Les éditeurs du New York Times
semblent d'avis que s'ils racontent suffisamment d’histoires à en trembler de
sanglots au sujet de l’immigration dans leur saga sentimentale intitulée « The
Way North », le
débat national se transformera bientôt en un relent de pitié national, et qu’un
royaume où règnera la paix parmi les Hommes pourra naître, sans conséquence
aucune – si ce n’est une cuisine un peu plus intéressante dans les Etats qui
ont jusqu’à présent survécu grâce au bifteck de Salisbury et aux tourtes à la
viande.
Le New York Times, comme toute
autre institution de l’orbite progressiste, a abandonné son cerveau collectif
à la merci d’un marasme de sentiments, de nostalgie et d’incitations qui ne
nous mèneront nulle part si ce n’est plus profondément dans le terrain vague
de la malhonnêteté. En tant que Démocrate qui ai voté pour la première fois l’année
du Watergate, je n’apprécie pas que l’on m’entraîne là où tout est possible
et où plus rien n’importe. Particulièrement là où plus rien n’importe moins
que les idées claires et le franc-parler.
Nous pourrions commencer avec
l’habitude – particulièrement populaire à la radio publique nationale – de qualifier
les immigrants clandestins de « non-documentés », comme si une
forme d’erreur bureaucratique avait été commise lors de leur voyage transfrontalier,
et que les blâmer pour avoir décidé de se déplacer revenait à les persécuter.
La situation est bien trop évidente pour mériter d’être élaborée. Disons
simplement que les effets cumulés de tels mensonges finiront par discréditer
les principes de base de la justice sociale, s’ils ne l’ont pas déjà fait.
L’idée populaire est que les
Etats-Unis ont été fondés par des immigrants et que tout ce qui touche à l’immigration
doit donc être perçu comme une bénédiction et bénéficie à une société plus
prospère. Cette idée est tant dénuée de contexte historique qu’elle devrait embarrasser
qui que ce soit qui ait reçu un enseignement du second degré. A vrai dire, le
surplus de population des nations européennes industrialisées ont été
délestées dans un Nouveau-Monde moins peuplé qui se trouvait également être
en proie à une industrialisation rapide (dont l’agriculture industrielle),
offrait des terres peu chères, et recelait de ressources de toutes sortes,
depuis le bois jusqu’au minerai de fer.
Parmi les détails que les
progressistes préfèrent laisser de côté, ajoutons que l’immigration était à l’époque
rigoureusement contrôlée aux ports d’entrée, notamment entre les années 1880
et 1920. Beaucoup de gens ont pu se déplacer depuis d’autres pays, mais leur
entrée était strictement contrôlée, et beaucoup d’entre eux étaient renvoyés
d’où ils venaient. Notons également que ces immigrants ont dû s’assimiler à
une culture commune. Personne ne se posait la question de savoir si les
enfants venus d’Italie ou de Lituanie devaient apprendre à lire, écrire et
parler Anglais, et il est également vrai que beaucoup d’immigrants se
réjouissaient à l’idée d’appartenir à une culture commune. Nous oublions
aussi souvent que les quotas d’immigration ont été sévèrement resserrés en
1924, non pas par pure méchanceté, comme le voudraient les sentimentalistes,
mais parce que le public et ses représentants s’étaient rendus compte que la
situation avait quelque peu changé et que des limites devaient être
appliquées.
Au XXIe siècle, les Etats-Unis
sont loin d’être faiblement peuplés, si ce n’est dans les régions typiquement
hostiles à la vie humaine – dans les régions où il n’y a pas d’eau, ou les
températures sont trop élevées ou trop peu, ou le climat est trop humide. L’Amérique
du Nord est un continent au sein duquel toutes les nations, y compris les
Etats-Unis, peuvent être décrites comme trop densément peuplées. Je ne m’attarderai
pas sur le fait que les énergies fossiles ont produit une multiplication du
taux de reproduction humain, et que leur déclin nécessitera une réduction de
la population. La question est de savoir à quel point cette étape s’avèrera
cruelle si nous ne faisons pas de la gestion de cette contraction une
priorité politique. La gestion du mouvement des personnes vers les Etats-Unis
en fait partie.
L’Amérique progressiste
prétend aujourd’hui que les conditions qui prévalaient au XIXe siècle sont
encore valables aujourd’hui, et que nous sommes capables d’accommoder sans
problèmes les flux entrants de voisins venus des pays eux-aussi surpeuplés
que sont le Mexique et le reste de l’Amérique centrale. L’approche
sentimentale adoptée par le New York Times est exactement ce qui empêchera la
prise de décision nécessaire au gouvernement national.
Je trouve intéressant que la
présumée candidate démocrate aux élections présidentielles de 2016 ait choisi
d’intituler son livre « Hard Choices »,
parce que c’est la prétention première du parti qu’elle représente. La
dernière chose que voudrait faire Hillary serait de prendre position sur n’importe
quel sujet qui pourrait lui barrer le chemin vers la Maison blanche.