Propos recueillis par Grégoire Canlorbe
I. L'école autrichienne et la théorie
de l'entrepreneur
1. Comment présenteriez-vous au non
initié l'école autrichienne d'économie? Quelles sont les grandes spécificités
de ce courant par rapport à l'école néoclassique, qui est actuellement le
courant orthodoxe de la science économique?
Je
souhaiterais avant de répondre à toutes vos questions vous remercier pour
l'intérêt que vous portez à mes recherches et à ma vision des sciences
économiques et de l'école autrichienne en particulier.
Je pense que
la meilleure présentation des différences entre l'école néoclassique et
l'école autrichienne a été faite par Jesús Huerta
de Soto dans son livre d'introduction à ce courant de pensée intitulé L'école
autrichienne. Marché et créativité entrepreneuriale(1). Parmi toutes les
différences entre le courant orthodoxe et l'école autrichienne, la plus
importante me semble être aujourd'hui son refus de penser l'économie de
marché à partir de la théorie de l'équilibre.
Je sais que
cette manière de penser l'école autrichienne a longtemps fait débat, le
dernier en date fut le rôle équilibrateur que Kirzner donna à l'entrepreneur, mais cette perspective
processuelle des ajustements qui animent les marchés est ce qui permet de
tenir compte de l'incertitude, de l'ignorance des acteurs et du temps de la
conscience. Il permet de rompre avec l'univers mécaniste de la physique
sociale du modèle walrasien. Il permet entre autres
de renverser totalement la vision que les économistes doivent avoir du rôle
des prix dans un marché.
Il est vrai
que le prix de marché est imparfait et qu'il est parfois nécessaire de
compléter l'information prix par des connaissances supplémentaires pour
prendre une bonne décision, mais il est vrai aussi que sans cette information
prix capable de révéler le montant des ressources que les individus sont
prêts à sacrifier pour obtenir un bien, la coordination des agents sur les
marchés serait encore plus imparfaite. Ainsi partir de l'ignorance permet de
conférer au prix de marché un rôle positif, alors que partir d'une hypothèse
d'information parfaite ne conduit qu'à sous-estimer l'importance de
l'information prix dans le calcul économique et, in fine, la coordination et
la stabilité des marchés.
2. Dans quelles circonstances et pour
quelles raisons êtes-vous devenu un autrichien? Fut-ce à l'université ou
avez-vous découvert Mises, Hayek et les autres en autodidacte?
Comme on peut
s'en douter, dès que l'on est passé par le système universitaire français et
peut-être aussi des autres grandes universités américaines et européennes, ce
type de message n'est pas enseigné. Je suis autodidacte de l'école
autrichienne comme de nombreux économistes qui se sont intéressés à cette
école de pensée et à sa manière de penser l'économie de marché, la monnaie,
le temps, etc.
Cette absence
d'enseignement de l'école autrichienne dans les universités s'explique par le
fait que les économistes estiment qu'il y a des choses à savoir et des choses
qui relèvent de l'histoire de la pensée et/ou d'une spécialisation. Ce qu'il
faut savoir dans les universités, c'est le modèle walrasien
(Arrow-Debreu) de concurrence pure et parfaite qui passe à tort pour le
modèle parfait d'économie de marché. Tout en découle, car si on n'enseigne
pas l'école autrichienne, les jeunes chercheurs sont obligés de repartir de rien. Ils redécouvrent alors les résultats
des grands auteurs et en oublient d'innover, de proposer de nouvelles
analyses.
Je pense pour
cette raison qu'il faudrait vraiment réussir à créer un pôle de recherche
d'excellence fondé sur les apports anciens et modernes des auteurs qui
appartiennent à ce courant de pensée, le mot courant étant finalement plus
approprié que le mot école qui laisserait supposer qu'il n'y a aucune
diversité dans l'école autrichienne, ce qui n'est pas le cas.
3. Avez-vous des auteurs de référence
au sein du courant autrichien? Peut-être avez-vous également des auteurs «
mal aimés », je veux dire des auteurs que vous jugez moins intéressants,
voire carrément dispensables?
Cette question
me permet de rebondir sur l'absence d'école au sens strict, notamment parce
que l'immigration de l'école autrichienne aux États-Unis (Karen Vaught) a créé une école austro-américaine fondée sur une
culture économique très différente de celle qui avait été à l'origine des
travaux de Carl Menger.
L'opposition
désormais institutionnalisée entre les Misesien-Rothbardiens
et les Hayékiens-évolutionnistes n'en est que la
conséquence. Dans cette opposition qui est parfois exagérée je me range du
côté de Hayek.
4. Mises,
Hayek et avant tout Kirzner ont contribué à
développer la théorie dite autrichienne de l'entrepreneur, pour laquelle vous
manifestez un intérêt indubitable. Kirzner fait de
la « vigilance » (« alertness ») la qualité propre
de l'entrepreneur, i.e. celle qui le distingue de toutes les autres figures
économiques. Kirzner s'efforce de démontrer que
cette vigilance au profit est la clef de la croissance: sans entrepreneur, la
croissance stagne ou décroît. Pourriez-vous rappeler succinctement quels sont
les tenants et les aboutissants de la définition avancée par Kirzner? En quoi la « vigilance » de l'entrepreneur
est-elle au fondement de la croissance économique?
