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Au-delà
du drame humain, la Banque mondiale cherche à évaluer les
coûts économiques liés à
l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest.
Dans un rapport publié le 17 septembre sur son site, elle avance le
chiffre faramineux de 49 milliards de dollars au cas où
l’épidémie s’étendrait à toute la
région. Face à des décideurs toujours plus prompts à
envoyer des soldats que des médecins, elle démontre
l’intérêt économique d’une action
résolue. Elle met aussi en évidence que l’aide ne peut
pas se limiter à une levée de fonds publics.
À ce
jour, l’épidémie, qui frappe la Guinée, le
Libéria et le Sierra Leone, a causé plus de deux milles morts
enregistrés, mais les experts craignent que les chiffres réels
soient deux à quatre fois supérieurs. Son effet se ressent
déjà dans les chiffres économiques de ces pays en termes
de manque à produire, de déficits fiscaux,
d’inflation, et d’augmentation de la pauvreté. Cet impact
inclut les coûts de santé et la productivité en baisse
des victimes, mais aussi, et de façon plus marquée, les effets
liés à la peur de la maladie.
Tout en
relevant la difficulté de l’exercice, le rapport cherche
à quantifier les pertes possibles pour les différents pays. La
Guinée, qui a réagi rapidement à l’apparition de
l’épidémie, pourrait encore s’en sortir avec un
impact relativement faible sur son PIB. Mais le Sierra Leone et le
Libéria seraient très sévèrement touchés
avec une réduction de leur PIB respectifs de 8,9% et de 11,7% en cas
d’aggravation de la crise. La propagation d’Ebola aux pays
voisins, Nigéria, Côte d’Ivoire, Sénégal
entraînerait une catastrophe économique régionale et
pourrait coûter jusqu’à 49 milliards de dollars.
« Les
plus grands effets économiques de la crise ne sont pas les coûts
directs (mortalité, morbidité, soins médicaux et
journées de travail perdues), » rappelle le rapport
« mais plutôt ceux provoqués par des changements de
comportement causés par la peur. » Lors des épidémies
récentes de SARS et du H1N1, les effets comportementaux ont
été responsables de 80 à 90 pourcent de l’impact
économique.
La semaine
dernière, le Président du Sierra Leone a lancé un appel
poignant où il expliquait que c’est précisément au
moment où son pays a le plus désespérément besoin
d’aide extérieure qu’on lui fait subir un blocus
économique. Des pénuries alimentaires commencent à
apparaître sous l’effet de la baisse de la production agricole
mais surtout de la désorganisation de tout le secteur du transport.
À l’intérieur du pays comme de l’étranger,
plus personne n’ose rejoindre les villes touchées par la
maladie. Le prix des assurances des bateaux se rendant dans la région
a augmenté et se répercute sur les marchandises. Le tout
alimente l’inflation qui elle-même pousse à des achats
paniques.
Il va de soi
que le tourisme est le secteur le plus touché. Les vols commerciaux
vers le Libéria sont passés de 27 par semaine à
même pas un par jour. Le taux d’occupation des hôtels ne
dépasse pas les 10 %. Dans les scénarios extrêmes de
contagion, le tourisme occupe une place particulièrement
importante. En effet, on n’ose imaginer les répercutions
sur ce secteur si la maladie devait s’installer dans un pays comme le
Sénégal.
La Banque
mondiale insiste donc sur l’importance de circonscrire rapidement
l’épidémie afin d’éviter un drame
régional qui se chiffrerait en dizaines de milliards de dollars. Mais,
à la lecture du rapport, il apparaît clairement que l’aide
ne peut se limiter à l’envoi de médecins et de
matériel médical. Le plus gros des pertes économiques
proviennent des comportements de peur. Il est donc important de mettre fin
à une communication purement émotionnelle destinée
à attendrir la population occidentale et d’aborder rationnellement
les quelques mesures de prudence élémentaire à suivre
pour voyager dans la région. En effet, le commerce international fera
plus pour aider les pays touchés que toutes les aides publiques.
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