Est-ce en réaction à la crise qui secoue l’économie depuis
quelques années, ou bien au contraire un dommage collatéral de la politique
monétaire mise en place par les banques centrales pour lutter contre
l’effondrement des valeurs financières, toujours est-il qu’entre 2008 et
2015, la quantité de monnaie électronique en circulation a été multipliée par
6.
Ce sont les dernières statistiques
officielles de la Banque centrale européenne qui le révèlent : en valeur,
la monnaie électronique est passée de 1,2 milliards d’euros en
circulation en 2008, à 7,1 milliards d’euros au mois de décembre 2015.
Et c’est même sans compter sur les monnaies électroniques émises par les
établissements non-bancaires qui représentent environ un milliard
d’euros supplémentaire.
Monnaie électronique ou monnaie virtuelle ?
Attention, la monnaie électronique ne doit pas être confondue avec une
devise cryptographique virtuelle basée sur l’échange de données numériques
(comme le Bitcoin par exemple). Une directive européenne définit la
monnaie électronique comme “une valeur monétaire stockée sous une forme
électronique, y compris magnétique, représentant une créance sur l’émetteur,
qui est émise contre la remise de fonds aux fins d’opérations de paiement (…)
et qui est acceptée par une personne physique ou morale autre que l’émetteur
de monnaie électronique“. Et en France, le terme de monnaie électronique
n’est entré que récemment dans l’environnement légal des transactions
financières grâce à la loi n°2013-100 du 28 janvier 2013.
En clair, une monnaie électronique est un tout simplement un substitut
à l’argent liquide (pièces et billets), stocké dans un dispositif
électronique ou sur un serveur distant. Plus concrètement, il pourra s’agir
de sommes présentes des plateformes de paiements en ligne,
de type Paypal par exemple, dont les mouvements de crédits et de
débits s’effectueront uniquement sur internet. Pour autant, il ne s’agira pas
de monnaie créée en supplément de celle déjà présente dans les circuits
classiques, mais uniquement d’un nouveau canal d’échange pour des valeurs
légalement en circulation.
Plus généralisées, les cartes de paiement préchargées
constituent elles aussi des formes de monnaie électronique. Alimentées à
partir d’un compte bancaire ou même par un dépôt de chèques ou d’espèces
auprès de l’organisme émetteur, elles offrent à leurs détenteurs une
provision à partir de laquelle il est possible d’effectuer des paiements
auprès de fournisseurs distincts pour acheter des biens et services non
spécifiques. L’exemple de la carte Moneo en France a pu donner un
aperçu de ce type de paiement, même si le public n’a finalement pas du tout
adhéré à ce concept de “portemonnaie électronique” destiné à
limiter l’usage les pièces et les billets.
D’autres cartes prépayées présentent des particularités intéressantes, à
l’instar de la Veracarte dont la valeur est adossée à une quantité
d’or, d’argent ou de diamant acquise par le détenteur au prix du marché.
Principal avantage, en cas de dévaluation des monnaies, le patrimoine des
détenteurs est protégé.
Les monnaies électroniques bien vues par les banques et les autorités
financières
Contrairement à ce qu’on pourrait supposer, les banques voient d’un très
bon œil l’arrivée massive de tous ces moyens de paiement électroniques.
Étouffées par des coûts structurels de plus en plus lourds, et surtout
poussées aux économies par une crise qui n’en finit pas de peser sur
leurs bilans en raison de placements douteux datant des années 1995-2007,
les banques essaient d’amener leurs usagers à limiter au maximum les moyens
de paiements dont le traitement coûte de l’argent. Au premier rang de ces
moyens de paiements que les banques voudraient voir disparaître, les
chèques et les espèces leur font perdre plusieurs milliards d’euros par an…
alors que les cartes bancaires leur en font gagner au moins autant ! Certes,
tous les procédés et dispositifs de monnaie électronique sont loin de leur
appartenir, mais à défaut de commissionnements sur les transactions, au moins
n’ont-elles plus à supporter les frais de traitement liés aux achats
correspondants qui, jusqu’alors, auraient été réglés par chèques ou avec des
billets.
Autre avantage des monnaies électroniques : en faisant peu à peu
disparaître l’argent liquide de nos poches, elles nous préparent doucement
mais surement à une société sans cash favorisant une plus
grande flexibilité de la valeur de l’argent. En particulier, les effets des
taux d’intérêt négatifs pourraient alors s’exprimer pleinement tandis que les
agents économiques n’auraient plus la possibilité de stocker de la
valeur sous forme de billets. Il est d’ailleurs probable que le
formidable essor de la monnaie électronique au cours de ces dernières années
ait été largement motivé, pour ne pas dire encouragé, devant une telle
perspective…