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Cours Or & Argent

Dessous des cartes

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Publié le 25 mars 2011
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Rubrique : Editoriaux

 

 

 

 

A quoi tiennent parfois les choses ! L’avenir de l’Europe et de l’euro est désormais prisonnier des péripéties de la vie politique allemande, au fil des élections régionales qui se succèdent et que la coalition au pouvoir semble continuer à devoir perdre.

 

L’intelligence de la crise de la dette européenne et de sa solution se résumant pour Berlin à l’impérieuse nécessité de réduire par tous les moyens les déficits publics, il en découle deux conséquences qui éclairent les épisodes en cours, le gouvernement étant dans l’obligation d’être exemplaire sur ce terrain.

 

1. Tiraillée au sein de sa coalition, la chancelière continue de naviguer au plus près, cherchant à diminuer et étaler la contribution financière allemande aux fonds de stabilisation financière dans sa mouture actuelle, mais également en prévision de sa révision en 2013. Elle poursuit comme objectif de garder des marges de manœuvres financières pour 2013, année des élections au Bundestag.

 

Elle prend ainsi la responsabilité du maintien d’une indécision devenue une marque de fabrique, décrédibilisant les proclamations selon lesquelles « tout sera fait pour sauver l’euro », renforçant une crise qui ne manque par ailleurs pas de raisons de se poursuivre.

 

2. Pour les mêmes raisons financières, la chancelière a pesé avec succès de tout son poids, afin d’assouplir la méthodologie des tests bancaires, contribuant également à leur perte de crédibilité. Il s’agit simplement d’éviter que les tests ne révèlent la réalité de la situation des Landesbanken – les banques régionales – impliquant des recapitalisations qui incomberaient au gouvernement.

 

La règle constitutionnelle de limitation du déficit public instauré par le gouvernement actuel pèse déjà au-delà des frontières de l’Allemagne. C’est aussi le prix qu’il faut payer pour que les États dégagent le marché obligataire et laissent le champ libre aux institutions financières qui vont devoir augmenter leurs fonds propres. Une observation qui conduit à faire porter au système financier toute sa part de responsabilité dans la poursuite de la crise, en sus de celle qui peut être légitimement attribuée au gouvernement allemand.

 

C’est dans ce contexte que peut être appréhendée la bataille acharnée que mènent les mégabanques considérées comme présentant un risque systémique contre toute obligation supplémentaire du niveau de leurs fonds propres par rapport à celle qui a déjà été décidée dans le cadre de Bâle III. L’étendard de la révolte est toujours levé sur ce front par Josef Ackermann, sous sa double casquette de président de la Deutsche Bank et de l’Institute of International Finance, le lobby des mégabanques.

 

Afin de rendre le moins douloureux possible les renforcements des fonds propres qui vont de toute manière devoir intervenir dans le cadre de Bâle III, la voie de l’émission de CoCos – les obligations convertibles contingentes – continue d’être explorée, afin d’éviter de devoir élargir la base purement actionnariale du capital. La Banque d’Angleterre vient d’apporter sa contribution à ces tentatives en préconisant que le déclenchement de la mutation automatique de ces obligations en actions soit basée sur les critères du marché les plus simples possibles. Alors que le génie financier, à nouveau à l’œuvre, s’ingéniait à les rendre les plus complexes et obscurs possibles. On ne se refait pas.

 

Le problème est que les autorités de Bâle n’ont toujours pas tranché, afin de déterminer quels types de CoCos seront prises en compte et quels autres seront refusés pour le calcul des fonds propres. Les régulateurs semblent être toujours à la recherche des critères de déclenchement miracles mais introuvables. Garantir au mieux que la mutation des CoCos interviendra en temps en cas de problème est en effet indispensable pour leur agrément.

 

Aux pressions actuelles pour désengorger le marché obligataire est venue s’ajouter une terrible crainte des investisseurs financiers privés. Les amenant à anticiper le risque que des restructurations de dette souveraine puissent intervenir ultérieurement. Ce qui se traduit par de nouvelles tensions fortes sur les taux obligataires des pays les plus susceptibles d’en arriver là, la Grèce et le Portugal. Dans le cas de l’Irlande, la menace montante d’une restructuration de la dette des banques irlandaises produit le même effet.

 

La possibilité de devoir subir des restructurations est en effet désormais actée dans le mécanisme du futur fonds de stabilité financière européen, le MES, qui devrait entrer en vigueur à l’été 2013. La réponse des investisseurs privés n’a en conséquence pas tardé a être formulée, sous la forme d’une menace plus ou moins voilée d’un boycott des achats obligataires des pays périphériques.

 

Là s’exprime une contradiction manifeste d’intérêt entre le gouvernement allemand et les mégabanques, qu’il ne faudra pas manquer de suivre.

 

Billet rédigé par François Leclerc

 

Paul Jorion

 

 

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.   

 

 

 

 

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Paul Jorion, sociologue et anthropologue, a travaillé durant les dix dernières années dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il a publié récemment L’implosion. La finance contre l’économie (Fayard : 2008 )et Vers la crise du capitalisme américain ? (La Découverte : 2007).
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