Je crois en
effet beaucoup à cette idée qu'Holcombe (1998,
QJAE) a popularisée sous le slogan « l'entrepreneur est le génie du
développement ». Elle est soutenue d'ailleurs bien au-delà du courant
autrichien et des sciences économiques, car la théorie de l'entrepreneur de Kirzner est beaucoup plus populaire en sciences de
gestion qu'en sciences économiques. Elle a plusieurs conséquences.
La première
est qu'elle permet d'unifier toutes les théories de l'entrepreneur (Knight,
Say, Schumpeter) autour d'une notion, la vigilance aux opportunités de
profit: profit d'arbitrage (vendre plus cher que l'on achète), profit de
spéculation, et profit d'innovation (Schumpeter). Ce qui caractérise un
entrepreneur, c'est cette posture vis-à-vis du marché qui lui permet de
percevoir les opportunités de profits, i.e. l'existence d'échanges
mutuellement avantageux non encore perçus par les autres agents sur les
marchés. La conséquence de cette vigilance est que l'entrepreneur est celui
qui réduit les poches d'ignorance. En important du blé italien en France,
l'entrepreneur révèle aux producteurs français que leur productivité est
insuffisante et aux consommateurs qu'ils peuvent acheter leur blé moins cher
et dégager ainsi du pouvoir d'achat qui nourrira d'autres marchés et
entretiendra le cercle vertueux de la création de richesse par l'apparition
de nouvelles opportunités de profits.
5. Kirzner explique les opportunités de profit par les
déséquilibres de prix; en d'autres termes, l'entrepreneur a un rôle à jouer
dans la coordination économique parce que le modèle d'équilibre général
défendu par les néoclassiques n'est pas valable dans la réalité. Dans le
monde réel, les prix étant impuissants à garantir un équilibre perpétuel du
marché, l'entrepreneur prospère sur les situations de déséquilibre. Qu'est-ce
qui justifie cette vision dynamique du marché dans l'analyse de Kirzner? Pourquoi le marché connaît-il non pas un état
statique d'équilibre, mais une perpétuelle tension vers l'équilibre?
La théorie des
processus de marché est dynamique parce qu'elle décrit le processus
d'apprentissage à l'oeuvre sur les marchés à
travers l'interprétation de l'information prix. Cela explique pourquoi il y a
de l'ambiguïté, des erreurs, des regrets, des succès et des échecs sur les
marchés. Mais cela explique aussi pourquoi il s'agit d'un processus et non
d'un équilibre. Le marché n'est jamais l'équilibre parce que ce qui guide les
marchés, c'est un principe d'efficacité dynamique.
Le problème de
l'ordre économique n'est pas d'éviter les erreurs et de se placer directement
à l'équilibre, mais de les corriger. Si Lachman
soutient à juste titre que le marché ne tend pas à l'équilibre c'est parce
que le futur n'est jamais la reproduction du passé. Il est impossible alors
de penser que la correction des erreurs d'aujourd'hui m'assure contre de
nouvelles erreurs, car la connaissance du futur dans un monde incertain est
par définition impossible. Anticiper est en ce sens toujours un saut dans
l'inconnu. L'ajustement est perpétuel et aucune tendance à l'équilibre n'est envisageable.
6. Dans un
article de 2007, en synthétisant les divers travaux qui ont cherché à
compléter la théorie de Kirzner, vous avez proposé
trois éléments d'explication supplémentaires pour les opportunités de profit.
Selon votre article, le nombre des opportunités de profit s'explique par
l'importance des déséquilibres de prix, par l'inefficience des firmes
présentes sur le marché, par le nombre d'opportunités lui-même et par le
degré d'ambiguïté de l'information disponible sur ces opportunités. Pourriez-vous
revenir sur chacun de ces trois facteurs d'explication supplémentaires?
Ces trois
facteurs sont présents dans la littérature théorique et empirique sur
l'entrepreneur. L'idée est qu'il est d'autant plus probable que les
entrepreneurs perçoivent une opportunité de gain que le nombre de ces
opportunités est important. On comprend alors pourquoi chacun de ces facteurs
peut expliquer la dynamique entrepreneuriale d'un pays.
L'effet du
déséquilibre de prix a déjà été présenté dans ma réponse à la question 5. Un
déséquilibre de prix est la condition d'un profit d'arbitrage. L'exemple du
blé a expliqué en quoi cela avait un effet sur la croissance économique, mais
aussi sur la dynamique des opportunités.
L'inefficience
des firmes est généralement mesurée par leur taille. On s'attend à ce que des
organisations de grandes tailles soient moins efficaces, i.e. moins
flexibles. Elles vont alors permettre à des nouveaux d'entrants de venir sur
leurs marchés et de proposer aux consommateurs des services et des biens plus
compétitifs. On retrouve l'idée que l'opportunité de profit relève d'une
défaillance, d'une erreur de perception. Cela explique pourquoi il n'y a pas
tendance à l'équilibre. Les erreurs créent les écarts de prix, l'inefficacité
des firmes, nourrissent l'ambiguïté des informations disponibles sur le
marché et sa propre dynamique.
