Certes, ce sont les vacances. Certes, l’actualité se fait plus calme, les journalistes étant eux-mêmes partis profiter des joies qu’offrent le capitalisme et la mondialisation pour revenir ensuite au bercail, batteries rechargées, cracher sur le capitalisme et la mondialisation. Pendant ce temps, le gouvernement est en pause. Tout le gouvernement ? Non. Un petit ministère résiste encore et toujours à l’endormissement : Bercy.
Bien sûr, on ne doit pas vraiment à un hasard du calendrier l’actuelle apparition des nouvelles douloureuses sur la pluie d’impôts qu’on nous concocte pour les mois à venir. De la même façon qu’on ne fait les barbecues, les émeutes et les baignades qu’en été, les annonces douloureuses sur les impôts privilégient toujours cette période où plus personne n’écoute. Cependant, entre deux moiteurs estivales, difficile d’écarter les certitudes qu’un petit bouillon se trame à l’horizon.
Et on en parle donc, un peu, ici ou là.
Ici, on apprend qu’il va falloir trouver entre quatre et six milliards d’euros. Comme Mario, de la BCE, refuse obstinément de les imprimer sur son lot d’imprimantes alors qu’il a reçu plein de cartouches neuves, le gouvernement français — qui fait, pour rappel, l’équivalent d’un petit emprunt de plus de 700 millions d’euros par jour ouvré — a décidé qu’il allait trouver cette somme dans la poche forcément pleine de surprises de ses concitoyens.
Là, on comprend à demi-mots gênés que la petite Najat a bien du mal à concilier son appartenance au Camp du Bien d’un côté, et le fait qu’il va falloir cogner comme un sourd sur tout le monde et surtout les pauvres (les plus nombreux), comme le faisait juste avant qu’elle arrive le Camp du Mal. C’est embêtant que voulez-vous : on vise, nous dit-elle la bouche en cœur, à ne pas laisser une ardoise aux générations futures.
Ce qui n’empêche pas l’actuel gouvernement de creuser la dette nationale de plusieurs dizaines de milliards d’euro cette année encore (et prend-toi ça dans les gencives, encombrante génération future !) et d’emprunter dans les 170 milliards en 2013. Une paille.
Les éléments s’accumulent, les papiers s’enchaînent et tous pointent dans le même sens : la rentrée sera piquante, l’année 2014 sera chaude, et les impôts vont, malgré les dénégations fermes de Hollande en début d’année 2013 (suivies de rétropédalages choucrouteux six mois plus tard) continuer à augmenter.
Une bonne nouvelle dans tout ça : seuls les riches seront mis à contribution (mais si : tous les médias le disent : « Bercy veut taxer les plus aisés »). Une mauvaise nouvelle : maintenant, en France, on est riche dans les pluzaisés dès 20.000 euros de revenus par an. C’est aussi ça, le changement maintenant : youpi, la France accueille un nombre de riches croissants ! En effet, selon les calculs du syndicat Solidaires-Finances publiques, ce dispositif entraînera 23 euros d’impôts supplémentaires pour un célibataire avec 20.000 euros de revenus, 162 euros s’il gagne 35.000 euros, 626 euros pour 100.000 euros de revenus et 1.772 euros pour 200.000 euros ; pour un couple marié avec deux enfants, la facture progresserait de 19 euros à 3.059 euros selon les cas des figure. Et il s’agit bien de l’impôt supplémentaire, pas de l’impôt total. On est en France, hein.
Si l’on se rappelle que le salaire médian est (justement) de 20100€ par an, on comprend que la mesure va toucher au moins 50% des salariés français (soit 1/4 des foyers, une moitié ne payant pas d’impôts sur le revenu). Vous me direz : zut, c’est encore et toujours le même quart qui trinque. Eh bien oui, c’est aussi ça, le changement. Et si ça ne vous plaît pas, c’est pareil.
