Probablement requinqué par le passage en force de la loi Macron grâce à la
judicieuse utilisation d’un 49-3 dégainé avec la subtilité d’une division
panzer dans une fabrique de porcelaine, le Premier ministre français a décidé
de se lancer sans attendre dans le prochain chantier sociétal qui devra
véritablement redéfinir la notion même de réforme dans le pays si l’on s’en
tient au bouillant chef de gouvernement.
Voilà donc Manuel Valls grimpé sur son fier poney de bataille, sabre au
clair et bicorne solidement arrimé à un cuir chevelu taillé avec soin, qui
lance maintenant le pays dans un « nouvel ordre social ». L’idée est de remettre
à plat le code du travail, ou disons, le temps de travail dans les
entreprises, ou la gestion de l’assurance chômage et des retraites
complémentaires ou … Enfin bon disons qu’on va faire des trucs pour assouplir
ici et là, et puis on va reprendre la main sur les organisations syndicales
ouvrières et patronales qui se chamaillent et … Mais pas trop, parce qu’il
faudrait éviter de bousculer la majorité présidentielle surtout avec le
congrès du PS en juin donc on va y aller mollo, enfin voilà. Moui vous voyez.
Oui, vous l’avez compris, un nouveau gros ballon d’air chaud se rapproche
de nous en se dandinant dans l’air humide et froid d’une situation économique
toujours aussi médiocre. Son capitaine François regarde derrière lui, le
timonier Manuel tripote des boutons en criant des ordres contradictoires, et
le lieutenant Emmanuel court à la salle des machines avec de gros dossiers
sous le bras pour faire croire qu’il est très occupé. Le ballon continue son
mouvement brownien, en espérant que le déplacement global, vu de loin,
satisfasse les autorités européennes…
Et pour le moment, ce n’est pas gagné. L’Hindenburg français est plus
balloté par les éléments que véritablement dirigé vers une destination dont,
de toute façon, personne à bord ne semble avoir été mis au courant. Dans ce
contexte, les petits coups de mentons volontaires de Valls destinés à
construire une société nouvelle viennent heurter frontalement les
gesticulations du même gouvernement visant à saboter le pouvoir d’achat et la
création d’emploi dans le pays.
J’en veux pour preuve l’acharnement dont Uber fait actuellement l’objet de
la part d’autorités françaises dont on se demande exactement le but officiel.
L’officieux, lui, est très clair puisqu’il s’agit, encore une fois, de
cimenter durablement les acquis spécifiques d’une corporation au détriment de
ses clients usagers et du développement
de nouveaux emplois en France (du reste, ce n’est pas comme si la France
avait vraiment besoin de ces nouveaux emplois et de ces nouveaux
développements, nageant qu’elle est dans le bonheur socialiste d’un
plein-emploi retrouvé depuis que François Hollande a pris les rênes du
pays !). Et si je parle d’acharnement, c’est bien parce que se
multiplient actuellement les actions juridiques contre ces mauvais Français
qui tentent de gagner de l’argent en vendant leurs services de chauffeur à
d’autres Français qui ont l’impudence de les payer pour.
C’est ainsi qu’à Bordeaux, par le truchement d’un arrêté préfectoral
drôlement bienvenu le 10 février dernier, trois automobilistes qui prenaient
en charge des passagers après des réservations effectuées via UberPOP,
l’application dédiée, ont été interpellés le week-end du 14 février, et leurs
dossiers transmis au parquet pour analyse en vue de poursuites éventuelles.
Parce qu’à Bordeaux, prendre des gens à bord de sa voiture est une offense
aux taxis. Parce qu’à Bordeaux, convoyer des connaissances, des amis, voire
de simples quidams qu’une application à la Facebook permet de contacter,
c’est scandaleux. Parce qu’à Bordeaux, ceux qui offrent ce genre de facilité
feraient bien mieux de trouver un autre job, tout comme ceux qui osent vendre
des gâteaux sans être officiellement des pâtissiers, ou ces profiteurs
haïssables qui osent, parfois contre un petit billet, dépanner une plomberie
bouchée ou une installation électrique défaillante. Bordeaux n’a pas besoin
ni de ces gens qui offrent leurs services, ni de ces consommateurs qui sont
prêts à les payer, ni de la concurrence introduite qui permettra de faire
baisser les prix et d’améliorer le pouvoir d’achat des Bordelais, ni même des
taxes et impôts que ces nouvelles activités engendrent. Bordeaux va bien,
Bordeaux n’a pas de chômeurs, Bordeaux emmerde ceux qui essaient de s’en
sortir.