C'est parce
que les producteurs français se trompent, i.e. n'utilisent pas efficacement
leurs ressources, qu'il existe un écart de prix avec ce qui se passe en
Italie et qu'il existe une opportunité. C'est parce que le manager ne perçoit
l'inefficacité de la combinaison productive de sa firme que des entrepreneurs
peuvent entrer sur son marché et lui prendre des clients. C'est parce que
l'information est ambigüe que ce n'est pas ceux qui investissent le plus qui
vont forcément gagner le plus. Un bon investissement peut souvent être plus
profitable qu'un gros investissement.
La qualité des
anticipations dépend de la qualité de la perception, de la représentation que
les entrepreneurs ont du marché. C'est ce qui fait la pertinence de la
théorie de l'entrepreneur. Elle propose un discours général sur la
singularité des faits sociaux. L'entrepreneur est l'agent du changement. Il
est celui qui corrige les erreurs passés et en tire en profit.
7. La théorie
schumpétérienne de l'entrepreneur fait de la capacité à innover (et non la
vigilance au profit) la caractéristique propre de l'entrepreneur. Le profit
trouve son origine, selon Schumpeter, dans un acte créatif de l'entrepreneur;
et non dans un déséquilibre des prix, comme chez Kirzner.
Par-delà ces divergences fondamentales entre Schumpeter et Kirzner, les visions schumpétérienne et kirznerienne de l'entrepreneur peuvent-elles trouver un
terrain de conciliation?
Comme je l'ai
implicitement dit dans ma réponse 4, en définissant l'entrepreneur par une
posture vis-à-vis du marché, Kirzner englobe toutes
les définitions de l'entrepreneur disponibles. L'innovateur est celui qui
perçoit un profit d'innovation.
Ensuite
l'opposition Kirzner–Schumpeter sur l'entrepreneur
force d'équilibre versus l'entrepreneur force de déséquilibre n'a plus lieu
d'être dans une vision authentiquement processuelle des marchés où les agents
corrigent à l'infini leurs erreurs d'appréciation. L'économie de marché est
un monde ouvert.
8. En 2007,
dans un article non plus de science économique à proprement parler mais de
philosophie morale, vous avez proposé de définir l'entrepreneur comme un «
homme prudent », mobilisant ce faisant le concept aristotélicien et thomiste
de la prudence. Pourriez-vous synthétiser les raisons qui ont motivé votre
choix d'ériger la prudence en caractéristique essentielle de l'entrepreneur?
Eh bien, c'est
cette vision indéterminée du monde qui caractérise l'économie de marché et
les travaux de Arnaud Pélissier Tanon
qui m'ont conduit à m'intéresser à la vertu de Prudence. J.B. Say qualifie
l'entrepreneur d'homme prudent. Je trouve que cette définition est parfaite
pour le courant autrichien car elle inscrit l'homme dans un monde ni déterministe
ni contingent, ce qui dans la philosophie aristotélicienne (Aubenque, La prudence PUF, Quadrige) est un préalable à
l'action. On a ainsi les conditions de l'action qui est la base de la théorie
misesienne.
Ensuite, un
monde ni contingent ni déterministe permet de soutenir la position médiane de
Kirzner–Garrison dans les
débats avec les post-keynésiens et les économistes
qui ont suivi la position radicale de Lachman sur
l'obsolescence de la connaissance. La connaissance singulière est
obsolescence, mais la connaissance générale survit à l'expérience. Ma
connaissance des choses: table, cheval, besoin de dormir, de se nourrir,
etc., ne meurt pas avec mon histoire. Ma connaissance de la liberté non plus.
Là j'y vois la place de la connaissance a priori au sens réaliste.
Enfin le monde
est non déterministe, il laisse une place au libre arbitre, à l'action. Il
impose la figure de l'entrepreneur, car il donne les conditions que l'homme
puisse s'insérer dans le monde pour le modifier à son avantage.
Pour conclure
ce point, je vois aussi dans la théorie de la prudence et plus précisément la
théorie de délibération, un moyen de bien distinguer les trois étapes de la
décision: imaginer les mondes des possibles, juger de leur plausibilité, et
commander au moment opportun. La théorie de la rationalité parfaite traite de
manière imparfaite uniquement l'étape du jugement. Elle oublie complètement
le moment où j'imagine mes mondes des possibles. Cela a une conséquence très
importante, chaque individu a ses mondes des possibles.
Les anticipations sont hétérogènes. Cela signifie qu'un monde décentralisé où
chacun peut expérimenter ses propres alternatives
produira plus de connaissance qu'un monde où un décideur unique imagine le
futur pour tout le monde et le met en oeuvre.
