Alors que les tensions géopolitiques croissent encore et que la campagne électorale américaine arrive à son apex dans quelques heures tout au plus, les coulisses d’internet bruissent des petits échos de grandes manœuvres que le grand public semble ignorer (à ses dépens ?)…
Il y a ainsi eu l’étonnante explosion du satellite Intelsat 33E, placé en orbite géostationnaire, et qui a spontanément (?) explosé le 19 octobre dernier. Oh, certes, il était fabriqué par Boeing et, de nos jours, il est rapide d’en conclure que l’explosion ou la perte totale d’un produit sortant de ce fabricant ne devrait pas surprendre.
Mais tout de même, la disparition soudaine de ce satellite de communication qui desservait des clients en Europe, en Afrique et dans certaines régions de l’Asie et du Pacifique laisse perplexe : l’orbite géostationnaire, c’est haut, tout de même et c’est dans une zone avec finalement peu de choses. La rencontre inopinée avec un météoroïde n’est pas impossible, bien sûr ; cependant, il en faut de l’énergie pour éparpiller le satellite en douzaines de débris (une vingtaine suivis par l’US Space Force, une cinquantaine par ExoAnalytic Solutions).
RosCosmos, l’agence spatiale russe a aussi confirmé, dans un Telegram posté le 22 octobre, qu’il y avait plus de 80 débris qui s’éloignaient rapidement de la trajectoire initiale du satellite. Au passage, elle note que « l’analyse des trajectoires des fragments formés montre que la destruction du satellite s’est faite en une seule étape et à haute énergie. »
L’enquête ne fait que commencer, mais certains ne se sont pas gênés pour imaginer des scénarios de guerre des étoiles. Grands fous, va.
Pendant ce temps, beaucoup plus bas, sur le plancher des vaches, d’autres faits étranges se déroulent dans les centres de données, notamment ceux de la WaybackMachine, cette initiative de l’Archive Internet qui consiste à parcourir tout le web et archiver (ou tenter d’archiver) le maximum de pages web accessibles publiquement : en effet, le mois d’octobre aura vu plusieurs attaques opérées sur ce site afin d’en récupérer des informations sensibles, et d’en altérer non seulement le fonctionnement mais aussi le contenu.
C’est ainsi que l’archive, qui permet à n’importe quel utilisateur de remonter dans le temps pour voir les sites et les informations capturées à de nombreuses dates dans le passé, a subi trois attaques qui ont obligé ses gestionnaires à interrompre son fonctionnement pendant plusieurs heures, le temps pour eux de nettoyer les traces des hackers et de remonter le site en accès à tous en lecture seulement.
Confrontée à ces attaques sans précédents dans la vie de cette archive (qui existe depuis le début du siècle), l’association non lucrative qui opère les serveurs et la ferme de données s’est fendue de plusieurs messages pour informer ses utilisateurs des efforts menés pour retrouver un service fonctionnel, avant d’annoncer, le 21 octobre dernier, avoir retrouvé un service à peu près normal.
Ces attaques sont intéressantes dans la mesure où la Wayback Machine permet – entre autres – de revenir sur les éléments, informations et faits publiquement affichés par différents sites à une date donnée, ce qui a régulièrement permis à certains journalistes, enquêteurs, internautes voire membre du système judiciaire de faire l’état des lieux de changements survenus au cours du temps pour modifier – voire camoufler – certaines informations.
Les attaques qui ont eu lieu ont, très officiellement du moins, largement impacté la qualité de service et apparemment permis de faire fuiter des millions d’informations personnelles (dont des mots de passe d’utilisateurs, par exemple) et poussent à présent Internet Archive à redoubler d’efforts pour sécuriser l’ensemble de ses opérations.
Cependant, il apparaît qu’au milieu de ces désagréments, certaines informations très ciblées ont ainsi disparues de l’archive. C’est en tout cas ce que rapporte
Matt Orfalea dans un tweet :
Surprise : les posts long de twitter (qui apparaissent dans le sous-domaine blog.twitter.com) ont totalement disparu de l’archive comme en témoigne l’absence de captures par WaybackMachine entre 2019 et 2024.
Coïncidence : c’est aussi dans cette période que sont apparus les TwitterFiles, ces explications détaillées (qui sont relatées dans quelques billets apparus sur ce blog comme ici, ici ou là).
Peut-on, comme certains sur X, arriver à la conclusion que ces piratages et ces fuites de données cachent des opérations plus subtiles d’effaçage de données compromettantes pour des acteurs majeurs du cyberespace ? La proximité des dates de ces attaques et de l’élection américaine laisse songeur, mais pas indifférent : un spécialiste des opérations psychologiques comme Mike Benz (évoqué ici-même) s’en est d’ailleurs ouvert dans un tweet remarqué par Elon Musk, le propriétaire de X.com qui mentionne au passage qu’en cas de besoin, il dispose de sauvegardes de son côté…
Enfin, difficile d’oublier que pendant plusieurs heures, l’indexation de la Wayback Machine n’a donc pas pu fonctionner. Si des informations auraient dû être capturées à ce moment, elles ne l’ont pas été. Peut-être certains pousseront un soupir de soulagement ?
Ces différents événements n’ont peut-être aucun rapport entre eux. Cependant, ils arrivent à point nommé, tout comme les tentatives régulièrement éventées d’influence massive (dans l’opinion publique, dans les campagnes électorales – tant aux États-Unis qu’ailleurs comme en Moldavie récemment, dans les réseaux sociaux, etc.) et dont, par exemple, Musk et X.com sont actuellement victimes : dernièrement, des documents fuités du Center for Countering Digital Hate révèlent que l’objectif principal de l’ONG est de « tuer le Twitter de Musk » en ciblant la publicité et en tirant parti des réglementations de l’Union Européenne, comme le détaille le journaliste Matt Taibi qui s’était déjà fait connaître pour une partie des TwitterFiles qui révélaient les collusions entre Twitter (et d’autres réseaux sociaux) et les agences de renseignements américaines, et la corruption complète du pouvoir américain et de l’administration Biden qui se servaient de cette collusion pour limiter la liberté d’expression, poursuivre leurs opposants politiques et répandre des intox.
Tout ceci forme une trame cohérente de ce qu’on peut appeler une « guerre cognitive » ou « guerre de cinquième génération », c’est-à-dire des actions militaires non cinétiques, telles que l’ingénierie sociale, la désinformation, les cyberattaques, ainsi que l’usage de technologies émergentes telles que l’intelligence artificielle et les systèmes entièrement autonomes. C’est essentiellement une guerre « de perception » dans laquelle le but consiste à façonner les opinions et les façons de penser des populations pour obtenir ce qu’on souhaite d’elles par d’autres moyens qu’un conflit armé (qui peut intervenir en phase finale).
Par exemple, cela peut revenir à infiltrer les universités et les médias pour façonner le discours idéologique et politique dominant afin (exemple pris au hasard, bien sûr) de démoraliser toute ou partie de la population, ou de lui faire choisir systématiquement des politiques qui l’affaiblissent, ce qui entraînera une bien plus faible résistance en cas d’invasion physique. Pratique, non ?
Pas de doute, alors que certains se battent commercialement pour obtenir votre temps de cerveau disponible, d’autres ont entrepris d’en remodeler les pensées, les motivations, les émotions, et il apparaît que l’étape suivante du conflit cognitif qui se déroule ces dernières années va se dérouler dans les prochaines heures, au moment où Trump affrontera une nouvelle fois le verdict des urnes, de leur bourrage et des douzaines de manœuvres que ne manqueront pas de lancer ses ennemis.
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