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Que ce soit sur les forums, dans les
interviews de certains politiciens, ou même dans les commentaires de ce
blog, il y a des gens qui pensent dur comme fer qu'il "suffirait de
faire payer les riches" pour, comme par magie, redresser les comptes de
la nation, "sauver" les retraites, etc...
Cette affirmation ne résiste pas à un examen sommaire.
Les riches paient
déjà !
L'INSEE livre dans cette étude (PDF) une étude statistique des
plus hauts revenus en 2007. L'étude est difficilement exploitable
seule, car elle moyenne les revenus par "unité de
consommation(1)" selon la définition de l'INSEE, ce qui ne
facilite pas les comparaisons, et non par personne dans le foyer, mais en la
croisant avec les statistiques des déclarations de revenu de la
même année, publiées par le
ministère du budget, j'ai pu tirer le tableau
suivant avec quelques arrondis grossiers, les pourcentages des colonnes en
italique sont à +/-10% près (un pourcentage
indiqué à 8% se situera entre 7,2 et 8,8).
%age
de personnes les plus riches
|
Gagnent
plus de... (euros)* par UC
|
Gagnent
en moyenne (Euros) par UC
|
Nombre
de déclarants individuels
(milliers)**
|
Pourcentage
du total des revenus déclarés à l'IRPP
|
Taux
d'imposition moyen
|
Pourcentage
total des impôts sur le revenu payés.
|
10%***
|
36
000
|
48
000
|
4800
|
23%
|
10%
|
47%
|
1%
|
84
500
|
149
000
|
480
|
8,2%
|
20%
|
23%
|
0,1%
|
225
000
|
335
000
|
48
|
1,8%
|
25%
|
8,1%
|
0,01%
|
687
000
|
1
269 000
|
4.8
|
0,7%
|
25%
|
3,1%
|
*
Tous revenus confondus, 2007
** Mon estimation du
nombre de déclarants peut être faussée par des doubles
comptes que je n'ai pas les moyens de détecter. Environ 48 millions de
déclarants individuels, dont 25 millions déclarant en couple.
Voir également note (1) en bas de page.
*** précaution de
lecture: les moyennes d'une ligne "incluent" les gens des lignes
situées en dessous. Les
lignes ne s'additionnent donc pas.
A noter: produit fiscal IRPP 2007 # 49
Mds€, total des revenus déclarés, environ 820 Mds€,
mais il s'agit du revenu "fiscal de référence" -
incluant certaines déductions- qui n'est pas le revenu exact (Source WP). Les chiffres sur le site de
Bercy, qu'il faut additionner soi même à la main, donnent
plutôt 870Mds.
Quelques remarques
Tout d'abord, savoir que le seuil pour appartenir aux 10% des meilleurs
revenus est de 3 000 Euros par mois en dit long sur la nullité des salaires, et
la platitude de leur échelle, dans ce pays. Et que le
seuil des 1% se situe à 7000 Euros par mois prouve qu'à
l'évidence, la France n'est pas un pays ou beaucoup peuvent
s'enrichir. Et c'est très dommage, car les enrichis sont un bon
indicateur du dynamisme de l'économie: des entrepreneurs et cadres
supérieurs riches en grand nombre indiquent qu'il y a plus
d'entreprises qui marchent, et donc plus de cadres moyens, plus
d'employés très qualifiés, de commerciaux bien
commissionnés, etc...
Ensuite, s'il est connu que seuls 50% des ménages (environ) paient la
totalité l'impôt sur le revenu, le fait que les 10% les mieux
dotés en paient à eux seuls 47% (soit 4,7 fois plus que leur
part de la population adulte), ou que les 4800 super-riches paient 3,1% du
total, soit 310 fois plus que leur part de la population, montre que
l'impôt sur le revenu est extrêmement progressif. Et encore les chiffres ci dessus
ne concernent que l'IRPP et donc n'incluent pas l'ISF.
Notez au passage que les "0,01%" (super-riches) réussissent
à ne pas augmenter leur pression fiscale moyenne par rapport aux
"0,1%" (très-riches): Les niches fiscales leur sont
certainement très familières...
Un matraquage fiscal
supplémentaire des "riches" ne rapporterait rien
Enfin, si on doublait l'imposition des 10% les plus riches (soit toute
personne à plus de 36000 Euros/an... ce qui donne une
définition particulièrement basse de la "richesse"),
ce qui serait énorme, en supposant que miraculeusement, aucun d'entre
eux ne partirait de France ou ne diminuerait son revenu malgré ce
matraquage, le surcroît de produit fiscal serait de 23 milliards, soit
à peine plus de 1,1% du PIB. Notre déficit 2010 devrait tourner
autour de 150 (8%), et les prochaines années verront les
déficits de l'assurance vieillesse exploser bien au delà de ce
niveau si rien de significatif n'est entrepris pour arrêter
l'hémorragie. On voit donc que même dans le cas
"idéal" totalement utopique où l'augmentation de
pression fiscale n'inciterait pas les plus aisés à
échapper à tout prix au fisc, faire payer les riches ne ferait
rentrer dans les caisses que 1/6 ème du déficit actuel de
l'état, où même uniquement la moitié des
déficits constatés avant la crise: "faire payer les riches"
ne résout rien.