II. L'histoire des institutions de la
liberté
9. Dans un
article de 2008, vous avez proposé une explication originale de l'émergence
en Europe, à partir du XVIIème siècle, de la liberté politique et économique
et ce faisant du capitalisme moderne (capitalisme d'entreprise), lequel
présuppose la liberté politique et économique. Vous défendez deux thèses: la
première est que le capitalisme et la généralisation du marché sont nés en
Europe parce que le territoire européen était fragmenté et favorable au polycentrisme
et à la concurrence institutionnelle. Pourriez-vous revenir sur ce premier
élément d'explication?
Ces deux
thèses ne sont pas originales. La question de l'émergence des institutions de
la liberté s'impose dès lors qu'il a été montré qu'un ordre décentralisé est
plus performant qu'un ordre centralisé. Comment l'Europe a inventé ce type
d'ordre? La littérature oppose généralement la thèse de Montesquieu par les
facteurs géographiques à la thèse de Weber par la religion et à la thèse de
Kant par la concurrence entre les institutions.
J'ai cherché
dans mes premières recherches à articuler ces trois explications de la
manière suivante. La fragmentation politique a été favorable à
l'expérimentation institutionnelle. Pour survivre, il a fallu que les États
imitent les expériences réussies des autres États; et parfois qu'ils
innovent. Le principe est simple: sans une bonne économie, un État n'a pas la
base fiscale suffisante pour répondre aux attaques de ses concurrents; en
l'absence d'alliances fortes avec d'autres États, et conformément au principe
de Bertrand de Jouvenel selon lequel le pouvoir cherche toujours à détruire
les pouvoirs concurrents, un État est toujours menacé par l'existence d'un
autre État.
La concurrence
entre les États a alors initié des expérimentations institutionnelles qui ont
permis à l'Europe de découvrir les institutions capables de reconnaître à
chacun un droit sur eux-mêmes et les fruits de leur travail. L'articulation
avec la géographie de l'Europe était alors toute trouvée, car les tenants de
cette thèse soutiennent que l'Europe est un continent fragmenté
géographiquement, nombreuses péninsules, etc., et que cela explique la
fragmentation politique.
L'enchainement
est alors le suivant. La fragmentation géographique de l'Europe explique sa
fragmentation politique, la concurrence et l'expérimentation institutionnelle
et in fine l'invention du développement économique au sens de D.C. North, i.e. une croissance de la production supérieure à
la croissance de la population.
10. La seconde
thèse que vous avancez est que « l'éthique de la liberté », condition
idéologique du capitalisme moderne, a pu se répandre sur le territoire
européen parce que l'Europe avait été unifiée entre le Vème
et Xème siècles par la religion chrétienne, laquelle est favorable à
la reconnaissance de cette éthique de la liberté. Dans quelle mesure, selon
vous, l'Église s'est-elle montrée en effet soucieuse de promouvoir la liberté
politique et économique?
La thèse
wébérienne est été largement discutée et critiquée.
Elle ne lie pas capitalisme et réforme. Je fais la même analyse, mais en
étendant le propos au christianisme. Les institutions de la liberté sont un
effet de l'action des chrétiens, mais pas de leurs intentions. Je reprends
ainsi la théorie des effets de composition, mais y introduis un facteur
idéologie. Les institutions sont le résultat des actions humaines (et non de
leurs intentions), mais pas de n'importe quelles actions. Cela signifie que
les croyances et les valeurs ont un rôle dans l'effet de composition à
l'origine des institutions du capitalisme.
L'effet du
christianisme sur la dynamique des institutions est bien connu par les
historiens du droit. Ils rappellent parfaitement le rôle qu'a joué dans cette
dynamique l'existence d'un Pape qui se dresse face aux monarques comme une
autorité morale indépendante. Cela fut particulièrement important dans
l'invention des libertés politiques et de l'indépendance entre la religion et
l'État.
« J'espère que
cet entretien suscitera des réactions et des critiques de la part de vos
lecteurs et qu'il permettra de faire mieux connaître la richesse des travaux
du courant autrichien contemporain et de ses grandes thématiques:
l'entrepreneur, les croyances, les institutions, la propriété privée, la
liberté, mais aussi l'intérêt des mathématiques et de l'économétrie. »
Ils rappellent
ensuite l'importance des débats qui eurent lieu à l'intérieur de l'Église
entre les tenants d'une terre qui appartient à tous, mais qui peut être
appropriée par chacun, et les tenants d'une théorie du bien commun. Le
capitalisme n'aurait pas pu émerger sans une légitimité morale des droits de
propriété et cette idée que tous les hommes sont égaux devant Dieu.
J'organise le
10 juin 2014 à la Maison des Sciences Économiques dans le cadre du SEPIO une
confrontation entre le PR d'histoire du droit J.L. Harouel,
qui a écrit un libre intitulé Le vrai Génie du
christianisme et M. David Cosandey qui défend
l'idée que c'est la géographie de l'Europe qui est son secret (Le Secret de
l'Occident). Nous devrions à cette occasion réactualiser nos connaissances
sur le sujet et peut-être réorienter nos recherches.
11.