Bon, je vous charrie : en fait, ces augmentations d’impôts aussi inopinées que douloureuses ne sont rien que de vilaines rumeurs colportées, on s’en doute, par toute une clique de vilains ultralibéraux et autres médiocres opposants à la ferme et vigoureuse réforme de tout le pays, à laquelle s’est attelé tant François Hollande, son inénarrable président, que Pierre Moscovici, son extraordinaire minustre de l’Economie et des Finances. D’ailleurs, il l’explique lui-même avec ses mots à lui, touchants et maladroits comme seuls les enfants et les benêts savent le faire :
« Notre politique en matière de fiscalité est de refuser les hausses d’impôts qui sont généralisées et indifférenciées. Notre souci à nous, c’est le sérieux budgétaire mais aussi le pouvoir d’achat des plus démunis et des classes moyennes. »
Dans la foulée, pour ajouter un bon gros bout de crédibilité en conserve à sa tirade, il a précisé qu’en plus,
« le 2e trimestre a été un trimestre de croissance positive, et je pense qu’elle devrait être du même ordre au 3e trimestre. Puis, 2014 sera la première année de croissance depuis trois ans. »
C’est mignon.
En attendant, si l’on écarte les vilaines rumeurs, le tangible, le sûr, le dur, le concret, c’est des dépenses de l’État qui persistent à grossir, ce sont des fonctionnaires qui seront, pour la moitié d’entre eux, augmentés, alors qu’ils devraient être diminués (en nombre et en traitement), et ce sont des dispositifs fiscaux débiles, mis en place par des manchots et des incapables, qui s’avèrent bien plus coûteux que ce que les fins comptables de Bercy avaient calculé.
Ainsi, a contrario, donc, de ce qu’on avait prévu (sur ce blog et ailleurs), le dispositif Duflot de Garantie Universelle des Loyers (GUL) va se transformer en gouffre comme toute belle idée collectiviste aux effets de bords inévitables, avec explosion du budget initial et mort du petit cheval dans la foulée. M’est avis qu’on entendra longtemps parler du Gouffre du Gul duquel montait les mugissement de Duflot (ce qui, au passage, pourrait faire l’objet d’une aventure épique avec des trolls, des nains et des elfes dans un pays magique où l’Etat finit toujours par retomber sur les pattes des autres).
On pourrait croire l’histoire duflotesque anecdotique, mais il n’en est rien : si les impôts augmentent tant d’un côté, c’est aussi parce que, il faut bien le dire, nos « élites » font absolument n’importe quoi. Et comme pour corriger leurs erreurs, les maladroits aigrefins ajoutent une bonne dose de bévues, la France passe son temps à modifier ses lois fiscales dans un tourbillon de changements, maintenant, ici, avant, après, là et partout.
Comment s’étonner, devant une telle insécurité juridique, que des entreprises mondiales installent leurs sièges sociaux ailleurs que dans le cloaque bouillonnant français ? Comment s’étonner lorsqu’on découvre que le nouveau géant de la publicité va s’installer aux Pays-Bas, notamment parce que le régime fiscal néerlandais n’a pas bougé en vingt ans ?
Comment ne pas comprendre que cette insécurité fiscale, ces erreurs de chiffrage à répétition, ces effets de bords négatifs mal compris, ces augmentations permanentes des taxes et des impôts conduisent tous les jours un peu plus le pays à sa perte ? Comment ne pas voir que les étapes suivantes seront toujours de plus en plus douloureuses, jusqu’au moment où, comme dans l’île méditerranéenne, les épargnants vont se faire salement chyprer leurs comptes ?
Oui, il n’y a plus de doute : l’administration qui est chargée de collecter les impôts a passé la démultipliée. Finalement, Le Changement De Braquet De l’Administration Fiscale, c’est peut-être un slogan à la con, mais c’est maintenant et ça va faire un peu mal, surtout les premiers temps. Mais l’habitude permet des souplesses qu’on croyait impossibles, qu’on n’imaginait pas et pour tout dire, qui en font saliver plus d’un.
Vous l’avez voulu, vous l’avez eu. Profitez-en bien.