S’il est un mythe qui supporte la folie que sont nos
politiques monétaires et, par extension, nos politiques fiscales, c’est bien
l’idée que la monnaie doit être définie et contrôlée par le gouvernement. Compte
tenu du rôle de la monnaie au sein d’une économie – la moitié de chaque
transaction – rien ne pourrait être plus destructeur du bien-être de la
population que l’usurpation de la monnaie par le gouvernement sur les
marchés.
La monnaie était autrefois une marchandise
commercialisable (Ludwig von Mises, 1912).
Aujourd’hui, elle est ce que le gouvernement décide qu’elle soit, et depuis
1933 aux Etats-Unis, elle n’est que morceaux de papier ou substituts digitaux
émis par la banque centrale et ses membres, les banques commerciales.
Quel est le problème avec le fait que le gouvernement ou
son agent, la banque centrale, définisse la monnaie et régule sa
disponibilité, qui revient en pratique à gérer le taux auquel la quantité de
monnaie augmente ?
Premièrement, cette monnaie n’est pas la leur, elle
n’appartient ni au gouvernement ni aux banques centrales. Les banques
obtiennent des fonds de la part de déposants et d’investisseurs. Tout ce
qu’elles créent d’elles-mêmes au travers du prêt de réserve fractionnaire est
une fraude, parce qu’elles garantissent ainsi le même dollar à l’emprunteur
et au déposant. Le gouvernement tire ses revenus de menaces de violence et ne
peut pas en réclamer la propriété de plein droit.
Mais laissons de côté la question de la propriété.
Pourquoi est-ce un arrangement dangereux pour l’économie ? Parce que le
système bancaire supporté par le gouvernement est un racket, une contrefaçon.
L’acte de contrefaire de la monnaie consiste à dupliquer un change légal et à
le faire passer pour légitime. Ce processus permet au contrefacteur de faire
défaut lors de la transaction parce que la monnaie qu’il utilise ne
représente pas les biens et services produits. L’augmentation de la masse
monétaire que cela induit fait pression sur le pouvoir d’achat de l’unité
monétaire, et les détenteurs de la monnaie qui existait déjà se retrouvent à
payer les achats du contrefacteur.
Murray Rothbard discute du
processus de contrefaçon dans son livre intitulé The
Mystery of Banking.
La contrefaçon et l’inflation de la masse monétaire qui en
résulte est un processus par lequel certaines personnes – celles qui les
premières possèdent cette nouvelle monnaie – tirent des bénéfices aux dépens
de ceux qui la reçoivent après (elles les exproprient). Et ceux qui
bénéficient les premiers d’une contrefaçon sont bien entendu les
contrefacteurs eux-mêmes.
Le gouvernement est supposé appréhender les contrefacteurs
et les punir. Mais que se passe-t-il lorsque le gouvernement lui-même est
coupable ? Dans ce cas, il n’est pas nécessaire pour nous d’espérer le
voir combattre sa propre activité – p.36-37.
Les rois pouvaient autrefois dévaluer leurs pièces et
faire passer les nouvelles pour des vraies, mais ce processus était lent et
ne leur rapportait pas beaucoup de revenus. En plus de cela, les gens ont
fini par découvrir comment différencier une vraie pièce d’une contrefaçon.
Ils voyaient cette activité comme une fraude, et non comme un moyen
d’augmenter le PIB, de rendre les prix des exportations plus compétitifs ou
de stabiliser les niveaux de prix.
Le papier monnaie a changé tout cela.
Les gens ont déposé leur or et leur argent auprès de
banques pour qu’ils y soient gardés, puis ont utilisé des morceaux de papier
en tant que substituts monétaires. Les banquiers n’ont pas tardé à apporter la
preuve qu’on ne pouvait leur faire confiance. Ils ont cédé à la tentation de
prêter certains des dépôts avec intérêt après avoir observé que les gens
étaient heureux d’utiliser du papier pour finaliser leurs transactions et ne
l’échangeaient quasiment plus contre leur or ou leur argent.
Lorsque les déposants et les possesseurs de papier
demandèrent leur métal et que les banques ne parvinrent pas à satisfaire leur
demande, le gouvernement permit aux banques de refuser de leur donner ce
qu’ils voulaient sans pour autant faire faillite.
Fermer la porte aux détenteurs légitimes de billets et aux
déposants fut embarrassant pour les banques, et tout à fait non-profitable.
Ainsi, aux Etats-Unis, les banquiers les plus importants finirent par faire
accepter une loi en 1913 qui donna naissance à la Réserve Fédérale.
L’économiste Joe Salerno décrit
la Fed comme un outil de cartellisation qui limite l’accès et régule la
compétition au sein de l’industrie bancaire de réserve fractionnaire et est
capable de la soutenir, garantissant ainsi ses profits et socialisant ses
pertes.
Durant plusieurs années, cet arrangement fit face à un
problème de taille : l’or. Les banques centrales auraient parfaitement
pu contrefaire l’or, mais les fausses pièces auraient été différentes des
vraies et auraient pu être détectées. Du point de vue du contrefacteur, la
beauté de la monnaie papier réside dans le fait que tous les billets se
ressemblent.
L’or fut finalement décrit
comme l’un des éléments déclencheurs de la Grande Dépression, et la monnaie
papier, son substitut, devint lui-même une monnaie. Le président que le
peuple avait élu confisqua son or et le plaça à Fort Knox. Puisque des
dollars peuvent aujourd’hui être créés en appuyant sur un bouton, des
déficits de plusieurs trillions de dollars peuvent être financés par des
politiques incessantes de quantitative easing.
Aujourd’hui, les riches deviennent toujours plus riches et
les pauvres toujours plus pauvres. Ce n’est pas en raison du ‘capitalisme’,
mais parce qu’un système monétaire supporté par le gouvernement enrichit les
contrefacteurs et bénéficiaires aux dépends des autres détenteurs de dollars.
Ironiquement, Milton Friedman, qui n’était jamais un grand
partisan de l’étalon or, a un point de vue inestimable sur
la manière dont cela fonctionne:
Si une monnaie domestique consiste en une devise
ressource, un étalon or ou un étalon de pain complet, les principes des
politiques monétaires sont très simples : il n’y en a pas. Une monnaie
qui est aussi une ressource prend soin d’elle-même – p.366.
Aujourd’hui, les politiques monétaires consistent en des
degrés variés de contrefaçon. C’est pour cela qu’il faut que le gouvernement
libère la voie à la monnaie désignée par les marchés – quelle qu’elle soit –
et la laisse prendre soin d’elle-même.