On n’entend plus parler
que de ça. Les gouvernements nous forcent vers une société sans liquide.
Supposément, le prétexte en est le terrorisme, et la raison véritable un contrôle
accru. Il ne fait aucun doute que les politiciens cherchent toujours à gagner
plus de pouvoir, et l’interdiction de l’argent liquide semble être une étape
logique après la déclaration obligatoire des transactions en liquide. Je
pense en revanche qu’un facteur bien plus sérieux que la simple soif de
pouvoir se cache derrière cette décision.
L’abolition de l’argent
liquide s’inscrit parfaitement dans la politique des bail-ins. Une majorité
des gens s’imaginent qu’un bail-in représente le vol des dépôts de ses
clients par une banque. Il est donc sensé pour les gouvernements de vouloir
que leur peuple conserve son argent en banque, afin de le rendre plus
accessible au prochain bail-in.
Mais un bail-in n’est
pas simplement le vol des dépôts de ses clients par une banque. Il s’agit d’un
vol, dont le coupable est bien plus haut-placé. Pour reprendre l’exemple de
Chypre, qui a vu les dépôts de ses citoyens volés sous les yeux de tous, le
coupable a été la Grèce. Le pays a vendu des instruments faussement qualifiés
d’obligations, mais n’avait ni les moyens ni l’intention de les rembourser.
Ces obligations étaient de l’argent bidon. Le gouvernement grec a volé de l’argent,
en prétextant ne faire que l’emprunter.
Les banques chypriotes
ont investi des dépôts considérables sur les obligations grecques. Lorsque
les déposants s’en sont rendu compte, ils ont commencé à sortir leur argent
des banques. Comme ces dernières étaient insolvables, quelqu’un avait à
perdre au change. Un bail-in sert à transférer les pertes depuis les
actionnaires et les autres créditeurs vers les déposants.
Voici comment un système
monétaire corrompu peut corrompre également le système bancaire. Si les obligations
gouvernementales sont des actifs sans risque, alors les banques peuvent
livrer les fonds de leurs déposants aux gouvernements pour qu’ils puissent
les dépenser. Cela ne peut que très mal se terminer.
Une banque honnête
fermerait ses portes avant de brûler suffisamment de capital pour nuire à ses
déposants. En revanche, les régulations obligent les banques d’acheter des
obligations gouvernementales (au travers notamment de dépôts de court terme).
Les bail-ins ont donc été mis en place pour protéger les banques, bien qu’ils
violent les lois établies au fil des siècles.
La soif de contrôle et
les bail-ins ne sont ni l’un ni l’autre le facteur principal de l’abolition
de l’argent liquide. Les banques centrales se moquent du contrôle du peuple,
bien qu’elles soutiennent cette nouvelle guerre contre l’argent liquide. Les
bail-ins ne sont pas encore sur la table aux Etats-Unis, et pourtant, des
économistes et banquiers américains se sont exprimés en faveur de la mort du
liquide. Que se passe-t-il vraiment ?
Willem Buiter, de chez
Citi, ainsi que l’économiste d’Harvard, Kenneth Rogoff, sont assez
explicites. Les banques centrales sont à court de munitions. A mesure qu’elles
font baisser les taux d’intérêt, de plus en plus de gens retirent leur argent
des banques. Les banques en sont affectées, parce qu’elles font de l’argent
en empruntant à leurs déposants pour prêter à un taux plus important. Les
banques ne peuvent pas verser un taux positif pour gagner un taux négatif. Si
les taux d’intérêt des obligations gouvernementales son négatifs, alors les
banques doivent fixer les intérêts des dépôts encore plus bas.
Pour une étrange raison,
les déposants n’aiment pas payer les banques pour déposer leur argent auprès
d’elles. Bizarre, n’est-ce pas ? Alors ils retirent leur argent. Ces
retraits réduisent le financement des banques et les forcent à vendre des
obligations, ce qui pousse les intérêts à la hausse, contrairement à ce que
voudrait la banque centrale. Les paniques bancaires et les pressions liées
aux taux d’intérêt sont, notons-le, la raison pour laquelle
Roosevelt a rendu la propriété d'or illégale en 1933.
Cette préférence
temporelle qu’est le refus de perdre de l’argent est dangereuse pour les
banques centrales. Elle menace les fondations mêmes du système monétaire,
parce qu’elle pousse les gens à sortir du système centralisé. Si les banques
centrales ne répondent pas au problème, alors elles acceptent de perdre leur
pouvoir sur le peuple. Leurs taux d’intérêt négatifs les ont poussées dans l’impasse.
C’est pourquoi elles
viennent vous prendre votre argent. Mais elles devraient rester prudentes.
Les gens réagiront à leurs actions, ce qui les forcera à mettre en place de
nouvelles politiques, auxquelles les gens réagiront, et ainsi de suite. Les
banques centrales risquent la destruction de leurs devises.