Et comme ça, de la
bouche du volcan dormant qu’est la politique américaine, s’envole Hillary,
tel Rodan le reptile volant prétendant être Grand-mère l’oie. Maintenant qu’elle
virevolte officiellement autour de l’électorat, la presse grand public nous parle
des premiers croassements de sa campagne : elle sera « basée sur la
diversité, la discipline et l’humilité ». Des qualités attachantes pour
tout reptile volant, et rassurantes pour les électeurs qui pourraient
autrement craindre qu’elle cache quelque chose de plus sombre sous son aile.
A l’heure actuelle, l’Elmer
Fudd de la pièce est l’ancien gouverneur du Maryland, Martin O’Malley, qui a
le premier tiré dans la direction du Béhémoth volant en décrétant que « la
présidence des Etats-Unis n’est pas une sorte de couronne transmise entre
deux familles ». Mais il semblerait que ses propos n’aient provoqué qu’une
démonstration plus grande encore d’humilité de la part de sa victime. Hillary,
qui survole les champs de maïs de l’Iowa croassant des platitudes du genre « les
Américains ont su trouver leur chemin au travers des difficultés économiques »,
lancera bientôt une « campagne d’écoute » pour entendre les mécontentements
de chacun.
Point à noter :
non, ils n’y sont pas parvenus. Ils restent jonchés dans le paysage,
équivalents économiques de lésions thoraciques aspirantes, mais peut-être
certains d’entre eux ont-ils relevé avec satisfaction la hausse
époustouflante du S&P, couchés sur le bas-côté, les yeux rivés vers le
ciel. Peut-être sont-ils confortés par cette idée alors que la lumière s’éteint.
Peut-être leurs enfants auront-ils un jour la chance de devenir des employés
de Goldman Sachs. Le reptile volant ne demande qu’à être leur champion !
Il ne demande qu’à gagner leur voix – à l’ancienne, en achetant autant de
temps d’antenne que possible pour diffuser l’illusion de sa sincérité. C’est
sur de telles campagnes qu’est propulsé le déclin de l’empire.
Mais revenons-en à nos
moutons. Qu’est-ce que l’envol d’Hillary nous dit des partis politiques des
Etats-Unis ? Une domination aussi corrompue et sclérosée n’avait plus
été vue depuis que les derniers Bourbons ont paradé dans les couloirs de
Versailles. Selon moi, les Etats-Unis devraient être les témoins d’un
spectacle très particulier qui ira peut-être au-delà de la campagne de 2016 :
la désintégration de la normalité dans un climat de désordre et d’insurrection.
Hillary continuera de croasser des platitudes sur l’unité, la diversité et la
reprise, alors que l’économie sombrera vers de nouveaux extrêmes de
délabrement et que la colère du peuple approchera de la température d’ébullition.
Aucun des deux partis ne
fait preuve d’une compétence ne serait-ce que minime de compréhension des
crises qui menacent l’Amérique, ou encore le projet de civilisation
techno-industrielle. Si le peuple ne les renversait pas, les évènements le
feront. Au cours des mois qui précèderont les élections présidentielles de
2016, les Américains seront les témoins de la mort de leur « indépendance
énergétique » - une fantaisie concoctée par des spécialistes de la
propagande. Le miracle du pétrole de schiste s’envolera dans une fumée de
défauts d’obligations toxiques. La violence escaladera au travers de l’Afrique
du nord et du Proche-Orient, et menacera les réserves de pétrole du monde. Je
ne parierais pas gros sur la survie du roi Salman d’Arabie Saoudite et de la
région saoudite de l’Arabie, qui est le théâtre de conflits entre les clans
rivaux, avec en toile de fond le chaos semé par l’Etat islamique et le
sabotage potentiel du gigantesque terminal pétrolier de Ras Tanura, dans le
Golfe Persique. En comparaison, le fiasco de Benghazi ne ressemblera à rien
de plus qu’à un épisode des Trois Stooges.
Si un troisième parti
venait à naître de ce chaos, il se pourrait qu’il ne soit lui non-plus pas
porteur de salut. En 1856, les Républicains ont pris de l’importance alors
que les Whigs perdaient de leur signification et que les Démocrates romançaient
l’esclavage. La nation a alors dû endurer sa plus grosse convulsion. Cette
fois-ci, je ne suis pas sûr que nous nous en sortions indemnes.