Mais surtout, l'effet "Laffer", déjà largement
commenté dans ce blog, et empiriquement souvent vérifié (exemple) jouerait de façon
négative dans ce cas. Même un chercheur peu suspect de
sympathies libérales comme Thomas Piketty reconnait qu'une hausse des
taux marginaux supérieure à 10% sur les très hauts
revenus provoquerait un effet Laffer négatif (exode fiscal -également ici-, moindre appétence au
travail rentable) tel que le surcroît de rentrées
fiscales résultant serait au mieux très décevant, au
pire... Négatif. Des recherches indépendantes ont montré
que l'ISF
coûte sans doute 4 à 8 fois plus que ce
qu'il rapporte à cause de tous les impôts non perçus sur
les revenus des capitaux délocalisés à l'étranger
depuis son instauration.
Enfin, à long terme, des taux marginaux trop élevés
tueraient tout espoir de croissance en décourageant l'investissement
productif, l'esprit d'entreprise et la formation de capital. Il y aurait
moins de très riches, mais aussi et surtout moins de"petits"
riches, alors qu'une société fonctionnelle devrait au contraire
donner au plus grand nombre la possibilité d'atteindre une certaine
aisance matérielle. Et une société qui encourage
l'égalité dans la médiocrité n'est en rien
préférable à une société permettant un bon
espoir d'élévation individuelle au fur et à mesure que
la vie avance.
Notre classe politique doit cesser de considérer celui qui s'enrichit
comme un accapareur à qui il faut faire rendre gorge, mais un
symptôme de réussite dont la multiplication est non seulement un
signe, mais une condition sine
qua non de bonne santé économique et d'harmonie
sociale. Punir le succès est le plus sûr chemin vers une
société de la médiocrité.
Conclusion
"faire payer" les plus riches (2) plus qu'ils ne le font
déjà ne permettra pas de résoudre nos
déséquilibres budgétaires, et accentuera à long
terme des effets tout à fait désastreux déjà
observables pour l'économie de ce pays, à commencer par un
exode massif des meilleurs diplômés, les plus mobiles, qui
manqueront cruellement pour apporter au pays le sang neuf et les gains de
productivité dont il a tant besoin.
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(1) Le "revenu par unité de
consommation" est obtenu en divisant le revenu du foyer par le nombre
d'UC du foyer, qui n'est pas égal au nombre de personnes. En effet,
l'INSEE considère que la seconde personne consomme la même salle
de bains, la même télé, etc... et donc elle
pondère le second membre du couple à 0,5 UC, ainsi que les
ados. Puis elle compte les enfants pour 0,3 UC. Le revenu par personne
"non à charge" dans chaque foyer est donc différent
du revenu par UC, mais on peut considérer que les ordres de grandeur
sont assez proches. En effet, en auscultant les données du fisc, on
peut approcher le nombre d'unités de consommation de la population
française entre 46 et 47 millions, or, le nombre de personnes
déclarant un revenu est de l'ordre de 47 à 48 millions.
Assimiler revenu moyen par UC et revenu moyen par personne déclarant
un revenu est donc, faute d'accès à des données plus
détaillées, une approximation acceptable, que par conséquent
je m'autorise.
(2) Pour être clair, je précise
que je ne fais pas partie du top 1%, de très loin. Je suis à
des années lumières de l'ISF, et je ne défends donc pas
ici ma situation personnelle.
Vincent
Bénard
Objectif Liberte.fr
Vincent Bénard, ingénieur
et auteur, est Président de l’institut Hayek (Bruxelles, www.fahayek.org) et Senior Fellow de Turgot (Paris, www.turgot.org), deux thinks tanks francophones
dédiés à la diffusion de la pensée
libérale. Spécialiste d'aménagement du territoire, Il
est l'auteur d'une analyse iconoclaste des politiques du logement en France, "Logement,
crise publique, remèdes privés", ouvrage publié
fin 2007 et qui conserve toute son acuité (amazon), où il
montre que non seulement l'état déverse des milliards sur le
logement en pure perte, mais que de mauvais choix publics sont directement
à l'origine de la crise. Au pays de l'état tout puissant, il
ose proposer des remèdes fondés sur les mécanismes de
marché pour y remédier.
Il est l'auteur du blog "Objectif
Liberté" www.objectifliberte.fr
Publications :
"Logement: crise publique,
remèdes privés", dec 2007, Editions Romillat
Avec Pierre de la Coste : "Hyper-république,
bâtir l'administration en réseau autour du citoyen", 2003, La doc
française, avec Pierre de la Coste
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