Pensez-vous que la faiblesse des libertés économiques et politiques dans les
pays de l'aire musulmane s'explique (au moins en partie) par la religion
musulmane, tout comme la religion catholique a répandu en Europe une éthique
de la liberté favorable aux libertés économiques et politiques?
Encore une
fois, il ne s'agit pas d'une relation directe entre religion chrétienne et
institutions de la liberté. Les institutions de la liberté sont le résultat
des actions humaines et non de leur dessein. Les actions humaines sont
cependant orientées par des croyances et des valeurs qui sont justifiées par
des idéologies séculières ou non séculières. Ces idéologies légitiment les
institutions. Elles légitiment, par exemple, la privatisation des ressources
naturelles et de la terre en particulier ou le maintien de ces ressources en
pâture commune de libre accès.
Il est dans ce
contexte souvent dit que l'Islam est la religion des marchands et qu'à ce
titre elle est favorable au capitalisme, mais le capitalisme n'est pas le
commerce. Si un peuple s'enrichit par le butin, les conquêtes militaires, il
crée une classe possédante qui peut dépenser ses revenus dans les villes et
nourrir les marchands, mais il ne vit pas dans un monde capitaliste où
l'enrichissement n'est jamais dissocié de l'effort productif.
Si le droit
légitime le butin, et réglemente le statut de la terre, de l'eau, etc., et
limite ainsi la libre cessibilité des droits, il bloque l'échange et limite
ce dernier à la redistribution du butin à l'intérieur du groupe. C'est sur
cette base que je soutiens que l'interprétation traditionnelle des paroles du
Prophète n'a pas été un facteur favorable à l'invention des institutions de
la liberté (du capitalisme), mais aussi à sa diffusion.
12. La théorie
wébérienne de la naissance en Europe du capitalisme moderne, i.e. du
capitalisme entrepreneurial à partir du XVIIème siècle, soutient que celui-ci
est la conséquence non intentionnelle du comportement des bourgeois
protestants consistant à accumuler méthodiquement les richesses; et ce, non
en vue d'en tirer une jouissance matérielle mais en vue d'interpréter la
réussite de cette démarche comme le signe de l'élection divine. Quel point de
vue portez-vous sur la thèse de Weber? Quelles sont, selon vous, ses mérites
et ses lacunes?
Il est vrai,
comme cela a été présenté dans les autres réponses à vos questions, qu'il
s'agit d'un effet de composition. La thèse de Weber est stimulante, mais la
lecture de la littérature qu'elle a suscitée me conduit à penser qu'elle
n'est juste. J'ai déjà proposé une sorte de synthèse des critiques qui lui
ont été adressées dans mon article publié dans la revue Tiers Monde sur culture
et diversité culturelle. Voici dans ses grandes lignes l'ensemble des
critiques que l'on peut adresser à la proposition de Max Weber.
Il existe,
tout d'abord, de nombreux contre exemples: 1) L'Écosse de tradition
calviniste était moins développée que l'Angleterre anglicane ou a fortiori la
Belgique catholique; 2) Des pôles de développement préexistaient à
l'avènement de la réforme calviniste (Venise, Fugger d'Augsbourg, Cologne);
3) Les juifs et les Arméniens aux Pays-Bas ont joué un rôle aussi important
que les calvinistes dans le développement de ce pays; 4) Le dénominateur
commun des marchands n'est pas d'être calviniste, mais d'être des émigrés en
provenance des grands centres industriels et commerciaux du XVème siècle (Augsburg, Anvers, Liège, Côme, Lucques, Lisbonne). Le
développement économique n'est pas, en ce sens, une découverte protestante
puisque l'Islam, avant le Xème siècle, l'empire de Chine et/ou les villes
chrétiennes, avaient déjà connu des périodes de prospérité relative avant
même la réforme.
Les liens,
ensuite, entre théologie calviniste et esprit d'entreprise ne sont pas
évidents: 1) Le calvinisme a produit des prescriptions de politique
économique très autoritaires et interventionnistes; 2) La causalité entre
calviniste et recherche de la richesse (bourgeois) ne fonctionne pas dans le
sens de Weber mais en sens inverse, les bourgeois deviennent calvinistes
parce que leur travail y est mieux reconnu que dans l'Église catholique; 3)
Il a aussi été montré par Marshall Knappen que le thème
de l'anxiété due à la prédestination est absent des écrits des théologiens
puritains et par Christopher Hill (1966) que le thème de la discipline et du
travail n'était pas propre aux puritains mais était l'expression d'une
politique qui visait à inciter les gens à travailler; 4) Weber soutient que
la prédestination définit une nouvelle manière d'être au monde qui conduit
les hommes à vouloir s'enrichir pour saisir les signes de leur élection dans
l'au-delà ici bas. On aurait pu cependant faire
l'interprétation inverse: c'est parce qu'ils savent que leur position dans
l'au-delà leur est déjà affectée qu'ils ne font rien pour la changer. Il faut
que l'homme puisse décider de son avenir pour qu'il soit incité à agir,
autrement dit à s'insérer dans le monde pour le modifier. On peut aussi se
demander pourquoi la réussite économique et commerciale doit-elle
être le signe du salut dans l'au-delà? (Baechler
1971; Berman 2002, p.352, Novak 1987, Stark 2007).
