Aujourd'hui,
la comptabilité n'existe plus.
Existent seulement des méthodes de comptabilité des échanges économiques, en nombre
croissant depuis la mi XXè
siècle.
A l'exception de l'une d'entre elles, celle de la "comptabilité
générale", ces méthodes témoignent non pas de la science, mais de la
"non science" de ceux qui l'échafaudent et qui se moquent des
relations contractuelles, des "relations de gré à gré" comme disent
les financiers.
Comme l'économie politique dont elle dépend, la comptabilité a en effet été
emportée fin XIXè début XXè
siècle par l'idée absurde que, pour être une science, il fallait que les
règles de droit fussent mises de côté et qu'une mathématique s'y étala sans
fin ou, plus exactement, avec au moins quelques éléments de "non
droit".
Par exemple, en 1935, John Hicks n'hésitait pas à proposer comme méthode de
la théorie de la monnaie (dont elle était absente), une comptabilité qui ne
mettait pas l'accent initial sur les règles de droit.
En 1988, Neil Wallace reviendra sur l'article non pour s'interroger sur la
comptabilité proposée, mais sur la notion de "friction" qu'y avait
introduit Hicks et qui a aujourd'hui beaucoup d'adeptes, pour expliquer que
des échanges sont parfois difficiles à réaliser.
Pour sa part, jusqu'à la décennie 1930, la France n'avait pas eu de
comptabilité nationale: son maître, l'I.N.S.E.E., sera créé en 1946.
1. L'importance du "non dit".
Les méthodes de comptabilité considérées ont comme seul point commun celui
d'être une mathématique souvent oubliée, la toute simple arithmétique.
A l'inverse, les différences entre les méthodes abondent.
Elles fleurent bon à concurrence de tel ou tel élément de la méthode comme si
l'un ou l'autre acquérait ainsi une importance économique.
Il y a donc la comptabilité générale, partie intégrante des règles de droit,
la vraie méthode, la "mise de côté", et les comptabilités autres
qui laissent plus ou moins de côté ces dernières règles et promeuvent les
réglementations.
Parmi les comptabilités autres, sans trop de règles de droit, mais avec
beaucoup de réglementations, il y a celles qui font intervenir les
intrépidités qui sont pondues par telle ou telle autorité à partir d'un
instant de temps et que doivent appliquer bon an mal an les acteurs
économiques ciblés dont, il faut y insister, les actes sont eux aussi mis de
côté au profit de leurs résultats.
Par exemple, en 1970, Joseph Schumpeter n'hésitait pas à définir ce qu'il
dénommait "monnaie" comme un 'instrument technique de la
comptabilité sociale' (cf. Jaeger C. (1998), "Conséquences " ;
traduction du chapitre 10 de l'ouvrage de J.A. Schumpeter "Das Wesen des Geldes", Journal des Economistes et des Etudes
Humaines, tome VIII, n°4, décembre, pp. 491-508, p.491), comme des
créances en un bien monnaie légale.
Dans la décennie 1960, la notion de "balance des paiements des Etats
Unis" a été transformée par l'autorité qui la fait apparaître en deux
grandes catégories: l'une est définie "sur la base des règlements
officiels" et l'autre "sur la base des liquidités" (cf. ce texte).
Aujourd'hui, certain s'interroge aussi sur les méfaits de la loi
Dodd-Franck aux Etats-Unis.
2. Soyons cohérents.
De deux choses l'une,
- soit les règles de droit n'ont pas d'importance et il faut se demander
pourquoi des gouvernements instillent des réglementations en leur lieu et
place,
- soit les règles de droit ont de l'importance et, dans ce cas, il faut
s'interroger sur la solution qu'est censée proposer la réglementation en question
à la règle ou aux règles de droit.
Dans ce dernier cas, en tout état de cause, les règles de droit ne sauraient
être mises de côté, mais au premier plan.
Sauf, bien sûr, à supposer que les règles de droit ne soient pas premières,
hypothèse qu'on laissera de côté.
3. Effets des règles de droit.
Points de départ conséquences des règles de droit, il y a les échanges
économiques qui sont conclus par vous et moi et qui donnent lieu à prix en
monnaie des objets ou des services et donc à comptabilités.
4. Ce que cachent les échanges économiques passés.
Laissons de côté l'absurdité de l'opposition des biens et des services
acclimatée par les parasites de tout poil.
Disons seulement qu'il y a les objets en propriété qu'on évalue
"biens" ou "maux" et dont on tire des services qu'on
évalue "biens" ou "maux".
Le cas échéant, on ne met pas le doigt sur les objets en propriété et on
s'intéresse aux seuls services comme s'ils tombaient du ciel.
Le "bien" cache ainsi soit un objet, soit un service, soit les
deux.
On ne peut que regretter que Vilfredo Pareto ait
écrit:
"Les biens se transforment les uns en les autres matériellement par la
production, économiquement par l'échange" (Pareto,
1896-97, §43)
ou bien encore
"Les biens économiques se distribuent sous l'action de la
concurrence" (ibid. § 416)
sans préciser ce qu'il mettait en particulier sous le mot "bien" et
sans faire référence aux actes économiques humains.
A d'autres moments, il a été mieux inspiré.
Le service témoigne d'un acte de vous ou moi qu'une analyse économique sans
concept d'"acte humain" laisse de côté.
