Autant la politique et l’économie françaises ressemblent à une vieille voiture des années 80, retournée sur le toit et les roues encore en mouvement par l’inertie et la violence d’un triplet de tonneaux cinématographiques mais fatals, autant l’aventure des monnaies numériques ajoute surprises sur développements enthousiasmants.
Par monnaies numériques, j’entends à la fois les purs moyens de paiement comme Paypal, qui se substituent en partie aux réseaux bancaires, et les développements cryptographiques récents comme Bitcoin qui fournissent, en plus d’un moyen de paiement, une véritable monnaie au sens d’une unité de compte et d’une réserve de valeur, par différentes solutions techniques plus ou moins élégantes.
Et la fréquence avec laquelle on aborde le sujet, dans ces colonnes et ailleurs, n’est pas (ou pas seulement) le fruit d’un intérêt personnel, mais bien aussi dictée par le progrès que ces monnaies numériques marquent tant sur le plan technologique que sur le plan de l’acceptation de ce nouveau paradigme auprès du grand public.
J’en veux pour preuve le récent développement de nouvelle plateformes d’achat et de vente de Bitcoin, comme Coinbase qui dispose maintenant d’agréments bancaire dans plus d’une douzaine de pays dans le monde (dont la France et la Belgique), ou les avancées de Circle qui entend donner la possibilité d’acheter des Bitcoins d’une façon simple et sécurisée, au contraire des autres plateformes nécessitant souvent de lourdes démarches administratives auprès des autorités bancaires.
Et au-delà de ces développements spécifiques à Bitcoin, difficile de passer à côté de la petite révolution qui a eu lieu, discrètement, au niveau de Paypal. La plateforme de paiement qui y est associée, Braintree, supporte maintenant cette monnaie numérique, ce qui est une excellente chose : grâce à l’intégration de Bitcoin dans la plateforme Braintree, tous les marchands qui ont un site web et qui utilisent cette facilité (ils sont très nombreux) pour, actuellement, proposer un paiement au travers de Paypal, pourront avec un minimum de modifications proposer aussi un paiement avec la nouvelle monnaie numérique, accroissant ainsi de façon sensible sa notoriété et sa facilité d’usage lors d’un échange commercial. Et si l’on se rappelle que Braintree est utilisé notamment par Über, Airbnb ou eBay, on comprend que le potentiel d’utilisation de Bitcoin vient de faire un bond sensible.
En outre, l’utilisation de Bitcoin par la plateforme qui fournit le service de paiement à une compagnie comme eBay (plus de 60 milliards de dollars de capitalisation boursière) n’est pas anodin. Pour le PDG de Braintree, Bill Ready, l’affaire est entendue : parier maintenant sur Bitcoin, c’est comme parier il y a trois ou quatre ans sur le commerce via téléphone portable … C’est tellement peu anodin qu’on voit déjà, dans la publicité agressive de Paypal contre Apple, un prolongement possible de l’utilisation de cette monnaie numérique pour les marchands et les fournisseurs de moyens de paiement électroniques.
Pour rappel, Paypal s’est récemment fendu d’un message publicitaire expliquant préférer son propre système de paiement plutôt que le moyen proposé par Apple au travers de son iPhone 6, actuellement en cours de lancement partout dans le monde. Comme on le comprend, tous les coups sont permis pour prendre et conserver des parts de marché dans le paiement électronique et l’utilisation des monnaies numériques. À ce titre, on voit mal comment Bitcoin pourrait n’avoir aucun rôle à jouer…
Et puisqu’on parle d’Apple et de sa soi-disant révolution de porte-monnaie électronique (pour information, les Japonais disposent du paiement sans contact à partir d’un téléphone depuis dix ans), il apparaît indispensable de lire l’intéressant article du New-York Times, paru le 10 septembre dernier. Dans celui-ci, les auteurs découvrent la révolution en cours.
Ils ont bien sûr raison d’insister sur le fait qu’un acteur majeur comme Apple qui se lance dans ce genre d’innovation, c’est l’assurance d’une adoption plus rapide par le grand public d’une technologie qui diminue énormément les frictions naturelles qui existent actuellement dans les actes de paiement électronique. En effet, pour le moment, tout paiement électronique passe très largement par la détention d’un compte bancaire. Quelques expériences (Monéo en France, Proton en Belgique par exemple) ont montré qu’il était possible de stocker sur une carte un petit montant en euros, mais la détention d’un compte bancaire est toujours indispensable. Le développement des moyens de paiement alternatifs va faire progressivement disparaître cette nécessité de compte dans une banque centralisée.
Cependant, au-delà de cette remarque, on commence à comprendre l’ampleur du changement paradigmatique que la monnaie numérique introduit dans le paysage financier, notamment dans son impact immense en terme de gestion des deniers publics. Pour le dire crûment, l’avènement des monnaies et portefeuilles numériques, ainsi que des moyens de paiements décentralisés signifient deux choses.
D’une part, si, comme le fait fort justement remarquer Simone Wapler dans un récent article, on peut clairement s’inquiéter d’une numérisation complète de la monnaie tant que celle-ci reste la propriété de l’État, et ce parce qu’elle introduit un moyen de flicage assez phénoménalement invasif, a contrario, la multiplication des moyens de paiements parallèles et détachés des comptes bancaires amène inévitablement à la disparition de l’impôt et de la collecte de taxes, ou, tout du moins, telle qu’on la connaît aujourd’hui, tant impôts et collectes reposent, à un moment ou un autre, sur la présence d’un opérateur centralisateur qu’on peut pressurer (les banques) et qui n’existe pas avec ces monnaies numériques parallèles et décentralisées.
D’autre part, il devient maintenant évident que la technologie permet, ici et maintenant, de créer des monnaies privées à volonté (liées ou non à un commerçant) dont la numérisation permettra l’affranchissement complet des monnaies fiat. Pour être clair, rien n’interdit sur le plan technique d’imaginer bientôt échanger, de façon totalement numérique, les points d’un vendeurs X, détenus par un client A, par les points d’un vendeur Y détenus par un client B, sans jamais passer par une monnaie fiat, et le tout, en dehors de tout contrôle possible (i.e financièrement et techniquement viable) par l’État, l’ensemble se déroulant de façon massivement décentralisée.
Et petit à petit, ceux qui réfléchissent un tantinet aux implications des monnaies électroniques se rendent compte qu’à mesure que les échanges deviennent de moins en moins coûteux à réaliser, ils deviennent aussi de plus en plus coûteux à réguler.
La mauvaise nouvelle, c’est qu’il est absolument certain que, quand bien même cela s’avèrera impossible, les compulsifs de la régulation à outrance tenteront tant et plus de juguler cette utilisation libre des nouvelles monnaies numériques.
La bonne, c’est que le coût de ces efforts va devenir si grand qu’ils devront être abandonnés, tôt ou tard.
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