Il ne me
semble pas possible dans ces conditions de garder la thèse de Weber en
l'état.
13. En analyse
marxiste, la naissance du capitalisme moderne passe par l'appropriation de
tous les moyens de production par des firmes privées autonomes et par la
transformation de la terre en capital. À cet égard, le mouvement des
enclosures en Grande-Bretagne, au XVIIème siècle, constitue un acte fondateur
du capitalisme. Quel jugement portez-vous sur l'analyse marxiste?
La théorie des
enclosures a désormais dépassé la sphère de l'école marxiste pour devenir,
avec D.C. North notamment, le cœur de la théorie
institutionnelle de l'essor de l'Europe.
L'intérêt
d'une telle théorie est de bien illustrer la théorie des coûts de transaction
et de montrer la contribution de l'État, comme super firme, à la mise en
place d'un arrangement institutionnel plus performant, et cela par la
privatisation des terres communes.
Le deuxième
intérêt d'une telle théorie est de donner une date de la naissance du
capitalisme. C'est à la fois un avantage et une faiblesse, car si, comme je
le crois, le capitalisme est avant tout la mise en œuvre progressive d'une
mentalité favorable à la liberté et à la reconnaissance des droits de
propriété, il est difficile de dater précisément l'avènement d'un tel système
économique.
Stark estime
par exemple que c'est au XIe siècle qu'apparaît ce qu'il appelle le
capitalisme monarchiste. Il s'agirait alors d'un processus beaucoup plus
long, moins situé dans le temps, et l'espace, capable de reconsidérer cette
idée que les Anglais ont inventé le capitalisme alors que c'est la France qui
en a inventé les codes, la doctrine.
L'autre
faiblesse de la théorie marxiste est qu'elle fait de l'idéologie un
instrument du pouvoir alors que rien n'interdit de penser au contraire que
les grandes idéologies utilisent le pouvoir pour se réaliser. L'idéologie
religieuse n'est pas seulement manipulée par les élites politiques, elle est
aussi ce qui donne une vision aux élites. Elle détermine la direction qu'ils
souhaitent donner à l'histoire des institutions.
14. « Chaque
génération est, je vous cite, dans la théorie des changements institutionnels
proposée ici, toujours libre de se convertir et/ou de défendre l'idéologie de
son temps. En redonnant ainsi une place à la religion dans l'explication des
changements institutionnels, on donne une place à l'entrepreneur dans la
théorie de l'évolution et on s'interroge sur la manière dont les hommes se
forment leur croyance et les modifient. » L'entrepreneur que vous évoquez ici
est plus précisément « l'entrepreneur idéologique », lequel a permis, je vous
cite une fois de plus, « de nouvelles synthèses et de nouvelles innovations
morales comme la naissance d'une société sans Dieu presque totalement
sécularisée ». Cette figure de l'entrepreneur idéologique me paraît
particulièrement intéressante. Pourriez-vous développer votre pensée à ce
sujet? Quelles sont les similitudes et les divergences entre l'entrepreneur
économique et l'entrepreneur idéologique?
Il faut bien
comprendre tout d'abord que l'entrepreneur est à la fois la figure du changement
et le résultat d'une posture méthodologique. Les deux dimensions sont liées,
car l'entrepreneur est à l'origine des phénomènes économiques. Il est la
cause du changement. Il n'est pas comme la boule de billard. Son mouvement ne
s'explique pas par un choc exogène. L'action de l'entrepreneur crée au
contraire le mouvement.
C'est pour
cette raison que l'on parle d'entrepreneur idéologique. L'entrepreneur
idéologique est l'agent du changement idéologique. Il n'est pas seulement mû
par les conditions du monde extérieur. Il peut conduire les hommes à voir le
monde autrement, alors que le monde n'a pas changé.
Il peut, par exemple, montrer que l'esclavage, le butin, la spoliation des
richesses produites par les autres sont des actes injustes et que rien ne
peut justifier de tels comportements politiques. Il change notre vision du
monde et peut alors provoquer un changement institutionnel.
Cette position
est très différente de celle des empiristes et des matérialistes qui pensent
généralement, de Marx à North, que le changement
institutionnel trouve son origine dans une modification du monde objectif –
et chez North, une évolution des prix relatifs.
Avec l'entrepreneur idéologique, c'est parce que l'interprétation du monde
change que le monde change. Car ce qu'il faut aussi comprendre, c'est que le coeur de l'ordre social ce sont les règles de droits et
que ces règles créent un monde artificiellement certain sur des bases
normatives. Cette norme de justice stabilise les institutions. Si elles
changent, nos institutions ne sont plus fondées et l'instabilité idéologique
ouvre la voie à un nouvel équilibre institutionnel fondé sur un autre critère
de justice.
