Ce dimanche est un peu particulier. Je comptais, comme les précédents dimanche, vous proposer à la relecture l’un ou l’autre billet du passé, mais la circonstance justifie assez bien de procéder autrement. En remontant dans les archives, je suis tombé sur deux billets qui offrent un éclairage particulier à l’actualité du moment.
C’était il y a tout juste dix ans : le premier tour opposait alors 13 candidats, dont essentiellement trois se distinguaient par leur capacité à rejoindre le second tour. Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal et François Bayrou semblaient dans la course pour accéder à l’Élysée. On sait depuis que le gagnant fut Nicolas Sarkozy, et que les perdants furent plusieurs millions qui méditèrent pendant cinq longues années de façon plus ou moins calme sur l’ironie du système démocratique qui leur avait joué ce mauvais tour.
Dix années se sont écoulées et c’est donc avec le recul et le savoir que procure le temps qui passe qu’on peut revenir sur ce qui était écrit à l’époque. Ainsi, entre les deux tours, je proposais le billet « L’impossible vainqueur », qui notait que le débat qui avait opposé Ségolène Royal à Nicolas Sarkozy ne pouvait finalement admettre qu’un seul vainqueur, à savoir la candidate socialiste de l’époque.
Eh oui, on peut l’avoir oublié mais à l’époque mais les médias faisaient déjà l’extraordinaire travail qu’on constate encore de nos jours. Il y a dix ans cependant, leur crédibilité n’était pas aussi amoindrie qu’actuellement et lorsqu’ils accumulaient les articles pour expliquer pourquoi Ségolène Royal avait « gagné le débat d’entre deux tours », pourquoi elle avait montré une solidité de chef d’État, ces médias pouvaient encore faire illusion. Il est évidemment cruel de rappeler leurs analyses devant l’épreuve du temps : non seulement, Royal n’aura pas réussi à l’emporter devant Sarkozy, mais le recul permet d’affirmer que ce débat avait été particulièrement destructeur pour la candidate socialiste. Dans cette joute entre les deux candidats, on se rappelle qu’elle avait surtout enchaîné les sottises consternantes, depuis le raccompagnement de chaque policière en passant par le mélange de la comptabilité de l’État avec celle des assurances sociales, sans oublier sa méconnaissance inquiétante du nucléaire français.
Contre les évidences, la presse de l’époque avait déclaré péremptoirement un vainqueur et s’était donc planté, comme trop souvent lorsqu’elle verse dans le militantisme de base au lieu de s’en tenir à son simple devoir d’information. Depuis, dix années du même régime auront achevé de rendre les médias grands publics particulièrement fragiles. L’actuelle élection promet de confirmer encore cette tendance.
Au-delà de ce constat, je voudrais vous inviter à relire un autre billet, « Et maintenant ? », qui entérinait la victoire de Sarkozy.
Peu s’en souviennent en effet, mais les premières déclarations du nouveau président portaient sur… le changement, ce qui résonne, dix ans après, comme une musique particulièrement ironique :
« Le peuple français a choisi le changement. Ce changement je le mettrai en oeuvre parce que c’est le mandat que j’ai reçu du peuple et parce que la France en a besoin. Mais je le ferai avec tous les Français. »
Ah, oui, le changement ! Ce changement que, finalement, Nicolas Sarkozy se sera empressé d’oublier en rase campagne, dès les premiers mois de son quinquennat qu’il dilapidera en mesurettes évasives et inutiles ! Plus drôle encore, c’est ce même changement qu’on nous proposera ensuite, cinq années plus tard et pourtant caché sous les traits d’un parangon d’immobilisme, François Hollande. Changement qui, comme pour Sarkozy, se traduira par une grande bouffée d’air tiède et quelques bricolages sociétaux dont la France pouvait fort bien se passer, vu les urgences autrement plus importantes qui auraient dû l’occuper.
Déjà, en 2007, on sentait nettement poindre l’absence de réelle envie de changement. Et dès mai 2007, il était facile de comprendre que le quinquennat de Sarkozy ne se plaçait pas sous le signe de la réforme pourtant nécessaire des institutions, des codes et des mentalités françaises.
En mai 2007, j’écrivais que la voie pour une réforme de ce pauvre pays est tellement étroite qu’elle ne laisse pas beaucoup de place à la tergiversation. Malheureusement, le mandat de Sarkozy fut essentiellement bercé de ces tergiversations qu’il aurait fallu éviter. Quant à celui de Hollande, ce fut cinq années de bricolages millimétriques pour ne surtout pas bouger. Bref, en avril 2017, je peux réécrire exactement la même chose, à ceci près que la situation a empiré, et les cartes politiques sont bien plus floues qu’alors : élus, les candidats de la droite auraient fort à faire pour dégager une quelconque légitimité (s’ils y parvenaient seulement) ; les candidats de la gauche se bousculent et se caractérisent tous par, au mieux, un immobilisme parfaitement dans la pire lignée des dix années précédentes ou, au pire, par une volonté de retour vers un collectivisme comme on n’en fait plus que dans les catastrophes économiques sud-américaines.
Dix ans se sont écoulés, et le constat est sans appel : ce furent dix ans de perdus.
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