Le service n'est pas un objet comme certains le supposent explicitement ou
non, par exemple, Gérard Debreu qui n'hésitait pas à voir dans le
"travail" un type de "tâche accomplie":
"Le premier exemple d'un service économique sera le travail humain. Sa
description est celle de la tâche accomplie [...]" (Debreu,
1960)
Une chose est certaine : les services s'échangent contre les services et le
premier à s'être attaché à ce principe est Frédéric Bastiat, les services en
question étant ceux que les hommes offrent à partir de leurs propriétés
personnelles.
5. Prix des marchés conclus et comptabilités.
Pour leur part, les quantités échangées d'objet ou de service évalué
"bien" l'ont été, chacun, contre un prix en monnaie.
Le ou les vendeurs avaient demandé en échange, synallagmatique ou
catallactique, une quantité de monnaie, le ou les acheteurs avaient offert
une quantité de monnaie.
La quantité de service vendue à un prix par l'un définit un revenu tandis que
la quantité de service achetée à un prix par l'autre définit une dépense.
Les méthodes de comptabilité n'existent que parce que des prix en monnaie ont
été conclus, faut-il le répéter, parce qu'il y a eu "marché" comme
disent certains en le regrettant.
Les prix en monnaie des objets ou services échangés hier, les taux d'intérêt
et taux de change d'hier sont trois façons de donner la même information
économique.
a. De la comptabilité en droits constatés à la comptabilité en faux
droits.
En conséquence de la mathématique choisie qu'avait été l’arithmétique dans la
comptabilité générale en droits constatés et qui n'existait qu'en conséquence
des règles convenues avec autrui - la comptabilité générale constituant une
véritable méthode mathématique alliant les règles de droit et celles de
l'arithmétique -, nos économistes n'ont pas hésité à "procéder à sa
modification tout en ne la modifiant pas".
Ils ont fait admettre, en partie, le principe des règles de l'arithmétique et
avancé non pas les résultats observés par les actes d'échange de chacun et la
monnaie à quoi ils donnaient lieu, mais ceux qu'inventaient leurs
imaginations réglementaires.
Ce furent aussi, à partir de la décennie 1930, la macroéconomie ou, depuis
plus récemment, la macroéconométrie, l'une et l'autre
fondées sur la nouvelle comptabilité nationale qui n'avait que faire de
l'acte d'échange de vous et moi et des substituts de monnaie bancaires
convertibles en monnaie or.
Et, en conséquence des réglementations monétaires intervenues depuis lors, la
comptabilité nationale, aux "principes" variables d'un pays à un
autre, s'est cru obligée de considérer marginalement les "néants
habillés en monnaie".
Pour autant, les faux droits des comptabilités nationales ne sauraient
harmoniser ces dernières, mais, au contraire, contribuer à les faire
dissoner.
b. Les réserves de change étranger officielles sont exemplaires.
Remarquable est ainsi la composition en "monnaie" des réserves de
change étranger officielles dont informe le Fonds monétaire international
périodiquement sous le sigle C.O.F.E.R. - la dernière en date a été publiée
le 28 juin 2013 - (cf. tab. ci-dessous).
Tableau
Evolution des réserves de change étranger
officielles
2001-2013
Source: http://www.imf.org/external/np/sta/cofer/eng/index.htm
Ces
réserves ne sont jamais que les quantités de "monnaie" émises par
des autorités monétaires étrangères et que détient l'autorité monétaire
ciblée.
Comme le souligne le F.M.I., les données sont, au départ, volontaires et
confidentielles:
"COFER data are reported to the IMF on a voluntary and confidential
basis.
COFER data for individual countries are strictly confidential."
En dépit du mot "réserve" qui est employé et qui ne témoigne en
rien d'une garantie non susceptible de contrefaçon publique, les quantités de
"monnaie" en question ne sont que des faux droits aux mains des
agents officiels, i.e. des contrefacteurs publics potentiels..., bref de la
"monnaie magique" sans commune mesure avec de l'or ou l'étalon de
son choix.
c.
"Prix et pas prix".
Sans
prix, pas d'échange d'objet, pas de marché conclu, pas de comptabilité ou
bien, alors, une économie plus ou moins socialiste dont l'autorité se donnera
de prétendus prix, une comptabilité et les imposera, et qui durera ce que
vivent les roses...
Les prix en monnaie sont vrais quand les échanges sont libres et, selon
Pareto, il n'y a pas de problème d'équilibre économique: l'équilibre est
déterminé.
Ils sont faux quand les échanges sont réglementés.
Il y a alors un problème d'équilibre économique car il y a indétermination...
Soit dit en passant, sans le citer, J.M. Keynes (1936) reprendra l'idée de
l'indétermination de l'équilibre et la résoudra prétendument en faisant
intervenir des actions de l'Etat.
On n'en est jamais sorti.
Reste que les prix conclus hier ne doivent pas être identifiés à des prix
futurs, comme beaucoup s'efforcent qu'il en soit ainsi, qui tomberaient du
ciel ou dont on ne sait de quelle élasticité de prix d'offre ou de demande
théorique ils pourraient bien provenir en pratique.
Des prix futurs convenus hier par des échanges à terme, oui; tout prix futur
d'un autre ordre, par exemple transposé d'un prix au comptant conclu hier ou
de l'imagination d'untel ou untel, non.
6.
Un dernier mot.
Prix d'échange libre et vraie comptabilité ne sont donc que deux façons de
dire la même chose sur les échanges économiques passés qu'à la suite, à sa
façon, la statistique pourra essayer de mettre à sa sauce, par exemple, en
construisant des indices, à partir d'éléments non économiques.
Mais cela est une autre histoire