Et d’ailleurs, c’est exactement pareil à Paris où, là encore, les forces de
l’ordre (en l’espèce, la division de la prévention et de la répression de la
délinquance routière de la Préfecture de police) ont interpellé de multiples
chauffeurs utilisant l’application UberPOP. Il faut dire que cette division
n’est pas trop débordée par le travail, l’absence totale de délinquance
routière étant maintenant connue de tous. Quant à la racaille, les
délinquants, les fraudeurs, les voleurs et les agresseurs, ils ont disparu de
la Ville Lumière, laissant à nos pandores de larges plages de temps libre
pour se consacrer au sain nettoyage municipal de cette engeance qui tente de
travailler.
Et même si l’affaire n’est pas exactement d’une clarté exemplaire (au
point qu’Uber ait déposé plainte contre la France à ce sujet), aucun
procès en correctionnelle n’ayant eu lieu jusqu’à présent (seule des
contraventions ont été infligées), les insupportables chauffeurs ont été
interpellés pour « exercice illégal de la profession de taxi »
et encourent jusqu’à un an d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende, parce
que conduire une personne consentante (et même prête à payer) du point A au
point B, si l’on n’a pas reçu l’autorisation officielle de l’État, ça mérite
largement un an de taule (et puis, derrière les barreaux, ça fait toujours un
chômeur de moins).
Nul doute non plus que la récente multiplication d’articles dans la presse
relatant les arrestations de ces dangereux hors-la-loi a pour but de bien
faire comprendre à tous l’ampleur du risque couru par ceux qui seraient
encore vaguement tentés de profiter du flou juridique qui règne dans le pays
et qui sera comblé, on en est certain, par les prochaines réformes que vont
tenter Emmanuel & Manuel, le couple tendance.
Comme on le voit, tout ceci est bien calé, bien propre, bien aligné :
à l’action, ferme et déterminée, qui consiste à cogner sur ces salauds de
Français qui font rien qu’à vouloir vendre des services de façon innovante,
se double une communication, ferme et déterminée, qui consiste à faire savoir
à tous les autres qu’aucune pitié, aucune compréhension, aucune adaptation et
aucune issue ne sera possible. Le salut passera par les Cerfas administratifs
et puis c’est tout.
Maintenant, je ne peux m’empêcher de me demander ce qui va se passer au
fur et à mesure que la plupart des autres services continueront de se faire
ainsi grignoter par l’une ou l’autre innovation, qu’elle soit issue ou non de
la révolution numérique. Quels arguments nos gouvernants sortiront-ils pour
empêcher les particuliers de livrer des plats préparés, comme on peut
l’observer actuellement en Espagne ? Comment parviendra-t-il à
empêcher les uns et les autres d’avoir un conseil juridique en ligne, pas
cher, en utilisant par exemple Expenli ? Comment lutter contre ces personnes qui
viendront s’occuper, chez vous, de votre gestion administrative (tâche
ingrate et grandissante, de nos jours), dont le service est pourtant déjà
disponible en ligne via Officéo ?
Plus généralement, comment diable le gouvernement, inévitablement assailli
des plaintes et des gémissements de toutes les professions protégées, pourra
trouver les bonnes excuses pour tabasser moralement, fiscalement et
judiciairement toutes ces sociétés dont les applications participent d’un
modèle éminemment disruptif et qui entraîneront, à terme, le remplacement de
pans entiers de l’économie telle qu’on la connaît par un autre système en
gestation actuellement ?
Oh, je ne m’inquiète pas. Il trouvera. Maintenant, je me demande si cela
va améliorer vraiment le bien-être général de la population :
combattre la création d’emploi et le pouvoir d’achat des Français, est-ce
bien raisonnable ?
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