journalistes à Madrid – mais Reuters a levé
le mystère sur l’identité de la source anonyme –
que le gouvernement aurait avantage à faire appel au MES
(mécanisme européen de stabilité) en cours de
constitution pour recapitaliser les banques sans plus tergiverser. Car il
n’a pas non plus les moyens d’y procéder.
D’autant
qu’il apparaît, selon l’économiste Luis Garicano, que l’impact budgétaire
d’une réduction du déficit de 8,5 % à 5,3 % du
PIB, l’objectif de cette fin d’année, serait situé
entre 53 et 64 milliards d’euros. Un montant totalement inatteignable
qui devrait être obtenu par une combinaison de coupes
budgétaires et de nouveaux revenus fiscaux. Selon ses calculs, la
récession augmenterait de 0,6 à 0,8 % par dizaine de milliards
de coupes dans le budget public, alimentant une spirale descendante. Si un
sauvetage de l’Espagne devait intervenir, il aurait donc un objectif
plus large que celui des banques, afin de briser ce cercle vicieux.
Autre
élément mettant en évidence la grande fragilité
de la situation espagnole, les banques – dont on connait la totale
dépendance aux liquidités de la BCE – ont accru leur
détention d’obligations de la dette espagnole de 29 % en
décembre et en janvier (derniers chiffres connus). Il en
résulte une interdépendance accrue des finances des banques et
de l’État, suggérant l’image de l’union de
l’aveugle et du paralytique.
Depuis
2007, la structure de l’endettement des banques européennes a
considérablement évolué. Selon une étude de
Citigroup, elle est passée d’une proportion de 80 %
d’obligations émises par les banques à seulement 10 %, la
différence étant compensée par les prêts de la BCE
et des obligations structurées, qui sont adossées à des
actifs les garantissant. Les prêts à trois ans (LTRO) de la BCE
ont accentué ce phénomène néfaste qui relègue
les investisseurs privés derrière des investisseurs publics et subordonne
leur remboursement à d’autres qui sont prioritaires en cas de
pépin, leur donnant moins de chances de récupérer leur
mise. Accentuant au final leur désaffection pour ce marché hier
sans soucis, qui crée un second cercle vicieux moins apparent que le
précédent mais encore plus pernicieux.
Les
banques espagnoles concentrent tous les inconvénients et dangers de
cette situation, justifiant leur sauvetage en priorité. Au-delà
de leur cas, il se confirme que le socle financier sur lequel le
système bancaire repose est très fragilisé, ce qui est
bien pire que la détention d’actifs toxiques que l’on peut
toujours avoir l’espoir d’évacuer avec le temps.
Présenté comme transitoire, le rôle de la BCE pourrait
être un provisoire destiné à durer longtemps, bouleversant
le fonctionnement du système capitaliste financier.
La
crise espagnole est révélatrice de celle du système.
Billet rédigé par
François Leclerc
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