François
Hollande est à l’offensive et Angela Merkel
fermement sur la défensive, avec tous deux en ligne de mire un compromis
lors du sommet de fin juin qui reste introuvable pour le moment. Quels en
sont les contours vu de Paris, Berlin campant sur la
proposition dilatoire d’une Union politique préalable et
l’utilisation en attendant des mécanismes existants, sur la base
d’une analyse voyant dans l’origine de la crise un endettement
public trop élevé et une compétitivité
insuffisante ?
Le
dispositif principal projeté repose sur le Mécanisme
européen de stabilité (MES) et sur sa capacité à
renflouer directement les banques sans passer par les États, avec
comme double objectif de ne pas accroître leur dette et de
découpler celle-ci de la dette des banques. En parallèle, la
BCE s’en verrait confier la surveillance, non pas afin de la rendre
plus transparente mais pour en rendre l’exercice plus
indépendant de la gestion politique des États. Une mesure
déjà soutenue par Angela Merkel. Mais
l’idée complémentaire est d’adopter le dispositif
d’Union bancaire en le restreignant aux seuls établissements systémiques,
afin de faciliter l’accord du gouvernement allemand, ce qui
rapporté à la situation espagnole le rend assez surprenant.
Il
est aussi question d’accorder au MES une licence bancaire, ce qui lui
donnerait accès aux liquidités de la BCE et contribuerait au
découplage déjà évoqué, les États
n’étant plus directement sollicités pour en garantir le
financement sur le marché. Mais autant le renflouement direct des
banques ne suppose qu’une décision des administrateurs du MES
– les représentants des États de la zone euro –
autant l’accès du MES à la BCE impose une révision
des Traités.
Quel
monnaie d’échange est-il possible de proposer à la
coalition allemande ? Rien de plus que l’adoption du traité de
discipline budgétaire, dont la ratification est déjà sur
les rails, avec des dispositions complémentaires. Une taxe sur les
transactions financières, qui risque fort de se résumer
à une opération de communication, une fois les décisions
finales arrêtées sur son assise effective et son taux. Et
surtout l’émission d’euro-obligations finançant la
tranche de la dette dépassant les 60 % du PIB de chaque pays, afin
d’en étaler le remboursement sur vingt ans. C’est la
reprise des préconisations de la commission des sages allemands.
Butant
sur son financement, le grand projet de relance par la croissance est
réduit à sa plus simple expression, une fois adoptée une
augmentation du capital de la Banque européenne d’investissement
(BEI) de 10 milliards d’euros. Une somme ridicule au regard de celles
qui sont par ailleurs mobilisées. Ce dernier volet est le parent
pauvre du projet, avec pour viatique les réformes structurelles
dont le but est de diminuer le coût du travail et de restreindre le
périmètre de l’intervention sociale publique.
Les
mauvais esprits, qui ne manquent pas, pourront faire valoir que, si ce plan
voyait effectivement le jour, il retirerait une belle épine du pied
des banques qui ne parvenaient pas à se tirer seules d’affaire.
Sous prétexte de ne pas faire payer les contribuables, en dépit
d’une taxe dont le rendement sera loin de suffire, il reviendrait
à mettre à contribution la BCE, dont les actionnaires sont les
États via les banques centrales nationales de l’Union
européenne. C’est d’ailleurs là où devra
intervenir une négociation avec les Britanniques, qui veillent
à protéger la City de toute régulation européenne
contraignante et demanderont des compensations dans ce domaine.
Quand au désendettement public,
son calendrier serait seulement étalé dans le temps, une simple
reconnaissance de ce qui de facto va de toute façon s’imposer.
Si, en utilisant le rebondissement de la crise comme levier, un plan A’
voit finalement le jour, il ne fera qu’ajuster une stratégie de
départ devenue impraticable.
Les
socialistes français et allemands sont au cœur de cette
évolution qu’ils tentent de favoriser, soutenus par les
gouvernements espagnols et italiens de droite qui ont tout à y gagner,
tout en préconisant encore des variantes. Mais l’adoption
d’un compromis lors du sommet de fin juin est loin d’être
acquis. Le plan français finalement adopté, les marges de
manœuvre resteraient très limitées, avec la
récession européenne comme principal obstacle qu’il
n’a pas les moyens de franchir. Il peut tout au plus permettre de
gagner du temps, ce dont la stratégie allemande n’est plus capable.
Un
tel résultat ne changerait pas la donne, car ce répit serait de
courte durée. La dette des banques espagnoles envers la BCE atteint
287,8 milliards d’euros, selon les statistiques de la Banque
d’Espagne. Moody’s vient de dégrader de trois crans la
note de la dette espagnole à long terme, désormais un cran au dessus de la catégorie «
spéculative ». Le taux à dix ans de la dette publique
frôle les 6,9 % ce jeudi matin. La poursuite du programme de
refinancement de la dette publique espagnole n’est plus possible, un plan
de sauvetage ne va pas pouvoir être évité.
Déjà sollicitées pour les banques espagnoles, les
structures européennes mises en place ne vont pas pouvoir y
répondre, impliquant l’intervention du FMI. Si les
marchés continuent comme probable à tendre les taux
obligataires italiens, une reconfiguration globale du sauvetage
européen sera indispensable afin d’éviter
l’éclatement de la zone euro.
En
Grèce, les pions du Tavli (*) sont
sur la table et le jeu a commencé…
(*)
Tavla, Tawla,
Backgammon, Jacquet…
Billet
rédigé par François Leclerc
Son livre, Les
CHRONIQUES DE LA GRANDE PERDITION vient de
paraître
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