III. L'usage approprié des
mathématiques en science économique
15. Dans un
article de 1999, vous avez contesté, dans la lignée autrichienne, la
scientificité du recours aux mathématiques en science économique. Vous
écrivez notamment: « La théorie de l'équilibre, le calcul différentiel ou le
calcul matriciel nous oblige à faire l'hypothèse d'omniscience et à inscrire
notre pensée dans un temps séquentiel qui n'existe pas. L'homme est ignorant
et vit dans la durée. L'économie mathématique va, par conséquent, gravement
nuire à notre compréhension de la coordination économique parce qu'elle
posera le problème en termes d'affectation optimale des ressources alors
qu'il s'agit de savoir comment les individus découvrent leur talent et
l'usage des ressources dont ils disposent. » Ceci me paraît être l'une des
raisons essentielles de se méfier de l'usage des mathématiques en science
économique. Pourriez-vous développer et justifier le point de vue que vous
avancez?
Cette position
se place dans lignée de l'ouvrage de Rizzo & O'Driscoll, Time and Ignorance, et de l'article de Hayek
de 1945 sur l'usage de la connaissance. Il serait utile de traduire le livre
de Rizzo & O'Driscoll
qui est sans doute l'une des contributions les plus intéressantes de l'école
autrichienne contemporaine.
Hayek montre
tout d'abord que l'affectation optimale des ressources suppose que l'on
connaît la valeur que les individus attribuent à chaque ressource. La valeur
est subjective. Un bien naturel peut être dans ces conditions sans valeur. Le
pétrole brut a moins de valeur dans un monde où l'on ignore le moteur à
explosion que dans un monde qui a découvert ce moyen.
En ce sens, le
système des prix n'est pas qu'un paramètre de la décision. Il est ce qui
permet aux hommes de connaître, d'une part, la valeur des choses, ce que les
individus sont prêts à sacrifier pour l'obtenir; et de s'adapter, d'autre
part, à l'évolution des nouvelles connaissances que les hommes accumulent
grâce à leurs expériences et qui, in fine, modifient la valeur qu'ils
attribuent aux choses.
Ce processus
complexe ne peut pas être décrit par un modèle d'équilibre, lequel repose sur
un calcul qui exige que toutes les informations nécessaires pour prendre une
décision existent. Les mathématiques ne peuvent que formaliser un monde
probable, où le futur est la reproduction du passé, autrement dit où le futur
est la copie du passé. L'introduction du temps de la conscience empêche de
penser en ces termes, il introduit la mémoire, l'interprétation,
l'apprentissage, etc., tout ce qui fait la dynamique d'une décision dans un
monde où le temps est irréversible et l'incertitude une condition de l'action
(théorie de la prudence).
Je pense que
de nouvelles recherches devraient être engagées dans cette direction pour
mieux saisir les limites et l'intérêt des mathématiques en science
économique.
16. Les
défenseurs de l'économie mathématique recourent généralement à deux grands
arguments pour justifier la modélisation mathématique. Le premier argument
consiste à affirmer que le recours aux mathématiques oblige le chercheur à
formuler ses hypothèses au grand jour et à expliciter le sens des relations qu'il
postule. Qu'est-ce qui fait selon vous que cet argument n'est pas recevable?
Il est vrai
que les modèles des économistes mathématiciens reposent sur une liste
d'hypothèses clairement identifiées. Il est vrai que ces hypothèses sont
généralement faites pour simplifier la réalité, et que cela est toujours
utile lorsque l'on est en présence d'une réalité complexe.
Ce qui est
généralement oublié cependant c'est que ces hypothèses ne sont pas faites
uniquement pour simplifier la réalité. Elles sont aussi faites pour rendre la
formalisation possible. C'est l'outil d'analyse qui dicte sa loi au
chercheur. Le même phénomène existe avec l'économétrie. Toutes les questions
deviennent quantitatives. Quel est l'effet de la variation de x sur la
quantité de y, alors que comme l'a montré la théorie autrichienne des cycles,
il peut y avoir du mal-investissement.
Il est
possible par exemple d'être plus riche qu'un individu qui a investi plus
d'argent que vous et ce, uniquement parce que le rendement de vos
investissements est supérieur; autrement dit, parce que la qualité de vos
anticipations a été meilleure. Il n'existe alors pas de lien mécanique entre
niveau d'investissement et enrichissement. C'est la qualité des
investissements qui détermine le niveau de la production. Seul le système des
prix permet de donner l'information qui permettra d'orienter les choix des
investissements vers les besoins les plus valorisés par les individus.
C'est aussi
cela l'effet d'un raisonnement purement quantitatif sur l'analyse économique.
17. Second
argument des défenseurs de l'économie mathématique: l'usage des symboles
mathématiques permet des analyses dont la complexité ne peut pas être égalée
par le langage ordinaire. Par exemple, sous sa forme mathématique le principe
d'utilité marginale s'énonce de la manière suivante: « si la quantité de bien
est notée q et que l'utilité qui lui correspond est notée u, alors u = f(q),
du/dq=f'(q) ³0, et 0 ³ d²u/dq² ». Selon les
défenseurs de l'économie mathématique, la formulation mathématique du
principe d'utilité marginale permet d'énoncer ce que le langage ordinaire est
impuissant à formuler. Pour quelles raisons rejetez-vous la pertinence de
cette analyse?
