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Cours Or & Argent

Des paris stupides

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Publié le 26 novembre 2010
1034 mots - Temps de lecture : 2 - 4 minutes
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Rubrique : Editoriaux

 

 

 

 

Si un seul mot devait résumer la journée d’hier jeudi, et en faire sans hésiter autant des suivantes, cela serait incontestablement celui de confusion. Dans le désordre, les autorités européennes continuent d’être à la remorque des événements. Et, quand elles veulent préparer l’avenir, elles tentent de bricoler des dispositifs successifs de sauvetage en les inscrivant dans un calendrier sans rapport avec la dynamique engagée.


Pour aller à l’essentiel : l’Irlande est plus que jamais le détonateur de la bombe espagnole. Afin de ne pas être totalement démunis quand, lundi prochain, les marchés ouvriront à nouveau – il n’y a plus que deux jours à tirer avant la trêve du week-end – les représentants de l’Union européenne et du FMI ont donc décidé d’adopter dès dimanche le plan de soutien à l’Irlande. Précipitant son chiffrage et abrégeant les négociations. Faisant une fervente prière pour que le nouveau budget irlandais puisse être adopté, dans une situation de crise politique et sociale qui rend cette perspective très aléatoire, puisque cette adoption est la condition sine qua non de l’aide.


Dernier recours quand tout va mal, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy se sont entretenus dans l’urgence. Pour décider de précipiter le mouvement afin de tenter de calmer le jeu. Faisant par la même un gigantesque contre-sens, car ce qui incite les marchés à continuer de faire monter les enchères et les taux obligataires irlandais et espagnols – créant même quelques remous bousculant les obligations allemandes et françaises - c’est le plan de sauvetage lui-même, et non pas son retard à l’allumage.


Nul ne peut croire, en effet, que l’Irlande pourra supporter le fardeau financier qu’il est prévu de mettre sur ses épaules. Surtout pas les analystes financiers. Le gouffre qu’offrent les banques irlandaises ne peut pas être comblé sans, dès maintenant, mettre à contribution leurs créditeurs, c’est à dire les banques britanniques, allemandes et françaises au premier chef. Le Financial Times a fait campagne en ce sens, et des rumeurs font état d’interrogations du FMI qui aurait considéré qu’il ne fallait pas autant charger la barque de l’Etat, aboutissant à des conclusions similaires.


Au pays des rumeurs, qui ne cessent d’enfler quand l’incertitude monte, il faut mentionner aussi les pressions exercées sur le gouvernement portugais par la BCE, afin qu’il sollicite lui aussi un soutien financier. Dans une tentative d’anticiper l’entrée jugée dorénavant inévitable du pays dans la zone des tempêtes, en espérant aussi établir ainsi une sorte de coupe-feu afin d’éviter que l’Espagne n’en fasse autant. Car les engagements espagnols sont très importants au Portugal.


José Luis Malo de Molina, le directeur général de la Banque d’Espagne, a clairement expliqué hier jeudi que « dans la situation actuelle de contagion, ce qui se produit est que, même si l’économie espagnole ne présente aucun des éléments de fragilité des économies grecque et irlandaise, la simple expectative des marchés peut mettre en difficulté son financement ». Cela vaut annonce de ce qui risque fort de se passer.


Comme on peut le constater, les autorités européennes ne se départissent pas de l’attitude qui ne leur a déjà pourtant pas spécialement réussi à deux reprises, dans le cas de la Grèce et de l’Irlande. Elles continuent de traiter la crise européenne au cas par cas, alors qu’il faudrait la prendre dans son ensemble. Mais cela supposerait de s’engager sur des voies qu’elles ne sont pas prêtes à explorer et emprunter. Faut-il avoir la foi du charbonnier ou une sacré dose de culot pour déclarer, comme vient de le faire Angel Gurria, le secrétaire général de l’OCDE : « L’euro, en tant que devise, a une longue vie devant lui. Il est vivant et se porte bien »…


Une même confusion règne quant à la suite des opérations. Des déclarations autorisées font état de l’éventualité d’augmenter les enveloppes affectées aux fonds de sauvetage, aussitôt réfutées par d’autres voix toutes aussi officielles. La Commission vient en effet de démentir l’annonce par Die Welt d’un doublement des moyens du fonds de stabilité (EFSF), après qu’Alex Weber, le président de la Bundesbank, en a envisagé la possibilité à Paris. Pourtant, il faudra bien faire face, le moment venu.


Jonathan Faull, en charge de la Direction générale marché intérieur et services de la Commission, a annoncé la tenue prévue en 2011 de nouveaux stress tests des banques européennes. Ce qui sonne comme une véritable reconnaissance de la vacuité des précédents. La déconfiture imprévue des banques irlandaises, au bord de l’écroulement, en étant l’exemple le plus criant. Ce qu’a reconnu le haut fonctionnaire, qui a voulu mettre les rieurs de son côté en plaisantant sur le fait que les tests déjà menés « n’avaient pas résistés »…


Le gouvernement allemand persévère dans ses projets de mécanisme de crise, en vue d’avancer au prochain sommet européen de mi-décembre. Contré par Jean-Claude Junker, avec sa casquette de premier ministre luxembourgeois, qui voudrait éviter que de nouvelles décisions franco-allemandes créent des faits accomplis sur le sujet très sensible de la participation des banques à la restructuration de la dette des Etats. Une crainte qui n’est pas fondée, si l’on écoute Christine Lagarde, la ministre française. Elle a en effet avancé que de telles décotes ne devraient être selon elle adoptées qu’« au cas par cas », ce qui prélude à un enterrement de première classe du projet. L’excellence des relations entre l’Allemagne et la France ne permettant pas de saboter plus ouvertement cet aspect du dispositif.

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Biillet invité : François Leclerc



Paul Jorion

pauljorion.com



(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.



Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).


 

 

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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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