Or donc, le gouvernement français a choisi de repartir à nouveau à l’assaut du vilain virus. Puisque – rappelez-vous ! – c’est une guerre, le président a trouvé un nouveau moyen de contrer l’ennemi microscopique : le couvre-feu a été décidé, pour (quasiment) tout le monde. Et tout ira mieux, vous allez voir.
Comme souvent, le cerfa se cache dans les détails : d’une part, il a été décidé de limiter ce couvre-feu à certaines villes. Ensuite, il ne s’étend que de 21 heures à 6 heures. Enfin, il y a quelques autres interdictions, inévitables, qui s’étendent à tout le monde comme les rassemblements privés qui doivent se contenter d’un maximum de six personnes.
En quelques semaines, on est donc passé du Monde de l’À-Peu-Près à un Monde d’Après qui ressemble de plus en plus au Monde d’Avant … la libération, avec petits papiers d’autorisation de la Kommandantur et patrouilles de « sécurité » dans les grandes villes françaises.
Bien sûr, cette nouvelle phase d’hystérie sanitaire s’accompagne de la confusion maintenant habituelle au sein du gouvernement entre ceux qui en voudraient un peu moins et ceux qui en voudraient un peu plus, démontrant s’il était encore besoin que la communication n’est vraiment pas le point fort de nos gouvernants dont on nous avait pourtant dit qu’ils étaient des communicants.
Mini-confinement c’est donc, dans cette zone grise bizarre où on se demande le sens concret à donner à tout ça.
Ainsi, si on comprend l’idée qui consiste à limiter les réunions à six personnes dans le cadre privé pour limiter la propagation du virus, on se demande comment cette interdiction pourtant présentée comme formelle peut être contrôlée, même vaguement : juridiquement en effet, aucun policier ne peut débarquer chez vous pour vérifier que vous la respectez sans une solide paperasserie des juridictions compétentes.
Eh oui, même si c’est probablement pour une durée très limitée et dans le cadre d’une quinzaine commerciale, la France prétend encore être un État de droit et tout ne peut s’y faire à la va-comme-je-te-pousse, en dépit de ce que l’action gouvernementale nous montre avec insistance depuis 10 mois.
Ainsi, on devra s’interroger sur la pertinence qui consiste à limiter les réunions familiales à six personnes, tout en laissant les individus s’empaqueter lors de manifestations politiques ou dans les transports en commun. Devra-t-on fêter son anniversaire dans un bus pour éviter la prune ?
Ainsi, on est en droit de se demander ce qui justifie les horaires choisis : pourquoi 21 heures et pas 22 ou 23 heures ? On comprend qu’on veuille ici limiter les rassemblements des gens hors de chez eux, mais pourquoi l’Allemagne ou la Belgique, frontalières, ont choisi d’autres horaires ? Le virus allemand est-il plus ponctuel ?
D’autant qu’en Allemagne, même cette idée de couvre-feu n’est pas en place et qu’en définitive, des restrictions demandées par la ville de Berlin y ont été annulées. Bref, ces différences européennes illustrent assez bien qu’en la matière, rien n’est clair, rien n’est scientifique, tout est à la discrétion des autorités, au pif.
Ainsi, on devra aussi se demander pourquoi interrompre ainsi ces activités nocturnes alors que les foyers épidémiques sont connus ; nonobstant le fait qu’avec plus de 35 cycles PCR, la pertinence des tests est de plus en plus sujette à débat, on sait que ce ne sont pas les restaurants, les salles de sport, les bars ou les théâtres mais bien l’école et l’entreprise qui constituent l’essentiel des foyers épidémiques.
Autrement dit, tout ceci manque furieusement de cohérence scientifique, de logique générale et montre surtout une nouvelle phase d’improvisation qui augmente encore le stress global de toute la population et les missions d’une police déjà largement débordée dans ses tâches de base (sans même évoquer celles qui s’empilent au fil de l’eau)…
Car oui, pendant que nos élites démontrent leur appétit de pouvoir et leur gourmandise à édicter des interdits, les autres problèmes ne cessent pas d’exister comme l’a amplement rappelé le récent « accident de vivrensemble » abominable à Conflans.
En pratique, ce couvre-feu ressemble fort à une nouvelle gesticulation (avant son inévitable extension, éventuellement jusqu’au reconfinement) pour cacher l’absence de toute police dans certains quartiers dont beaucoup d’habitants rêveraient, pour enfin dormir en paix, que ce couvre-feu soit effectivement appliqué. Qui croit réellement que le couvre-feu de la région parisienne s’appliquera également à Champigny Les Mortiers ?
Ce couvre-feu n’est qu’une énième étape dans l’usage calculé de la force sur des individus de plus en plus faibles tandis qu’elle ne l’est plus du tout sur ceux qui s’éloignent à grande vitesse des valeurs du pays. C’est logique du reste : les forces de l’ordre, consciencieusement écouillées par des années d’empilements législatifs et procéduraux, une courageuse campagne de presse de tous les instants dénonçant la moindre démonstration de force, des montagnes de cerfas et une dilution phénoménale des responsabilités à tous les niveaux hiérarchiques, ne sont plus capables de faire preuve de la moindre violence, même légitime, même symbolique.
Et lorsque la force officielle est devenue complètement anémique, elle ne peut agir que sur plus faible qu’elle, c’est-à-dire essentiellement les paisibles, les gentils, les inoffensifs, dont le crime est d’avoir voulu sortir Touki à 21 heures 05.
Le problème de ces règles arbitraires, de ces décalages de plus en plus flagrants entre ce qu’on attend du régalien et ce nouvel hygiénisme débridé, véritable fuite en avant pour éviter que la facture des agissements gouvernementaux débiles soit établie, c’est qu’on accumule à la fois une frustration énorme de la part du peuple et qu’on augmente singulièrement la masse de ceux qui n’en peuvent plus de ce tout-à-l’État dégoûtant : mécaniquement, les rangs des chômeurs, des petits patrons en faillite et de leurs salariés au chômage vont encore grossir et venir alimenter la liste maintenant très longue de ceux qui n’ont plus rien à perdre et qui n’entendront pas s’éteindre sans cri.
Forcément, ça va bien se passer.