Je ne rejette
pas la pertinence de cette formulation, mais indique, comme l'a fait le fils
de Carl Menger, que la formulation littéraire de cette théorie a une portée
plus générale. Elle reste valide même si les fonctions d'utilité n'admettent
pas une dérivée seconde négative et que ses courbes n'ont aucun point de
tangence.
18. Selon
vous, « la mathématisation de la théorie des cycles par les nouveaux
classiques sacrifie l'effet Cantillon aux exigences de l'exactitude
mathématique. » Pourriez-vous en dire plus à ce sujet?
Là encore je
reprends un argument présent dans la littérature de Zijp
et Visser 1995. L'effet Cantillon met en évidence l'effet progressif et
différencié sur les prix d'une injection de monnaie dans l'économie au fur et
à mesure qu'elle se propage par les échanges à partir du point où elle a été
injectée. Il s'agit d'une formulation non quantitativiste de l'effet de
l'offre de monnaie sur la stabilité d'une économie et sa trajectoire.
L'effet
Cantillon comme la théorie du mal-investissement insiste sur la structure du
capital, i.e. le partage entre la consommation présente et la consommation
future. Il est extrêmement difficile de formaliser ce type de raisonnement
mais aussi de le tester économétriquement, même si certains auteurs
autrichiens ont tenté l'exercice.
19. Vous
écrivez également: « l'économie mathématique focalise son attention sur une
dimension inessentielle des phénomènes économiques. Elle croit que la science
économique est une science des quantités produites alors que la science
économique est une science des actions économiques. Les quantités et les prix
constatés sur le marché sont le résultat de jugements de valeur, mais
contrairement au mètre qui mesure la longueur de la table, la monnaie ne
mesure pas la valeur du bien. Il existerait donc un quiproquo dommageable
entre les économistes mathématiciens et la réalité. » Pourriez-vous préciser
davantage la nature de ce quiproquo et ses conséquences sur la véracité de la
théorie économique?
Cette position
doit être resituée dans son contexte philosophique. Les réalistes thomistes
distinguent trois niveaux d'abstraction: l'abstraction sensible, quantitative
et ontologique. Ces trois niveaux sont importants pour comprendre les faits
économiques.
Il se trouve
que le développement de l'économie quantitative et mathématique privilégie le
niveau quantitatif. Elle réduit l'économie française, ou la France, à tout ce
qui est mesurable, sa taille, le volume de sa production, etc. Cela n'est pas
indépendant de la mathématisation de la discipline, les mathématiques étant
pour certains la science des nombres.
Il est
irréaliste de vouloir réduire la réalité à ses aspects mesurables, et la
réalité économique qui plus est, car l'essence des faits économiques est
l'intentionnalité de l'action humaine. Les hommes ont à travers leurs
institutions voulu faire quelque chose. Ils avaient l'intention de réaliser
un projet. L'individualisme complexe ajoutera les effets de composition dont
nous avons parlé avec la théorie culturelle de l'invention des institutions
de la liberté. Il est impossible dans ces conditions de saisir l'essence de
la monnaie, de la propriété, de marché, de la liberté, uniquement en mesurant
le niveau de liberté, la quantité de monnaie, le montant des ressources
investis dans la sécurisation des droits de propriété, etc.
C'est
seulement sur la base d'une connaissance introspective ou d'une forme
d'induction qualitative qu'on peut saisir ce qu'est la monnaie, l'échange, la
propriété, etc. Les quantités et les prix constatés sur les marchés sont des
réalités qui ne prennent sens que placées dans une théorie qui donne sa place
à l'intention, aux anticipations, à l'erreur, etc., à tout ce que fait la
praxéologie, la théorie de l'action.
20. Cher
Monsieur, notre entretien touche à sa fin. Aimeriez-vous ajouter quelques
mots?
Oui je
voudrais vous remercier pour la qualité de vos questions et le plaisir que
j'ai eu à mener cet entretien avec vous. J'espère qu'il suscitera des
réactions et des critiques de la part de vos lecteurs et qu'il permettra de
faire mieux connaître la richesse des travaux du courant autrichien contemporain
et de ses grandes thématiques: l'entrepreneur, les croyances, les
institutions, la propriété privée, la liberté, mais aussi l'intérêt des
mathématiques et de l'économétrie.
Cher Monsieur,
je vous remercie infiniment; cet entretien fut pour moi un plaisir ainsi
qu'un honneur.
Note
1. Huerta de
Soto, J. (2007). L'école autrichienne. Marché et créativité entrepreneuriale,
traduit de l'espagnol par Rosine Létinier, Institut
Charles Coquelin, Paris, La escuela austriaca: mercado y creatividad empresarial, edit. Sintesis Madrid. Voir une
version électronique plus courte. Voir Annexe.
*Entretien
publié le 21 février 2014 sur le site de l'Institut Coppet.
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